Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faut-il se réjouir que la France ne compte plus aujourd'hui que 73 % d'hommes députés ? Faut-il se réjouir, comme le disait Mme Réjane Sénac, invitée la semaine dernière à célébrer avec nous le premier vote des femmes aux élections législatives de 1946, que la France, talonnant l'Afghanistan, passe du 69e au 34e rang mondial pour la proportion de femmes à l'Assemblée nationale ?
Oui, réjouissons-nous, car ce classement nous contraint à l'humilité et la lucidité. Notre vieille démocratie n'est pas la société des égaux espérée par Jean Jaurès, lorsqu'il affirmait « Assez parlé d'égalité, il est temps de faire des égaux ! » – et j'ajoute, pour ma part, « des égales ». L'égalité ne sera réelle que lorsque l'on cessera de demander aux femmes politiques ce qu'elles apportent de plus que les hommes.
Nous ne péchons certes pas par manque de lois, mais plutôt par notre incapacité à faire appliquer celles-ci et à susciter une prise de conscience collective. Cela nécessite de notre part une attention redoublée.
Chaque jour, il faut veiller, dans tous les domaines, à l'application du droit. Il faut s'assurer que chaque projet ou proposition de loi ne contribue pas à renforcer les inégalités, et mieux encore, les utiliser autant que possible comme un levier en faveur de l'égalité.
Tel est le choix opéré par la majorité, qui a décidé de désigner au sein du groupe socialiste un – ou une – « référent égalité » pour chaque commission. Nous avons ainsi pu amender la loi portant création des emplois d'avenir, la transformant en levier pour l'égalité professionnelle.
Le problème demeure parce que les actes de violences et les inégalités sont sans cesse ramenés à des cas particuliers. Or ce n'est pas une somme de cas particuliers qui justifie l'existence d'un écart salarial de 27 % entre femmes et hommes, ou le décès de trois femmes chaque semaine sous les coups de leurs conjoints, ou encore le fait que 99 % des clients de personnes prostituées sont des hommes.
Tout cela est en réalité le résultat de la construction millénaire d'une culture fondée sur la domination d'un sexe sur l'autre, et le développement de croyances affirmant qu'il s'agit de différences naturelles, et pour tout dire inéluctables. Les violences subies par les femmes en sont l'expression.
Ces questions portent donc bien sur des sujets de société : il s'agit de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre.
Aujourd'hui les politiques publiques d'égalité femmes-hommes, et en particulier l'intégration du genre, nécessitent davantage qu'une posture : nous avons désormais besoin d'expertise et de ténacité.
Ce combat est tout d'abord politique. Nous devons en effet proposer à nos concitoyens et concitoyennes une société dans laquelle le sexe ne déterminerait pas leur destin. La force du symbole et la pugnacité des responsables politiques revêtent à cet égard une grande importance.
Ce combat doit également être quotidien dans la conduite de l'action publique. Il est en effet nécessaire de s'assurer qu'aucune décision n'exclura les femmes, et de se poser la question de l'égalité femmes-hommes dans le financement des politiques publiques. Il faut également mener des actions spécifiques visant à déconstruire les stéréotypes sexués dans la formation des professionnels. Nous devons enfin sensibiliser nos concitoyens en les encourageant à lutter contre le sexisme et en leur assurant une éducation à la sexualité.
Nous avons engagé la bataille en faveur de l'égalité femmes-hommes, mettant ainsi en application le changement voulu par François Hollande. Le Gouvernement est désormais paritaire, et comprend un ministère des droits des femmes de plein exercice.
Des avancées majeures ont déjà été obtenues dans le sens d'une approche intégrée de l'égalité : la nomination d'un haut fonctionnaire chargé de cette question dans chaque ministère ; la sensibilisation des ministres à cette nouvelle forme de politique publique ; la systématisation des études d'impact sur l'égalité dans les projets de lois ; ou encore l'intégration du genre dans le projet de loi de finances pour 2014.
Ce dernier point est important. Les budgets publics ne constituent pas uniquement des instruments économiques : ils traduisent des politiques en termes financiers et expriment des priorités qui ne sont pas neutres quant au genre. Ils ont en effet des conséquences différentes pour les femmes et les hommes, et reflètent les rapports de force existants dans la société : disparités économiques, conditions de vie différentes et attribution de rôles sociaux.
Pour une véritable stratégie de politique transversale d'égalité, il faudra mettre en place des objectifs et des indicateurs sexués dans tous les ministères. À titre d'exemple, il faut assigner à la police et à la justice des objectifs d'augmentation du taux d'enregistrement de plaintes en matière de violences faites aux femmes ou encore de réduction des violences.
Avec le Gouvernement, l'Assemblée nationale et son groupe majoritaire sont ainsi en ordre de marche pour porter un projet de loi de finances à la hauteur des ambitions du Président de la République, du Gouvernement et de toute la majorité. (Applaudissements sur tous les bancs.)