Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture de ce texte a débuté à l’Assemblée nationale le 13 novembre dernier, il y a presque trois mois jour pour jour. Nous voici donc au terme de ce marathon législatif engagé au mois de mai dernier et à l’issue duquel le volume du projet de loi initial a plus que doublé.
Il est vrai que nous avons beaucoup avancé. Pour ne citer que quelques dispositifs parmi les plus emblématiques, je rappellerai l’action de groupe, le répertoire national des crédits aux particuliers, les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les pièces détachées, la durée de vie d’un bien, le « fait maison » et la vente de l’or et des métaux précieux.
Il y a une semaine, nous nous sommes réunis en commission mixte paritaire avec nos collègues du Sénat. Je suis très sincèrement convaincue que le résultat auquel nous sommes parvenus, et que nous allons voter ce matin, est tout à fait satisfaisant. Monsieur le ministre, avec vos collaborateurs ainsi que ceux de l’Assemblée nationale et les nombreux acteurs concernés par ces sujets, nous avons fait du bon travail.
Les discussions ont été courtoises mais fermes, accrochées quelquefois sur certains sujets, et cela me conduit à évoquer trois dispositions relevant des articles sur lesquels j’ai eu l’honneur d’être rapporteure.
Sur le sujet fondamental des délais de paiement, nous sommes parvenus à un compromis qui offre un dispositif clair et précis pour les acteurs, notamment grâce aux travaux de notre collègue sénateur Martial Bourquin. Nous en restons à quarante-cinq jours fin de mois ou un délai de soixante jours à compter de la date d’émission de la facture en toute hypothèse, la dérogation qui avait initialement accordé au secteur du bâtiment ayant été supprimée en CMP. Je pense que c’est une position vertueuse pour la trésorerie des entreprises si chaque maillon respecte les délais de paiement.
Un sujet a été évoqué assez longuement par Mme Guittet, qui a présenté un amendement relatif aux délais de paiement auxquels sont soumises les entreprises à forte activité tournée vers l’exportation. Elles subissent un effet de ciseaux, puisqu’on leur impose de respecter les délais de paiement en France, notamment à l’égard de leurs sous-traitants, alors qu’elles doivent parfois attendre longtemps avant d’être payées, ce qui les conduit à avoir une trésorerie sinon structurellement, du moins tendanciellement déficitaire. N’y a-t-il pas sur ce point, monsieur le ministre, un sujet à approfondir dans les mois qui viennent ?
S’agissant des relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire, je pense que nous avons très bien avancé en précisant les règles dans un objectif de transparence et d’équilibre.
Il a fallu discuter, se battre, se confronter même. Mais je suis convaincue que nous sommes parvenus à rééquilibrer quelque peu les relations qui existaient jusqu’alors. On ne pourra juger de l’avancée de ce texte que lors des négociations de 2015, mais je pense que les choses seront modifiées entre les différentes parties.
La prééminence des conditions générales de vente, le fait de veiller à ce que les contreparties existent, la sincérité exigée des différents acteurs sont autant d’éléments qui vont évidemment dans le bon sens. Les pratiques changeront-elles pour autant ? Je l’espère sincèrement car il y va de la vitalité du tissu industriel sur nos territoires. Mais à entendre certains patrons de la grande distribution ces temps derniers, il ne faut pas que votre action s’arrête là, monsieur le ministre.
La soi-disant défense du pouvoir d’achat des consommateurs et la guerre des prix bas ne peuvent servir de prétexte à certains acteurs économiques pour mettre à bas des conventions uniques élaborées bien souvent dans la douleur et au détriment de la partie faible au contrat, c’est-à-dire bien souvent les PME.
Il faut que le Gouvernement accroisse ses contrôles et renforce à cet effet les effectifs et les moyens de la DGCCRF. Il ne faut pas hésiter à assigner les enseignes de la grande distribution lorsqu’elles le méritent. Je sais que le ministre de l’économie vient de le faire récemment pour sanctionner un distributeur qui imposait ses conditions générales d’achat dans ses contrats. C’est absolument inadmissible. Il ne faut pas davantage hésiter, lors des moindres discussions informelles que nous, parlementaires, pouvons avoir avec ses représentants, à rappeler à la grande distribution les actes dont elle se rend responsable chaque année, tout spécialement lors des négociations commerciales, mettant en risque fort les entreprises agroalimentaires et les producteurs sur nos territoires.
Certes, tout n’est pas blanc d’un côté, noir de l’autre. Les torts existent sans doute de chaque côté. Mais par leur concentration et leur puissance, les centrales d’achat ont une responsabilité supérieure à celle des autres parties.
Il appartient également aux producteurs de s’organiser pour peser dans les débats et mener des négociations plus équilibrées. Je pense par exemple aux producteurs de lait.
Sur ce sujet des négociations commerciales, nous avons donc adopté la rédaction de l’Assemblée nationale, légèrement amendée par le Sénat, et enrichie par l’amendement dit « de courtoisie » du président François Brottes qui, là aussi, peut contribuer à normaliser les relations commerciales, à apaiser les tensions, et à rééquilibrer les rapports de force.
Enfin, encore une fois à l’initiative de François Brottes, la CMP a débattu des magasins de producteurs, réaffirmant le caractère local de ces structures désormais inscrites dans le code rural.
Monsieur le ministre, je veux une nouvelle fois saluer le travail effectué par vos collaborateurs, les fonctionnaires de l’Assemblée et tous les acteurs concernés, et encourager chacun à voter en faveur de ce texte qui, à n’en pas douter, restera un grand texte.