Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 31 octobre 2012 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Médias livre et industries culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'action audiovisuelle extérieure :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais évoquer la situation de TV5 Monde, qui est concernée, elle aussi, par la nouvelle réforme de l'audiovisuel extérieur. Suivant les recommandations formulées par Jean-Paul Cluzel dans son rapport de juin dernier, le Gouvernement a annoncé qu'il souhaitait un changement de portage capitalistique : il s'agit de remplacer la société en charge de l'AEF par France Télévisions comme actionnaire principal. L'insertion de l'AEF dans TV5 Monde avait pourtant un sens en 2008. En effet, la chaîne participe à la mission de promotion de notre patrimoine et de notre langue, domaine qui revient aussi à l'AEF. On pouvait également espérer des coopérations plus intenses entre les chaînes, voire des synergies permettant non seulement de réaliser des économies mais aussi d'apporter une valeur ajoutée.

Quatre ans plus tard, il faut admettre que cette configuration a surtout produit des dysfonctionnements. Tout d'abord, TV5 Monde est devenue une société de second rang, privée de relations directes avec la tutelle française et qui n'a pas été associée à l'élaboration du projet de contrat d'objectifs et de moyens alors qu'elle est directement concernée puisque la dotation française à son budget est incluse dans les crédits prévus pour l'AEF dans son ensemble. On observe aussi que la subvention pour TV5 Monde a tendance à être sanctuarisée au sein du budget de l'AEF, qui ne se sent donc pas responsable du bon usage de ces crédits.

Afin de remédier à ces dysfonctionnements, le rapport de Jean-Paul Cluzel propose de rétablir France Télévisions dans son rôle d'actionnaire de référence. Le Gouvernement a déclaré qu'il faisait sienne cette recommandation, le 12 juillet dernier, sans apporter de précision sur la participation de France Télévisions. Deux hypothèses sont pourtant envisageables : soit rétablir France Télévisions comme actionnaire minoritaire, détenant 49 % des parts comme aujourd'hui l'AEF, soit en faire l'actionnaire majoritaire. Cette dernière solution ferait de TV5 Monde une filiale de France Télévisions. Cela permettrait à la contribution française d'être discutée dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, dont elle constituerait un volet spécifique. On peut cependant redouter une marginalisation de TV5 Monde au sein du groupe, pour lequel la dimension internationale n'est pas prioritaire. De plus, les autres partenaires francophones pourraient s'opposer à la remise en cause de la clause qui interdit à toute société et à ses filiales de détenir plus de 49 % du capital, afin de sauvegarder l'autonomie et le caractère multilatéral de la chaîne.

S'agissant des crédits pour 2013, la stabilisation prévue comporte un risque majeur pour TV5 Monde : sa direction redoute une impasse financière comprise entre 5 et 6 millions d'euros.

Tout d'abord, TV5 Monde aurait besoin d'une augmentation de crédits de 2 millions d'euros pour maintenir son activité, madame la ministre, en raison de l'accroissement mécanique d'une partie des dépenses.

Il faudrait également reconstituer le budget d'achat des programmes français, amputé de 2 millions d'euros depuis 2007.

À cela s'ajoute le défi de la bascule technologique : TV5 Monde est dans l'obligation de renouveler son dispositif technique de production, post-production et diffusion, pour un surcoût transitoire d'au moins 3 millions d'euros.

Enfin, le minimum garanti sur les ressources publicitaires va prendre fin. Considérant son chiffre d'affaires réel et les faibles perspectives de croissance du marché publicitaire, la direction de la chaîne table sur une perte d'au moins un million d'euros.

TV5 Monde estime qu'elle pourrait absorber environ 2 millions d'euros de surcoûts non reconductibles en 2013, mais il lui manquera donc entre 5 et 6 millions d'euros au total. On pourrait certes envisager de solliciter les autres partenaires francophones, mais ils ont déjà augmenté leurs contributions de plus de 60 % depuis 2008.

Sans effort supplémentaire de la France, il faudra donc soit que la chaîne sorte de certains pays, soit réduire le sous-titrage, soit abandonner une partie des productions propres ou bien amputer les investissements en matière de marketing et de communication. Or cela reviendrait à mettre en péril son développement, voire sa survie. Ce serait d'autant plus dommage que TV5 Monde a obtenu de très beaux résultats depuis sa création, il y a vingt-huit ans. Nous devons lui donner les moyens de continuer à se développer pour le plus grand bien de la France et de la francophonie dans le monde. J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous rassurer sur l'avenir de cette chaîne.

Je ne voudrais pas conclure sans à mon tour, comme l'a fait mon collègue et ami Jean-Jacques Guillet, évoquer Mme Marie-Christine Saragosse, qui a effectué au sein de TV5 Monde un travail absolument remarquable, et je lui souhaite la même réussite dans ses nouvelles fonctions de responsable de l'AEF, couvrant donc RFI et France 24. Elle saura, je n'en doute pas, rétablir un climat de confiance, malheureusement détérioré depuis déjà quelque temps, ce qui est désastreux pour la chaîne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur certains bancs du groupe SRC.)

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