Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 12 février 2014 à 9h45
Commission des affaires économiques

Jean Gaubert, Médiateur national de l'énergie :

Ce n'est pas au Médiateur de répondre à votre dernière question, monsieur le président. Je constate néanmoins que le Parlement est allé au-delà de l'une des préconisations que j'avais formulées dans un rapport, estimant que les taxes sur l'électricité devraient revenir à l'électricité – ou du moins, à l'énergie. La décision prise par le Parlement va poser problème aux grandes collectivités qui affectaient auparavant les recettes de la taxe à d'autres secteurs que l'énergie et qui ne peuvent plus désormais en disposer de la même façon. Cependant, ayant déjà outrepassé mon rôle de médiateur sur ce sujet, je n'irai pas plus loin. Nous sommes effectivement interrogés sur la hausse générale des taxes, mais non sur l'une ou l'autre d'entre elles – à l'exception peut-être de la CSPE. En effet, le seul véritable problème qui se pose à nos concitoyens est celui du montant total figurant en bas à droite de leur facture, de même que lorsque n'importe lequel d'entre nous reçoit son avis d'imposition, il commence par y consulter le montant global de ses impôts avant d'éventuellement en examiner le détail.

Nos liens avec les médiateurs des différents opérateurs sont civils et compliqués. Le circuit est le suivant : lorsque des gens s'adressent à nous, nous vérifions qu'ils ont préalablement saisi le service consommateurs de l'opérateur concerné. S'ils l'ont fait mais qu'ils n'ont pas obtenu de réponse satisfaisante, voire pas de réponse du tout, dans les deux mois, nous nous saisissons du dossier. Les consommateurs ont néanmoins aussi la possibilité de remonter jusqu'au médiateur de l'entreprise, comme les y encouragent certains opérateurs. Celui-ci leur fait parfois des réponses comparables aux nôtres, mais pas toujours. Si nos relations restent compliquées, c'est que ces médiateurs d'entreprise « s'interrogent » – pour rester poli – sur notre existence. On nous affirme qu'ils sont indépendants. Certes ! Mais c'est à leur président qu'ils présentent un rapport. En outre, je suis nommé pour six ans et non révocable, alors que ces cadres d'entreprise peuvent être remplacés à tout moment. Nous ne sommes donc pas dans la même situation. Il faut néanmoins reconnaître que ces médiateurs traitent certains problèmes de façon tout à fait correcte, et de la même façon que nous l'aurions fait.

Cela dit, je tiens à souligner que, dans toutes les discussions ayant eu lieu au niveau européen, a dominé l'idée que les médiateurs devaient être indépendants. Et c'est la France qui, avant et après 2012, a insisté pour que l'on reconnaisse la possibilité pour les entreprises et les groupes d'entreprises de disposer de leur propre médiateur. Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne solution, et le Parlement devra d'ailleurs prendre position sur le sujet lors de la transcription de la directive en cause.

Il est trop tôt pour évaluer les effets de la loi Brottes : il faut attendre la fin de la période hivernale. Nous anticipons une augmentation des impayés qui pourrait résulter non seulement de ce texte, mais aussi des effets dévastateurs du printemps 2013. Il conviendra donc de faire la part entre ces deux types d'explication.

La question de nos relations avec les espaces info-énergie nous renvoie à celle de savoir comment pallier notre manque de notoriété : c'est là la première question que j'ai posée à mon arrivée, et que je continue à me poser aujourd'hui. Mon prédécesseur, Denis Merville, avait signé une convention avec l'AMF, dont il était vice-président. Et l'on me presse effectivement de signer à mon tour des conventions avec tout le monde. Mais j'en ai tellement vu être conclues et faire l'objet d'une belle photo sans jamais être appliquées par la suite que je répugne à ce genre de procédés, auxquels je préfère le volontariat. Si l'AMF a signé cette convention, jamais les associations départementales de maires n'ont relayé l'information dans les mairies – alors que c'est souvent là que nos concitoyens viennent faire état de leurs difficultés. Par ailleurs, nous avons récemment évoqué avec le nouveau président de l'ADEME notre intention de mener un travail avec les espaces info-énergie, qui n'a encore pas été accompli jusqu'ici. En fait, ces espaces traitent peu des questions de factures : ils aident plutôt les personnes souhaitant améliorer l'efficacité énergétique de leur logement. Bref, notre objectif n'est pas tant d'investir de l'argent dans la publicité au niveau national que de nous faire connaître sur l'ensemble du territoire.

Antoine Herth a qualifié d'exponentielle l'augmentation des sollicitations dont nous sommes l'objet : or leur niveau se stabilise depuis quelques années. On peut même penser qu'une fois installés les compteurs dits « évolués », le nombre de litiges portant sur la quantité d'énergie réellement consommée baissera. Si les chiffres de 2012 ont diminué par rapport à ceux de 2011, ils sont redevenus supérieurs en 2013 à ceux de l'année précédente. Cela étant, nous ne sommes pas connus de tous, c'est pourquoi il convient de se montrer prudent face à ces chiffres.

Quant à Pacitel, je ne vous encourage pas à y recourir. En effet, bien que je n'aie pas de leçon à vous donner, il me semble que le rôle d'un élu c'est de savoir ce qui se passe sur le territoire !

M. Herth m'a également interrogé sur ma nomination à la tête d'une autorité indépendante. Je suis un peu gêné de le dire, mais j'ai la prétention de penser que j'avais le profil – non pas sur le plan politique, mais parce que pendant tout mon mandat parlementaire, j'ai essentiellement travaillé sur deux questions : l'énergie et la consommation. Et si les associations de consommateurs m'ont bien accueilli, c'est parce qu'elles savaient que je connaissais les dossiers.

Sur le conflit d'intérêt entre ma mission de médiateur et ma fonction de vice-président de la FNCCR, je conserverai cette dernière jusqu'à la fin de mon mandat, ce qui ne durera guère. J'ignore en revanche si je serai encore président de mon syndicat départemental d'électricité. Sachez néanmoins que depuis que j'ai été nommé médiateur, j'ai refusé de m'exprimer en tant que vice-président de la FNCCR. Et je vous signale que Denis Merville est toujours maire de sa commune, qu'il est vice-président de l'AMF et qu'au sein de cette association, il s'est parfois exprimé sur ces questions en tant qu'élu local. J'apprécierai dans les temps qui viennent si je dois ou non rester président de mon syndicat d'électricité. Il vous suffira de consulter la presse à la fin du mois de mars pour le savoir.

J'en viens à la question, posée par M. André Chassaigne, de l'augmentation de la facture moyenne. Je ne suis clairement pas de ceux qui considèrent que ce que nombre de technocrates appellent le « signal-prix » constitue l'outil de la politique de maîtrise de la demande énergétique : c'est une arme redoutable contre les habitants les plus modestes sur notre territoire. Si nous ne sommes pas capables d'inventer autre chose pour aider les gens à diminuer globalement leur consommation, nous aurons échoué ! Je suis de ceux qui constatent que les tarifs de l'énergie augmentent et augmenteront, mais clairement pas de ceux qui le souhaitent ! Nous savons que cette hausse se produira car nous avons fait des choix énergétiques. Reste à savoir comment aider les consommateurs à se retrouver dans une meilleure situation.

Parmi toutes les mesures que vous allez adopter, il en est une sur laquelle je vous invite à réfléchir : dans les zones tendues en termes de demande de logements, ne comptez pas sur les bailleurs pour faire des travaux d'amélioration de la performance énergétique en l'absence de système coercitif. Les aides que vous pourrez leur apporter, loin d'être suffisamment intéressantes, resteront toujours en deçà du bénéfice net qu'ils pourront tirer des loyers s'ils ne font pas de travaux. Si vous n'imposez pas aux bailleurs qui n'auront pas réalisé de travaux l'obligation de supporter une partie des charges de chauffage, vous ne ferez pas évoluer la situation. Tant que la demande de logements est forte, un bailleur n'a aucun intérêt à faire des travaux.

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