Intervention de Vicente Gonzales Loscertales

Réunion du 12 février 2014 à 16h45
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Vicente Gonzales Loscertales, secrétaire général du Bureau international des expositions, BIE :

Je vous remercie de me permettre de vous faire part de ma longue expérience dans le domaine des expositions universelles. Le hasard d'être né à Séville a changé ma vie. Après avoir été chargé par le ministre des affaires étrangères espagnol de m'occuper de la participation internationale à l'exposition qui s'est tenue dans cette ville en 1992, je me consacre, depuis, à rendre utiles ces grands événements qui impliquent des investissements considérables, des efforts diplomatiques, des consensus politiques, qui nécessitent aussi de convaincre les citoyens, de mener des actions de communication et, surtout, de définir clairement le but poursuivi. À cet égard, les expositions universelles sont plus qu'un projet : elles sont un instrument au service d'une vision. C'est une utopie que l'on veut mener à la réalité. Pour le dire simplement, elles servent à ce que l'on veut en faire.

Créé en 1928 dans le cadre d'une conférence diplomatique à l'initiative du gouvernement français, le BIE est une des plus anciennes organisations internationales au monde. Il comprenait, en 1993, 42 États membres, dont 27 européens ; il en compte aujourd'hui 168, ce qui en fait la quatrième plus grande organisation par le nombre de pays participants. D'une organisation de pays développés, elle est devenue une organisation globale, représentative de la communauté internationale, la plupart des États membres étant aujourd'hui des pays en voie de développement.

Cette nouvelle réalité implique une adaptation de la nature des expositions. Aujourd'hui, une exposition doit non seulement être utile au pays organisateur, mais aussi apporter aux autres pays un élément de progrès, de qualité de vie, tout en contribuant à la création de réseaux de coopération internationale et de solidarité. De vitrine des découvertes scientifiques et technologiques, les expositions sont devenues la grande vitrine de l'innovation au service des citoyens. Dans une société globalisée, ces derniers peuvent y trouver des informations sur les moyens dont ils disposeront pour satisfaire leurs besoins. Ainsi, la première condition d'une exposition réussie est d'être utile aux citoyens, c'est-à-dire de contribuer à l'amélioration de leur qualité de vie. Dans cet objectif, notre assemblée générale a adopté depuis 1994 des résolutions essentielles.

L'une de ces résolutions est l'affirmation du caractère universel du thème des expositions. Ce critère a été rempli en 2000, à Hanovre, avec le thème de « L'homme, la nature, la technologie », en lien avec l'Agenda 21 de la conférence de Rio, ainsi qu'en 2005, au Japon, avec « La sagesse de la nature », après la signature du protocole de Kyoto. Ce fut également le cas pour les expositions suivantes avec les thèmes de « L'eau et le développement durable » à Saragosse, en 2008 ; « Meilleure ville, meilleure vie » en Chine, en 2010 ; « Pour des côtes et des océans vivants : diversité des ressources et activités durables » en Corée du Sud, en 2012 ; « Nourrir la planète, énergie pour la vie », à Milan en 2015. En somme, les expositions sont de grands exercices de diplomatie publique dans un objectif d'amélioration de la qualité de vie.

Une exposition constitue un grand projet de transformation urbaine, de dynamisation économique, mais aussi de création de l'image de marque d'un pays. En présentant la manière dont celui-ci veut être perçu dans le monde, elle contribue à changer son image, à projeter une vision. Cela étant, le pavillon français à Shanghai présentait essentiellement Brigitte Bardot dans sa meilleure époque, le croissant et le café de Flore… Une expo est utile à condition d'être une vitrine de l'économie du pays, de sa culture, de ses relations internationales, au service des citoyens. C'est un élément fondamental : une exposition vous sera utile si vous êtes capables de la rendre utile.

L'utilité d'une exposition, son succès dépendent aussi de ce qui se passe après. Ce point est fondamental pour le BIE. Une exposition peut être formidable, mais aboutir à une situation désastreuse si l'on n'est pas capable de rendre les infrastructures utiles immédiatement, comme cela fut le cas après celle Séville.

Le succès d'une exposition dépend également de son thème. Un tel événement ne sert pas à amuser les citoyens : il doit avoir une forte valeur éducative, être un appel à la conscience de chacun. De nombreux problèmes, liés au transport, à la ville, à l'environnement, ne trouveront pas de solution sans la collaboration des citoyens : les expositions sont un excellent moyen de les mobiliser.

Cette mobilisation sera d'autant plus forte que les citoyens auront conscience que l'exposition leur appartient, qu'ils en obtiendront des avantages pour leur avenir. Cela implique d'expliquer, de communiquer, de s'engager. L'expo doit être un projet national. À cet égard, je suis très heureux de m'exprimer devant vous, représentants de la nation, c'est une sorte de garantie pour définir un projet solide, mener une bonne campagne, voire s'assurer le succès de l'expo. Ce n'est pas Paris qui organise l'expo : c'est le pays tout entier.

Vous devez néanmoins mettre en avant une vision compréhensible et à long terme de l'événement pour les parisiens : ils doivent comprendre qu'ils en tireront des avantages futurs pour passer outre tous les désagréments que l'organisation va engendrer. Il faut que l'expo apparaisse comme un élément du plan stratégique de développement du Grand Paris et non comme phénomène exotique. Ces points pèseront dans notre décision. Les pays qui gagnent sont ceux dont les autorités font preuve d'un engagement très fort. Dubaï l'a emporté face à la Russie, le Brésil ou la Turquie, grâce à la forte mobilisation de tous les pouvoirs – économique, politique, social. D'une façon générale, le gouvernement du pays doit être le protagoniste de la campagne et y engager toutes ses ressources.

Le succès d'une exposition dépend également de l'attractivité de la ville d'accueil. Si elle se tient à Paris en 2025, les gens visiteront d'abord la ville avant de se rendre à l'exposition. Les 41 millions de visiteurs, dont 18 millions d'étrangers, de l'exposition de Séville ont d'abord visité la ville. Quand la ville n'est pas attractive, comme Hanovre, on assiste à un phénomène inverse.

Pour étudier les candidatures, notre organisation mène des enquêtes en lien avec les représentants des pays. Nous évaluons la conformité des projets aux règles fixées par notre assemblée générale : la capacité de l'exposition à répondre aux priorités de la communauté internationale, son utilité, son caractère innovant, le soutien des différentes forces du pays – groupes politiques, écologistes, syndicalistes, organisations de citoyens, etc... Cette évaluation nous permet de déclarer si un projet est viable ou pas. Nous ne comparons pas les différents projets : une exposition est un projet conjoint. Dans celle de Shanghai, les pays ont investi un peu plus de 1 milliard de dollars pour leur participation.

En conclusion, les expositions sont en quelque sorte l'avant-garde des musées, un laboratoire des nouvelles formes d'architecture. Dans le passé, elles ont présenté toutes sortes d'innovations technologiques, mais ont aussi accordé une place à divers mouvements sociaux, comme celui des femmes, le mouvement ouvrier et même des mouvements réactionnaires. En ce sens, une exposition est un grand débat, qu'il faut maîtriser et non pas empêcher. Celle de Milan en 2015 sur l'alimentation permettra ainsi de réunir les représentants de la filière biologique et ceux des produits génétiquement modifiés. Une exposition est un formidable moyen de promouvoir les relations bilatérales, les relations commerciales, bref un gigantesque programme de coopération pour le futur.

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