Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame l'inspectrice générale, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre exposé et votre rapport. Je partage la plupart de vos analyses, notamment le malaise qui s'est installé et la nécessité de bousculer notre système éducatif.

Les effets du décrochage sur l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle en particulier, et dans la société en général, ne peuvent être minorés. Le gouvernement a montré sa volonté de lutter contre ce fléau : loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école, dispositif « plus de maîtres que de classes », scolarisation des enfants dès deux ans, réforme de l'éducation prioritaire et renforcement de la stabilité des équipes éducatives. Le rapport qui vous a été confié en est un autre exemple, tout comme les dernières annonces gouvernementales sur les dispositifs de raccrochage et le développement du tutorat, y compris pour le certificat d'aptitude professionnelle (CAP).

Comme vous, nous souhaiterions généraliser, sur l'ensemble du territoire, les établissements scolaires innovants. Mais il ne faut pas se limiter aux micro-lycées. D'autres initiatives sont à regarder de près. Je pense par exemple aux structures autogérées, au collège Clisthène à Bordeaux et, pourquoi pas, à la mise en place d'unités pédagogiques fonctionnelles au collège, permettant davantage de souplesse et un meilleur accompagnement. Le primaire ne doit pas être exclu de ces dispositifs innovants, car c'est souvent à ce niveau que commence le processus de décrochage. Ces différentes structures répondent au même enjeu : susciter l'intérêt des jeunes et leur motivation par la diversification pédagogique, en faisant de l'élève l'acteur essentiel de son parcours.

Pour prévenir le décrochage, il faut opérer des changements pédagogiques majeurs : individualiser le plus possible les parcours et l'accompagnement ; repenser les temps pédagogiques et le fonctionnement participatif ; favoriser l'interdisciplinarité, le travail par projet et par petits groupes. Travailler par projet permettrait aussi de revoir les emplois du temps afin de redonner du sens aux apprentissages. On ne pourra lutter contre le décrochage sans revoir en profondeur notre fonctionnement global et notre pédagogie. La notation en est un bon exemple. Le système actuel est stigmatisant, alors qu'il faudrait valoriser les élèves, les encourager dans leur travail et permettre l'autoévaluation.

Redonner confiance doit être un leitmotiv. L'élève doit avoir le sentiment d'appartenir à un collectif, être écouté et entendu, et devenir l'acteur de son parcours, y compris de son orientation. Celle-ci ne doit pas être subie, mais résulter d'un choix éclairé. Accompagner les jeunes dans la construction de leur projet professionnel est aussi un enjeu majeur, sur lequel il convient de se pencher.

Il faudrait aussi développer les passerelles et les dispositifs permettant de découvrir d'autres formations et métiers. Le parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde professionnel est une très bonne chose, s'il ne se limite pas à des stages en troisième ou au lycée. L'accompagnement doit se faire tout au long de la scolarité par des rencontres avec les professionnels, par une ouverture sur les différentes filières et la multiplication des passerelles pour que les jeunes ne soient pas bloqués dans une voie qui ne leur conviendrait pas.

L'ouverture des établissements sur l'extérieur est aussi un mot clé pour la prévention du décrochage. Il faut restaurer le dialogue entre parents et équipes pédagogiques pour favoriser l'implication de ceux-ci dans la vie de l'école, mais aussi avec le tissu associatif. Je pense aux associations culturelles et artistiques et à l'éducation populaire, par exemple, dans le quartier où se situe l'établissement.

Dans votre rapport et vos propositions, vous insistez sur la notion de « système ». Une telle approche rencontre notre profond soutien. Lors des débats sur la refondation de l'école, nous avons obtenu l'ouverture des ESPE à l'ensemble des acteurs de l'éducation. Il faut désormais que cela devienne concret. Les projets éducatifs territoriaux (PEDT), que vous mentionnez également, pourraient être un outil au service de l'ouverture de l'école et de nouvelles pédagogies, et pas uniquement en primaire. Des réflexions sont à mener à l'échelle d'un territoire.

Nous soutenons également les structures relais, mais nous considérons qu'il faut améliorer le retour en milieu dit « ordinaire ». C'est un moment clé et parfois, les équipes pédagogiques sont démunies. Renforcer les liens, prévoir des formations et un accompagnement spécifique peut-être nécessaire. C'est également vrai pour les sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), dont les élèves sont trop souvent stigmatisés par rapport à leurs camarades des collèges généraux. Plus on gommera les barrières, plus on individualisera les accompagnements, mieux on luttera contre les décrochages. Cette réflexion vaut également pour les élèves handicapés, pour lesquels la scolarisation en milieu ordinaire constitue un enjeu, et dont votre rapport parle trop peu, à mon avis.

Enfin, si le décrochage scolaire est socialement marqué en France, il est également « genré » : les garçons seraient plus concernés que les filles. Auriez-vous connaissance de données chiffrées à ce propos ?

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