Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 12 février 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Après plus de cinq ans d'application d'un texte équilibré, le bilan que vous avez rappelé, monsieur le Contrôleur général, est très positif et il faut en rendre hommage à votre personnalité, à votre travail et à celui de vos collaborateurs. Cette institution a trouvé sa place et est aujourd'hui incontestée.

La loi de 2007 est néanmoins susceptible d'améliorations. La présente proposition de loi comporte des évolutions souhaitables. Je me rappelle que la levée du secret médical avait déjà fait l'objet de débats lors de l'examen de la loi initiale. Par ailleurs, les dispositions visant à sanctionner les pressions dont peuvent être victimes les interlocuteurs du Contrôleur général se révèlent aujourd'hui, avec le recul, indispensables, de même que la consolidation de l'autorisation pour vos collaborateurs de mener leurs enquêtes en votre nom et d'avoir un accès facilité aux documents et interlocuteurs nécessaires.

J'ai néanmoins quelques réserves sur d'autres dispositions, principalement celle qui vise à élargir votre compétence en matière d'exécution des mesures d'éloignement forcé d'étrangers en situation irrégulière. La disposition proposée me semble aller plus loin que la directive européenne invoquée pour la justifier, d'autant que le Contrôleur général peut déjà contrôler les zones d'attente et les centres de rétention administrative. En outre, les personnes concernées par les procédures d'éloignement peuvent déjà bénéficier de prescriptions médicales prohibant le voyage en avion pour des raisons de santé. Enfin, étant donné le moyen de transport généralement utilisé pour reconduire les personnes, celles-ci ne passent que quelques minutes dans l'espace aérien français avant de rejoindre l'espace aérien international, ce qui pose la question de la pertinence territoriale du contrôle. Ira-t-on jusqu'à contrôler les lignes aériennes régulières, où il arrive que l'on recoure à des mesures de contention lorsque la sécurité de l'équipage est menacée par un passager ? Je pense que le débat sera utile pour clarifier le sujet.

Mes réserves portent également sur la publication systématique des avis, recommandations et propositions formulés par le Contrôleur général – le texte existant ouvre déjà de nombreuses possibilités –, ainsi que sur l'accès aux procès-verbaux de garde à vue, qui ne concernent pas les auditions des personnes. Notre système de garde à vue découle largement de recommandations internationales, émanant notamment de la Cour européenne des droits de l'homme, mais nous savons bien à quelles difficultés se heurtent les services d'enquête pour mener à bien leur difficile travail. Ouvrir l'accès aux procès-verbaux de garde à vue aggravera le formalisme au détriment de l'enquête.

Par ailleurs, l'action que le Contrôleur général souhaiterait mener dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne me semble correspondre en rien à l'objet initial de la loi. Les résidents de ces établissements sont des patients. On ne peut leur étendre le dispositif.

S'agissant enfin de la protection du secret des correspondances avec le Contrôleur général, à laquelle je suis favorable, qu'en serait-il du cas où un détenu aurait eu accès à Internet grâce à un terminal introduit dans sa cellule en violation du règlement de l'établissement, sachant que l'accès à Internet en prison peut conduire à la consultation de sites djihadistes, ainsi que l'avaient fait apparaître nos débats sur la loi antiterroriste ?

Vous le voyez, la plupart des dispositions me semblent tout à fait opportunes, mais je m'interroge encore sur certains points qui transforment sensiblement les conditions d'exercice du Contrôleur général.

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