Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 12 février 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur :

Je vous remercie de m'accueillir dans votre Commission pour vous présenter la proposition de loi organique relative à la création d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie (ORDAM). Ce texte cherche à donner aux agences régionales de santé (ARS) des marges de manoeuvre pour dépenser mieux en créant, au sein de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), une part régionale qui permette d'orienter une partie des dépenses d'assurance maladie, en fonction des spécificités et des besoins de santé constatés, vers le financement de projets innovants porteurs d'efficacité.

Comme vous le savez, l'ONDAM – dont le montant est de l'ordre de 180 milliards d'euros – est voté globalement lors de chaque loi de financement de la sécurité sociale et comprend six sous-objectifs, dont, depuis fin 2013, le Fonds d'intervention régionale (FIR).

L'article 1er de la présente proposition de loi organique vise à créer, au sein de l'ONDAM, une part régionale dont le montant serait fixé en loi de financement de la sécurité sociale de l'année, et rectifié le cas échéant pour l'année en cours par le Parlement. Dans le cadre de cette nouvelle enveloppe régionale, le Parlement serait également amené à déterminer le montant de vingt-six ORDAM, construits sur le modèle de l'ONDAM. En outre, le montant de chaque sous-objectif de l'ONDAM et des ORDAM ne serait plus fixé qu'à titre indicatif afin de favoriser la fongibilité des crédits entre sous-enveloppes.

L'article 2 modifie en conséquence le contenu du rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, afin que celui-ci décrive notamment la part de l'ONDAM consacrée aux ORDAM pour les quatre années à venir, et celui de l'annexe spécifique du PLFSS consacrée à l'ONDAM, afin que celle-ci présente l'évolution, au regard des besoins de santé publique dans chaque région, des soins financés au titre des ORDAM ainsi que les modifications de périmètre éventuelles des ORDAM.

Enfin, l'article 3 modifie les conditions de vote de la loi de financement de la sécurité sociale afin de permettre au Parlement de se prononcer, par un vote distinct de l'ONDAM, sur le montant de la part régionale de l'ONDAM consacrée aux ORDAM ainsi que sur le montant des vingt-six ORDAM.

Je souscris aux objectifs de ce texte et constate que, depuis son dépôt à la présidence de l'Assemblée nationale, le 27 juin 2012, le législateur n'a cessé de promouvoir la démarche de régionalisation qui le sous-tend. Ainsi, l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a créé le FIR, qui fusionne des crédits et dotations existants au sein de l'ONDAM afin de mettre les ARS en situation de responsabilité en les dotant d'instruments financiers souples et faciles d'emploi.

La création du FIR visait ainsi à promouvoir une plus grande transversalité des moyens de financement des agences, en favorisant le décloisonnement entre l'offre ambulatoire et hospitalière, l'offre sanitaire et médico-sociale, ainsi qu'entre les soins et la prévention. D'un montant de 1,5 milliard d'euros en 2012, le FIR est passé à 3,3 milliards d'euros en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 en raison d'un élargissement de son périmètre initial à certaines missions d'intérêt général, ainsi qu'à des enveloppes destinées à améliorer les parcours de soins. Enfin, l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a érigé le FIR en nouveau sous-objectif de l'ONDAM. Par conséquent, le droit en vigueur consacre déjà l'existence d'une part régionale au sein de l'ONDAM, libre d'emploi par les ARS.

Les auditions que j'ai menées auprès de directeurs d'ARS, de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de la direction de la sécurité sociale (DSS), du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et de professeurs d'économie spécialistes de la santé, ainsi que son entretien avec la Cour des comptes, ont démontré que, à l'instar des ORDAM dans la présente proposition de loi, la création du FIR répondait aux objectifs de transversalité et de mise en responsabilité des ARS, mais qu'elle s'avérait en pratique insuffisante. En effet, le FIR n'est jusqu'à présent constitué que d'une compilation de sous-enveloppes de dépenses préexistantes, de sorte que les directeurs des ARS ont toujours l'impression que l'essentiel des crédits sont fléchés en amont. Ainsi, selon M. Claude Évin, directeur de l'ARS d'Île-de-France, plus de 90 % de l'enveloppe consacrée en 2013 au FIR pour son agence correspondrait à des dépenses contraintes. Par conséquent, les marges de manoeuvre pour financer des projets innovants dans cette région au titre du FIR seraient limitées à 5 à 10 % des crédits, soit 58 millions sur un total de 580 millions d'euros.

Pour tirer les conséquences des évolutions législatives antérieures, il serait pertinent de mettre à jour la présente proposition de loi organique en consacrant, sur le plan tant organique que politique, la création du FIR en lieu et place des ORDAM. Je vous proposerai par conséquent plusieurs amendements en ce sens, qui ont le mérite de confier aux parlementaires que nous sommes le soin de fixer le montant global de la part de l'ONDAM qui revient au FIR avant de déterminer la répartition des dépenses affectées aux autres sous-objectifs de l'ONDAM. Ces amendements constituent l'aboutissement de la démarche de déconcentration de la politique de santé publique au niveau régional, sous le contrôle du Parlement, sans toutefois remettre en cause la capacité de l'État à arbitrer la répartition du FIR en fonction des besoins de santé et des spécificités de chaque région.

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