Intervention de Arnaud Kalika

Réunion du 11 février 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Arnaud Kalika, directeur de recherche de l'université Paris II :

S'agissant de l'opposition entre armement conventionnel et armement nucléaire, un débat très vif entre militaires a eu lieu en Russie dans les années quatre-vingt-dix, c'est-à-dire au moment de la guerre en Tchétchénie ; les deux protagonistes en étaient d'un côté le maréchal Igor Sergueïev, alors ministre de la Défense, et de l'autre le chef d'état-major des armées, le général Kvachnine. Autour de ce dernier étaient rassemblés les partisans du tout-conventionnel, partisans aussi d'allouer des crédits très importants aux troupes d'élite, c'est-à-dire notamment aux troupes aéroportées et à la flotte de la mer du Nord… De l'autre côté, on trouvait ceux qui refusaient toute coupe budgétaire dans les crédits alloués au nucléaire, mais aussi aux forces spatiales.

Après avoir fait la une des journaux pendant plusieurs semaines, cette querelle a vu l'emporter les partisans du nucléaire, dont les crédits sont aujourd'hui totalement sanctuarisés. Vladimir Poutine, quant à lui, a résolu le problème en optant pour une politique très volontariste de modernisation de l'ensemble des systèmes d'armement, sans distinction entre le conventionnel et le nucléaire, pour ne pas rallumer de vieilles querelles – entre armement conventionnel et armement nucléaire donc, mais aussi, au sein des forces conventionnelles, entre les troupes d'élite et les autres. Les RVSN et les troupes spatiales occupent une place à part comme protectrices du territoire.

Dans les faits, la priorité budgétaire a été donnée aux systèmes d'alerte avancée, avec un nouvel esprit d'ouverture, certainement dans l'idée de rechercher des coopérations : en 2010 et 2011, le pouvoir russe a ouvert les portes de différentes stations radar d'alerte avancée à des étrangers. L'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, les a visitées ; j'ai pu m'y rendre moi aussi, avec d'autres journalistes, dans le cadre du club Valdaï.

Quant à l'OTAN, la doctrine militaire décrit cette organisation comme un héritage de la Guerre froide ; beaucoup de Russes s'interrogent sur la légitimité de son existence même et s'inquiètent de sa politique continue d'élargissement, l'Ukraine et la Géorgie persistant à pousser leurs pions. Mais la relation avec l'Alliance est en réalité complexe : il existe un conseil permanent conjoint OTAN-Russie et force est de constater que les officiers russes sont très présents au Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE, Supreme Headquarters Allied Powers Europe).

Les enjeux du prochain sommet semblent minimes pour les Russes : ils entendent s'assurer que l'on ne progresse pas beaucoup dans le développement de la défense antimissile et que l'on sauve ce qui peut l'être du conseil permanent conjoint, qui a du plomb dans l'aile – les Britanniques, en particulier, voudraient sa disparition. Ils souhaitent enfin endiguer un possible élargissement. Les Britanniques, mais aussi les États baltes et la Pologne sont parmi ceux qui s'opposent le plus souvent à la Russie sur ce point.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion