Les attentats du 11 septembre ont bien sûr constitué une agression majeure, à laquelle les États-Unis ont d'ailleurs apporté la réponse militaire que l'on sait. Mais l'arme nucléaire ne permet évidemment pas de répondre à une attaque terroriste qui ne viendrait pas de façon absolument évidente d'un État parrain ; la dissuasion nucléaire ne suffit pas, en particulier face à des attaques que l'on qualifie d'asymétriques, et d'autres moyens sont par conséquent requis. C'est pourquoi l'administration Bush a imaginé la réforme de la « triade » : en sus de la dissuasion nucléaire, on a renforcé la capacité de défense, notamment grâce au bouclier antimissile qui doit limiter les possibilités d'attaque du territoire américain ; on a également ajouté un volet de riposte conventionnelle avec le développement de bombardiers à long rayon d'action porteurs de charges classiques, ainsi que de nouveaux missiles, équipés de têtes conventionnelles mais qui permettraient, grâce à leur précision, à leur rapidité et à leur portée, une réponse militaire quasi immédiate. En 2003, au moment où le concept a été élaboré, les Américains parlaient de frapper en une heure n'importe quel point du globe ! Ces frappes seraient de plus suffisamment précises pour éviter les dommages collatéraux – préoccupation majeure des États-Unis puisque, aux termes de leur doctrine stratégique, même leurs frappes nucléaires doivent être suffisamment précises et discriminées pour limiter les dommages aux civils !
Les États-Unis cherchent donc les instruments les mieux adaptés aux dangers actuels et, face au terrorisme, l'administration Obama privilégie aujourd'hui les frappes de drones, qui permettent de décapiter les réseaux terroristes.
Cette nouvelle situation explique que le nucléaire ait perdu beaucoup d'importance dans la stratégie américaine.
La procédure de Nuclear Posture Review est lancée par le Congrès, tous les dix ans à peu près. Les révisions stratégiques sont effectuées au sein du Département de la défense : c'est une réflexion collégiale dans laquelle sont impliqués toutes les armées concernées par la dissuasion nucléaire ainsi que des experts extérieurs. Le document est ensuite validé par l'administration en place : il reflète donc aussi des choix politiques, ce qui explique les variations entre la Review de 2001 et celle de 2010.
Ce sont les commissions des forces armées des deux chambres du Congrès qui sont compétentes ; chacune comprend une sous-commission des forces stratégiques, qui reçoit les rapports et organise des auditions publiques.
La stratégie nucléaire est inscrite dans un document requis par le Congrès ; le dernier en date a été présenté en juin 2013. Elle fait l'objet d'une directive présidentielle, la directive 24, qui est classifiée mais dont on connaît les grandes lignes – un rapport sur le sujet a été remis au Congrès. Mais il n'y a plus vraiment de débat sur la doctrine nucléaire : c'est devenu un sujet mineur.
Les parlementaires républicains demeurent toutefois extrêmement attachés à la préservation de l'instrument nucléaire ; ils sont très critiques à l'égard des coupes budgétaires opérées par l'administration Obama. Cela explique aussi pourquoi l'objectif d'un monde sans armes nucléaires est un objectif de très long terme…