Intervention de Aurélie Filippetti

Séance en hémicycle du 31 octobre 2012 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Médias livre et industries culturelles

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Plus généralement, nous initions une réforme de fond, dans la conception même de la politique publique.

Vous avez évoqué quelques-uns des dossiers que nous devons traiter : le dossier de Presstalis et la réforme des aides à la presse ; la réflexion sur les missions du service public de l'audiovisuel ; l'acte II de l'exception culturelle, avec la mission qui est confiée à Pierre Lescure ; le travail sur le livre et les librairies ; la priorité donnée à l'action déconcentrée et, surtout, les discussions en cours avec la Commission européenne pour affirmer la pérennité et la modernité du modèle français d'exception culturelle, au service de la diversité culturelle. Tels sont les chantiers, constamment retardés par le gouvernement précédent, que nous avons ouverts.

Certes, nous aurions préféré pouvoir les aborder avec un budget en augmentation, mais, vu la lourde dette, cela n'aurait pas été responsable vis-à-vis de nos concitoyens. D'ailleurs, l'ensemble des acteurs et des professionnels des secteurs concernés, que j'ai associés, depuis le début des discussions budgétaires, à chaque étape de l'élaboration de ce budget, l'ont bien compris.

Ma première préoccupation a été de préserver les missions fondamentales, aussi bien celles du ministère de la culture dans son ensemble que celles des secteurs concernés par la mission « Médias, livre et industries culturelles ». C'est aujourd'hui chose faite, même si bien sûr les discussions se poursuivent, notamment avec France Télévisions.

Ma seconde priorité était de faire porter l'effort sur les entreprises et les opérateurs les plus solides financièrement, ceux qui pouvaient dégager, par des synergies et des économies, les crédits dont nous avions besoin pour rétablir les finances publiques.

Le budget que je vous propose témoigne donc de cet effort particulier. Cependant, et contrairement à ce qui se faisait précédemment, ce n'est pas un coup de rabot à l'aveugle ; ce budget est le fruit d'une succession de choix pensés, mesurés et orientés selon des perspectives précises.

La présente mission sera dotée, en 2013, d'une enveloppe globale de 1,219 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent les crédits du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public », qui s'élèvent à 3,398 milliards. Au total, le soutien public en faveur des médias et de l'audiovisuel public atteint donc 4,617 milliards en 2013, en recul de 1,8 % par rapport à 2012.

À l'intérieur de cette enveloppe, que je soumets à votre examen aujourd'hui, 784 millions d'euros sont consacrés à la presse, au livre et aux industries culturelles et 3,832 milliards viennent financer les entreprises de l'audiovisuel public.

Je répondrai d'abord à vos questions, qui ont été nombreuses, sur la politique et le budget en faveur de la presse, qui représente évidemment un enjeu stratégique. Michel Françaix, qui a préparé un rapport très intéressant et fouillé, avec la compétence qu'on lui connaît, l'a évoqué, de même que Rudy Salles. C'est là, disais-je, un enjeu majeur, pour un secteur indispensable à toute grande démocratie et qui connaît aujourd'hui une crise grave, une fragilité liée à la transition du numérique.

La réduction du budget des aides à la presse est de 3,3 % à périmètre constant, c'est-à-dire une fois écarté le transfert des crédits du programme 134 vers le programme 180, pour soutenir le transport postal de la presse.

À quoi correspond ce retrait ? D'abord, il s'agit, non pas d'un recul, mais d'un ajustement raisonné tenant compte de la situation globale du secteur et de la mise en oeuvre des États généraux de la presse. Le secteur de la presse est bien sûr en recul, mais, aujourd'hui, on doit réfléchir – c'est le travail que nous avons commencé avec Michel Françaix et que nous allons poursuivre – sur la réforme des aides à la presse, dont le montant s'élève à 396,5 millions d'euros.

En d'autres termes, la baisse globale que je vous ai annoncée est essentiellement liée à l'arrêt progressif des aides exceptionnelles et à l'ajustement au plus près de la réalité des besoins. Je vous rappelle qu'il y a eu un changement de périmètre, qui permet de rendre plus lisibles les crédits destinés au transport postal de la presse, lesquels étaient auparavant divisés entre le ministère de l'économie et celui la culture ; ils sont aujourd'hui ramenés intégralement dans le budget de la culture, pour 143 millions d'euros.

S'agissant de l'aide au transport postal de la presse, qui a été évoquée et sur laquelle certains s'interrogent, je rappelle que nous devons honorer le contrat qui a été passé entre l'État et La Poste jusqu'en 2015. Cet accord prévoit, pour 2013, une contribution de 217 millions d'euros. Celle-ci est toutefois ciblée, puisque, dans le coût du transport postal, il y a une différence entre les journaux d'information politique générale, dont le coût unitaire à l'exemplaire est de 29 centimes, et les autres titres de presse, qui sont distribués pour un coût de 44 centimes.

Il y a également la compensation du manque à gagner pour La Poste du report d'un an de la mise en oeuvre de l'accord, décidé par le précédent Gouvernement, qui s'élève à 32,4 millions.

Les autres aides à la diffusion connaissent effectivement une baisse de 10,6 %, mais l'engagement de l'État en faveur du pluralisme se poursuit à travers l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, sans oublier le soutien aux quotidiens régionaux à faibles ressources publicitaires et l'aide à la presse hebdomadaire régionale. Cette démarche est consolidée, pour un total de 12 millions.

Nous proposons également une aide à la modernisation : 19,7 millions d'euros pour accompagner la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne. Pour les diffuseurs, à la suite des États généraux de la presse écrite, l'effort financier exceptionnel de la part de l'État, qui a été consenti pour trois années, de 2009 à 2011, prend progressivement fin. Pour 2013, il est donc ramené à 4 millions d'euros, contre 6 millions en 2012, ce qui correspond à la décroissance « en sifflet » de ces aides exceptionnelles.

Créé en 2012, le fonds stratégique pour le développement de la presse, dédié à l'investissement, sera doté de 33,5 millions d'euros. Là encore, les aides sont bien ciblées, orientées vers des objectifs de pluralisme et de démocratie.

Le travail sur la réforme, le ciblage plus précis des aides à la presse, l'articulation entre les trois types d'aides s'accompagnent d'une réflexion sur la TVA, même si celle-ci comporte aussi des incidences européennes. Une TVA à taux réduit pour certains titres de presse me semble tout à fait légitime, mais nous nous efforçons également d'obtenir de la Commission une TVA à taux réduit pour la presse en ligne. Dans le cadre de la réflexion sur la TVA en cours à Bruxelles, le Gouvernement transmettra ses conclusions avant le mois de janvier.

Vous l'avez dit, l'effondrement de Presstalis aurait été une catastrophe pour l'ensemble du secteur de la presse. Le gouvernement précédent n'a pas suffisamment agi ; il était de notre responsabilité de parvenir à un accord. Dans la suite des rapports Rameix et Le Pape, un accord, validé par le tribunal de commerce le 30 septembre, engage l'ensemble des acteurs. Les éditeurs voient leur contribution augmenter, et l'État prend ses responsabilités, à hauteur de 18,9 millions d'euros dans le budget pour 2013, afin d'accompagner l'effort de restructuration. Mais cet accord prévoit aussi que l'opérateur concurrent, les Messageries lyonnaises de presse ou MLP, assume également ses responsabilités : il est bien légitime que cet opérateur, dans un secteur qui repose sur la mutualisation, prenne sa part dans la péréquation des coûts historiques de l'opérateur Presstalis. Le contraire serait inacceptable et je souhaite que les termes de cet accord, obtenu après de longues discussions, soient respectés par chacune des parties.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que se reproduise pour Presstalis ce qui s'est passé avec le groupe Hersant médias, GHM. Nous avons pris nos responsabilités, afin que le traitement de ce dossier soit le plus juste possible et que les salariés de Presstalis bénéficient d'un accompagnement social.

Stéphane Travert m'a questionnée sur GHM. Le groupe est actuellement proposé à la vente par appartement. Le pôle normand a été repris ; j'espère que le pôle Champagne Ardennes Picardie et le pôle Sud le seront également. Je souhaite que ce soient des entreprises de presse qui s'engagent dans la reprise des titres du groupe.

Le précédent gouvernement n'a pas réussi à obtenir du groupe GHM qu'il rétrocède aux titres les aides à la presse dont il avait bénéficié. L'ancien actionnaire est parti en laissant derrière lui un coût social et un coût de restructuration très lourds, après avoir bénéficié d'aides à la presse, et même d'abandons de créances de la part d'un certain nombre de banques : c'est une situation que nos prédécesseurs n'auraient pas dû tolérer.

En matière d'indépendance de la presse, je suis très attentive au devenir de l'AFP. Le contrat d'objectifs et de moyens arrive à échéance à la fin de cette année et une nouvelle négociation s'engagera bientôt. L'État versera cette année le montant prévu au COM, soit 119,6 millions d'euros, en hausse de 1,8 %. L'AFP se diversifie aujourd'hui, étend son rayonnement et porte haut la voix de la France dans le monde.

Je vais maintenant aborder le chapitre de l'audiovisuel public, un sujet évoqué par certains d'entre vous et pour lequel vous nourrissez des préoccupations bien légitimes.

Le budget de l'audiovisuel public est marqué par une participation importante à l'effort de redressement des finances publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion