Intervention de Arnaud Kalika

Réunion du 11 février 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Arnaud Kalika, directeur de recherche de l'université Paris II :

Un théologien russe avait dit au xixe siècle que la Russie était contre la Chine, tout contre, et vice versa. Il y a donc entre ces deux pays, comme d'ailleurs entre la Russie et l'OTAN, un jeu permanent et complexe.

L'homme russe « de base » n'aime pas beaucoup l'étranger : je suis russe, je me méfie par nature de l'étranger, donc du Chinois. Vladimir Jirinovski, le leader d'extrême droite russe, aime à répéter qu'« un Russe est un demi Chinois ». C'est provocateur, mais révélateur de ce que pense une majorité de la population.

La méfiance russe vis-à-vis de la Chine est donc sociologique, quasi métaphysique. Mais Vladimir Poutine a développé une politique purement pragmatique, avec notamment la signature d'un partenariat stratégique, ce qui bien sûr ne fait pas disparaître les arrière-pensées – c'est d'ailleurs le cas pour tous les partenariats russes en Asie du sud-est, par exemple avec le Vietnam.

Les Chinois ont fait montre d'une grande habileté dans la négociation de ce partenariat stratégique : certaines de ses clauses, en particulier dans le domaine énergétique, leur sont beaucoup plus favorables qu'à la Russie. La Chine me semble donc disposer d'un léger avantage, même si certains ne partagent pas ce point de vue.

S'agissant des capacités réelles des armes conventionnelles, il est tout à fait exact que l'on parle depuis longtemps, dans les salons aéronautiques russes et même au Bourget, de l'arrivée imminente de l'avion de cinquième génération; il en va de même pour certains matériels de l'armée de terre. Mais les Russes ont pris la mesure de leurs capacités réelles : ils savent qu'ils n'ont pas comblé leur retard. S'ils ont acheté le BPC (bâtiment de projection et de commandement) Mistral, c'est notamment, comme l'a reconnu le commandant en chef de la marine russe, l'amiral Vladimir Vissotski, parce que la Russie ne sait plus construire une ligne de flottaison qui se rapproche de celle-là. Ils souffrent aussi d'une perte de savoir-faire pour certains types de blindés. Ils ne savent pas non plus construire de drones – ils ont donc acheté sur étagère des drones israéliens et s'efforcent de construire leurs propres appareils, mais n'y réussissent pas encore.

Ils veulent donc aujourd'hui multiplier les partenariats et acheter sur étagère jusqu'à dix matériels, avec des licences de fabrication pour acquérir les savoir-faire nécessaires grâce à des transferts de technologie. Nous verrons quels seront les résultats de ces efforts.

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