Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 12 février 2014 à 9h45
Commission des affaires économiques

Jean Gaubert, Médiateur national de l'énergie :

Je vais donc vous présenter la plus petite – mais non la moins active – des autorités administratives indépendantes, le Médiateur national de l'énergie, dont la création par la loi du 7 décembre 2006 fut prémonitoire puisque la directive de 2011 sur la consommation prescrit la couverture de tous les champs de la consommation par la médiation. Deux personnes m'ont précédé dans cette fonction : Jean-Claude Lenoir, tout d'abord, pendant une période très courte puisqu'il cumulait cette mission avec son mandat de député ; puis Denis Merville, à partir de novembre 2007. C'est ce dernier qui, pendant cinq ans, a structuré la médiation : parti de rien, il s'est ainsi appuyé sur des services qui se sont peu à peu développés et surtout sur Bruno Léchevin – qui fut Délégué général à la médiation avant d'être nommé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Enfin, j'ai pour ma part été nommé le 25 novembre 2013.

S'agissant de nos missions, nous couvrons seulement le champ des énergies de réseau, c'est-à-dire le gaz et l'électricité : sans doute d'ailleurs serait-il nécessaire d'élargir ce champ dans la mesure où nous sommes saisis de questions portant sur d'autres énergies. Nous avons deux missions principales.

D'une part, nous recommandons des solutions aux litiges entre les particuliers et les opérateurs, ainsi qu'entre les petites entreprises – réalisant jusqu'à 2 millions d'euros de chiffre d'affaires – et ces mêmes opérateurs.

Il nous revient, d'autre part, d'informer le consommateur : nous proposons ainsi sur notre site « Énergie-info », qui accueille aujourd'hui un million de visiteurs par an, des renseignements et un comparateur de prix permettant aux consommateurs souhaitant changer d'opérateur d'évaluer les avantages et inconvénients des offres qui leur sont proposées. Nous recevons également 370 000 sollicitations de conseil par téléphone, courrier ou courriel, et 16 000 demandes plus substantielles donnant lieu à 10 000 conseils ou réorientations. Le Médiateur national de l'énergie opère chaque année 6 000 interventions, dont 5 000 font l'objet d'un renvoi vers les opérateurs. In fine, quelque 2 000 demandes font l'objet d'un travail d'investigation de notre part, puis d'une recommandation écrite adressée par courrier au consommateur et aux opérateurs concernés. Ces statistiques ont connu une augmentation de 6 % en 2013 – ce qui illustre bien que si les consommateurs s'habituent à la nouvelle donne du secteur, leurs difficultés ne s'amenuisent guère. En outre, nous ne sommes connus que de 25 % des consommateurs – ce qui signifie sans doute que les moyens de nous faire connaître restent insuffisants et que les demandes seraient bien plus importantes si tous les consommateurs étaient informés de notre existence.

Bien que ce ne soit pas là le coeur de notre mission, nous jouons aussi un rôle d'acteur et d'observateur dans le domaine de la précarité énergétique. Observateur, parce que nombre des sollicitations qui nous sont adressées ont trait à la difficulté de certains de nos concitoyens à régler leurs factures : immanquablement, lorsque la vie est dure et chère, les consommateurs regardent la facture de plus près et s'arrêtent à ce que certains considèreraient comme des détails. Et loin de nous l'idée de le leur reprocher ! Cela nous permet au contraire d'observer les dysfonctionnements qui peuvent existent : or, la part des plaintes liées à la précarité est cette année en augmentation – peut-être aussi parce que le printemps 2013 a été particulièrement rude et que les habitants de certaines régions de France ont dû se chauffer jusqu'au mois de juin.

Nous adressons aussi des recommandations génériques, lorsqu'un dysfonctionnement se produit systématiquement : nous signalons alors à tous les opérateurs celles de leurs pratiques qui sont illégales ou préjudiciables aux consommateurs.

On pourrait s'interroger quant à l'intérêt de disposer d'un médiateur national indépendant, dans la mesure où les grands opérateurs que sont EDF et Gaz de France en ont chacun un, rattaché à leur direction. Quant à moi, je n'ai nullement à me vendre : ayant été sollicité pour exercer la fonction que j'occupe, c'est avec grand plaisir que je m'y emploie. Il est clair, cependant, que nous ne traitons pas de la même manière que ces médiateurs d'entreprise des sujets dont nous sommes saisis. N'ayant aucune relation avec eux, nous agissons de façon tout à fait équilibrée. Reste à savoir si les législateurs que vous êtes renforceront ou pas nos prérogatives dans le cadre du futur projet de loi de transition énergétique ou s'il nous faudra au contraire nous contenter de celles dont nous disposons aujourd'hui.

La directive sur la consommation vous conduira en tout cas à étendre le champ de la médiation à d'autres secteurs de l'économie. Si notre autorité couvre le champ des énergies de réseau, tel n'est pas le cas des questions d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables – domaines dans lesquels règne la loi de la jungle puisque de nombreux consommateurs s'y font arnaquer, sans disposer, le plus souvent, de la moindre voie de recours. Nous pourrions donc également oeuvrer en ce domaine. Car mieux vaut étendre le champ de compétences des médiateurs existants qu'en créer de nouveaux. Et si aucun médiateur ne se préoccupe des énergies renouvelables, je crains que le développement de celles-ci ne s'en trouve freiné. Sans doute connaissez-vous tous dans vos régions des administrés qui se sont fait arnaquer avec des panneaux photovoltaïques – ce qui, en règle générale, n'incite guère leurs voisins à en faire autant.

Il faut aussi que le législateur examine la question des garanties des entreprises. De fait, beaucoup d'entreprises ne présentent toujours aucune garantie, et vont parfois jusqu'à se volatiliser lorsqu'elles proviennent de pays étrangers, si bien que le consommateur ou le producteur se retrouve dans une situation ingérable en cas de malfaçon. Et le pire, compte tenu de la réglementation pointilleuse que nous avons instaurée, est que le tarif de rachat de l'énergie par EDF varie selon l'épaisseur de débordement des panneaux photovoltaïques sur les toitures ! Dès lors, quand ces panneaux ont été mal posés, leurs propriétaires se retrouvent avec un prix de reprise de l'énergie bien inférieur à celui qui leur avait été indiqué dans le calcul de départ.

Il importe donc que nous nous intéressions à l'ensemble de ces sujets : le législateur, en vue de simplifier la réglementation, et le médiateur, afin d'éviter que les consommateurs ne se retrouvent dans une situation précaire, victimes d'opérateurs qui font de véritables coups et se livrent à un véritable harcèlement téléphonique !

Je reviendrai un instant sur la notion de précarité énergétique : nous avons nous aussi constaté que toutes les aides sociales accordées en matière d'énergie se concentrent sur la consommation d'énergies de réseau. Il faudra donc s'interroger sur les autres énergies et notamment sur la pertinence du chèque énergie – en faveur duquel nous sommes prêts à nous prononcer et à formuler des propositions. Un rapport a d'ailleurs été commandé sur le sujet à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ainsi qu'à deux autres corps d'inspection de l'État.

Il faudra aussi analyser un jour la question du fournisseur de dernier recours. En effet, si chacun peut aujourd'hui choisir son fournisseur, cela veut dire aussi que chaque fournisseur peut sélectionner ses clients – notamment en fonction du nombre de contentieux qu'ils sont susceptibles de susciter – et écarter ceux qui ne l'intéressent pas.

Enfin, il vous faudra réfléchir à la complexification des factures d'énergie. Bien sûr, les parlementaires demandent toujours qu'y figure un maximum d'informations. Mais il en résulte que personne n'y comprend plus rien. Il conviendra également d'étudier avec les services de l'État comment mettre fin au système de yoyo des tarifs du gaz. Le Gouvernement ayant en effet jugé ces tarifs excessifs, il en a interdit l'augmentation ; à la suite de quoi l'opérateur a obtenu devant le Conseil d'État le rétablissement du tarif qu'il avait prévu au départ. D'où le caractère incompréhensible des factures de gaz et les interrogations que les consommateurs nous adressent très régulièrement à ce sujet.

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