Intervention de Jean-Jacques Guillet

Séance en hémicycle du 31 octobre 2012 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'action audiovisuelle extérieure :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de fées qui se sont penchées sur le berceau de l'AEF suffit à montrer à la fois combien nous plaçons d'espoir dans l'audiovisuel extérieur français mais également combien sont grandes les difficultés de sa gestion.

Quatre ans après la création de l'AEF, d'abord sous la forme d'une holding rassemblant l'intégralité des participations de l'État dans RFI et dans France 24 ainsi que 49 % du capital de TV5 Monde, puis en tant que société nationale de programmes, on ne peut que regretter que le résultat ne soit pas à la hauteur de nos attentes. L'histoire de l'AEF a été marquée, on le sait, par une guerre des chefs, doublée d'une rocambolesque affaire d'espionnage, par un climat social détestable et par un projet de fusion des rédactions critiqué mais mené tambour battant par la précédente direction. À cela s'ajoute l'absence de tout contrat d'objectifs et de moyens, malgré l'obligation établie par la loi.

En dépit de ces dysfonctionnements, la société a connu des résultats plutôt remarquables, en tout cas très encourageants, selon les zones géographiques. RFI est très présente en Afrique francophone, où elle est de loin la première radio, toutes chaînes confondues, y compris les chaînes locales. France 24 est aujourd'hui regardée au Maghreb, en Afrique francophone, mais aussi au Proche-Orient. On remarque dans ces régions une progression constante de l'audience ; en dépit d'une certaine imperfection des instruments de mesure, en particulier au Proche-Orient, la comparaison avec les chaînes concurrentes est incontestablement en faveur de France 24, qui a largement bénéficié des événements du Printemps arabe.

Il faut saluer ces résultats, et les personnels de ces sociétés, en espérant que les nouvelles orientations décidées au mois de juillet, à la suite du rapport que vous avez demandé, madame la ministre, avec votre collègue des affaires étrangères, à M. Jean-Paul Cluzel, ancien président de RFI et de Radio France, permettront à l'audiovisuel extérieur français de continuer à se développer sur des bases enfin stabilisées et apaisées.

Deux décisions ont été prises s'agissant de RFI et de France 24 : tout d'abord, l'arrêt de la fusion des rédactions, très critiquée, comme je l'ai dit, et rendue impossible de facto par l'opposition qu'elle suscitait – il faut bien reconnaître qu'elle n'était guère justifiée, compte tenu de la différence entre les métiers de la radio et de la télévision ; ensuite, la poursuite du déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya à Issy-les-Moulineaux, certes à une plus grande distance de Radio France, mais dans un bâtiment jouxtant celui de France 24, déménagement en partie justifié par la fusion des supports, qui reste, elle, d'actualité.

L'arrêt de la fusion des rédactions repose sur deux arguments principaux. Tout d'abord, malgré la convergence des médias à l'ère du numérique, les métiers de la radio et ceux de la télévision restent, comme je l'ai souligné, distincts. Ensuite, l'identité et les spécificités de RFI et de France 24 constituent un capital précieux, un capital de marque, pourrait-on dire, qu'il faut cultiver dans le paysage audiovisuel mondial.

Quant au déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya, la poursuite des opérations s'explique notamment par l'investissement de l'État, aujourd'hui supérieur à 24 millions d'euros. Si des problèmes techniques subsistent, je suis persuadé qu'ils pourront être résolus, et la future loi sur l'audiovisuel annoncée par le Gouvernement pourrait être l'occasion de consacrer l'existence de RFI au plan législatif, afin de surmonter une crise d'identité aujourd'hui réelle au sein de cette entité.

J'espère aussi que la nomination consensuelle de Marie-Christine Saragosse, votée à la quasi-unanimité par la commission des affaires culturelles de notre assemblée et à l'unanimité par celle du Sénat, permettra d'apaiser le climat social et d'engager l'entreprise dans une nouvelle dynamique, plus consensuelle et reposant sur des projets mieux compris et mieux acceptés par les équipes. Le professionnalisme de Mme Saragosse est reconnu par tous.

C'est dans ce cadre que sont demandées les dotations pour 2013. Sur ce point, j'avoue être assez réservé, tant les incertitudes restent nombreuses. Il manque toujours un contrat d'objectifs et de moyens : on peut l'espérer pour 2013 mais, en l'état, nous sommes privés de toute visibilité sur la stratégie de l'entreprise et sa trajectoire financière au-delà de l'année prochaine. Le coût du déménagement n'est pas non plus définitif : d'autres travaux pourraient être engagés afin de remédier aux derniers problèmes de nature technique ; je pense en particulier aux studios d'enregistrement. En outre, la société va continuer à payer double loyer tant que le déménagement ne sera pas terminé. Enfin, un important chantier d'harmonisation sociale entre RFI et France 24 s'impose certainement, selon un calendrier et pour un coût encore inconnus.

La stabilisation des dotations pour 2013 n'est donc pas très révélatrice. On peut penser qu'il s'agit, avant tout, d'une sorte de cadeau de bienvenue, un golden hello pour Mme Saragosse, qui le mérite d'ailleurs, mais ici non plus, nous n'avons pas d'indications précises puisqu'elle n'a pas dévoilé de projets.

Je me limiterai donc à quelques rappels : d'une part, les efforts de rationalisation et d'optimisation ne doivent pas remettre en cause la diffusion de RFI et de MCD en ondes courtes et moyennes car il ne faut pas les priver d'une audience importante pour une économie de quelques millions d'euros, et, d'autre part, il faut souligner l'importance de la diffusion de France 24 en arabe vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un choix payant avec le Printemps arabe.

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