En octobre dernier, notre commission avait richement échangé sur ce sujet important qu'est le livre, objet à part, symbole du savoir et de la connaissance mais aussi promesse républicaine d'émancipation. Le contexte actuel nous le rappelle quotidiennement, quand des commandos menacent la liberté d'accès à la lecture dans les bibliothèques.
Au-delà des clivages et avec le soutien de la ministre, nous avions manifesté un accord unanime pour pérenniser, à l'heure du numérique, le dispositif du prix unique du livre. Nos débats avaient mis en lumière notre souci commun de soutenir les librairies face à la concurrence des sites de vente en ligne. Nous nous étions en effet retrouvés sur la nécessité de protéger la filière du livre dans sa diversité. J'avais souligné la richesse du secteur de la librairie indépendante, qui bénéficie d'un personnel très qualifié, connaisseur, expert et compétent. Dans nos territoires, elle est aujourd'hui un acteur essentiel de l'animation culturelle à travers l'organisation d'événements autour du livre et de rencontres avec les auteurs qui donnent le goût de lire et développent cette intimité si particulière entre le lecteur et le livre.
Or, ce sont ces réseaux historiques, ceux des librairies indépendantes, qui sont aujourd'hui menacés par la vitalité d'Internet et l'apparition de grands opérateurs marchands, capables d'offrir des références quasi illimitées et de livrer en un temps record.
Le consensus procédait aussi de la volonté de voir perdurer l'esprit rassembleur de la loi de 1981 : l'égalité des citoyens devant le livre et la garantie d'un livre vendu au même prix sur l'ensemble du territoire national ; le maintien d'un réseau de distribution, notamment dans les zones défavorisées ; le soutien au pluralisme dans la création et l'édition, en particulier pour les ouvrages difficiles.
Aussi, afin de rétablir les conditions d'une concurrence plus équitable entre les différents acteurs du marché du livre, avions-nous adopté un dispositif, amendé par le Gouvernement, visant à interdire le cumul des deux avantages commerciaux que sont le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port.
Nos collègues sénateurs ont estimé devoir compléter ce dispositif. La commission de la culture du Sénat a ainsi précisé que le service de livraison ne peut être offert à titre gratuit, dès lors que la commande n'est pas remise en magasin. Les ouvrages commandés en ligne ne pourront donc plus bénéficier de la gratuité des frais de port, qui pourront malgré tout rester symboliques.
Avec ce dispositif, nous cherchons à diminuer l'effet des rendements d'échelle dont bénéficient les grandes plateformes et nous envoyons indéniablement des signaux positifs à l'adresse des librairies en encourageant la vente physique.
Toutefois, le Gouvernement a souhaité aller encore plus loin. Avec l'article 2, la ministre entend répondre à une demande forte des acteurs du secteur du livre.
Alors que l'économie du livre est profondément bouleversée par la révolution numérique, l'adaptation du cadre légal apparaît indispensable. Le rapport remis en mai 2013 par M. Pierre Lescure évoque ainsi une rémunération des auteurs par les éditeurs, plus faible pour les livres numériques, compte tenu de la différence de prix. L'exploitation numérique du livre n'est pas anodine puisque, toujours selon le rapport Lescure, la France accuse un certain retard dans le développement de la lecture numérique. Il y a donc urgence à agir et à repenser notre modèle : c'est l'une des ambitions de la ministre de la culture.
Il convient désormais de transposer le plus rapidement possible dans notre droit l'accord-cadre signé le 21 mars 2013, salué par l'ensemble de la profession du livre, après plus de trois ans de négociations. Cet accord aménage les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition afin de les moderniser, de les rendre plus équilibrées et d'y intégrer la diffusion numérique des livres.
Auteurs et éditeurs attendent aujourd'hui la traduction rapide de cet accord dans la loi, d'autant que la signature de nombreux contrats y est aujourd'hui suspendue. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de légiférer par ordonnance. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce texte.