Dans un mois, le GIEC publiera le deuxième volet de son 5e rapport sur les impacts du changement climatique. Il y a fort à parier que la question de l'eau y sera centrale. Il en était d'ailleurs déjà ainsi dans le rapport de 2007 qui prévoyait la hausse probable des risques de crues et de sécheresse en Europe, l'augmentation du pourcentage de populations vivant dans des bassins soumis à un stress hydrique, l'augmentation des inégalités entre les régions pour ce qui est de la ressource en eau, ainsi que des difficultés prévisibles d'adaptation de nombreux écosystèmes et activités.
Depuis 2007, de nombreuses études sur l'impact du changement climatique sur la ressource en eau ont été menées en métropole mais, dans le temps dont je dispose, je me bornerai à faire état des travaux menés à Météo-France, en particulier de ceux relatifs au suivi hydrologique conduits dans le cadre de la commission ad hoc du Comité national de l'eau, ainsi que des études d'impact effectuées en collaboration avec d'autres organismes, comme le projet ClimSec.
Parmi les différents paramètres à considérer, les évolutions des précipitations ne sont pas très significatives en France, même si nous notons une diminution pendant la période estivale. Quoi qu'il en soit, elles ne sont pas essentielles pour la compréhension des évolutions de la ressource en eau.
Concernant les débits des cours d'eau, les tendances sont difficiles à établir du fait des fortes influences anthropiques qu'ils subissent, sous forme de retenues comme de prélèvements. Toutefois, un consensus se fait jour au sein de la communauté scientifique pour reconnaître quelques évolutions comme une légère élévation des étiages hivernaux dans les Alpes, l'avancée du pic de fonte au printemps, l'augmentation des débits estivaux des cours d'eau alimentés par cette même fonte glaciaire, la baisse, en revanche, des débits estivaux dans le sud-ouest du pays, notamment pour les cours d'eau venant des Pyrénées, et peut-être une légère tendance à la hausse des débits de crue dans le nord-est.
Dans le cadre du projet ClimSec, nous nous sommes intéressés à la teneur en eau des sols, qui était jusqu'alors difficilement mesurable. Nous avons pour cela utilisé des modélisations physiques du bilan hydrique et valorisé des travaux de recherche réalisés dans le cadre du suivi hydrologique.
L'histogramme que vous voyez apparaître sur l'écran est un indicateur de la sécheresse des sols, accessible sur le site de l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique (ONERC) et qui présente la surface de la France affectée annuellement par la sécheresse sur la période 1959-2012. On y retrouve les grandes années de sécheresse : 1976, 1989, 1990, 2003, 2005 et 2011. Vous pouvez constater la hausse progressive des surfaces touchées par le phénomène, marquée par une hausse de la moyenne glissante, et vous observerez que, sur les dix dernières années, neuf ont enregistré des sécheresses supérieures à la moyenne constatée entre les années 1961 et 1990.
Ce n'est pas l'évolution des précipitations, mais la hausse des températures qui a un effet sur le bilan hydrique, la « demande évaporative » étant satisfaite en fonction de la teneur en eau des sols. L'évaporation réelle augmente principalement au printemps mais, le reste de l'année, les sols tendent à devenir plus secs qu'auparavant.
Qu'indiquent les projections climatiques ? La référence pour ce qui est de l'évolution des débits est le projet Explore 2070, piloté par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et auquel Météo-France a participé ainsi que quelques autres laboratoires – ses résultats sont pris en compte dans le Plan national d'adaptation au changement climatique. Il en ressort que, vers le milieu du XXIe siècle, la ressource en eau en France aura diminué, selon les bassins, de 10 à 40 %, que la plupart des étiages estivaux seront plus sévères qu'aujourd'hui et que quelques bassins, notamment ceux du Sud-Ouest et du district Seine-Normandie, seront particulièrement affectés par la baisse du niveau des nappes phréatiques.
Dans le cadre du projet ClimSec, nous avons étudié l'humidité des sols. Le second tableau qui vous est présenté montre l'évolution de la superficie de la France concernée par des sécheresses par périodes de trente ans. Vous observez que l'augmentation de cette superficie deviendra significative en milieu de siècle et que les sécheresses, aujourd'hui exceptionnelles, deviendront un phénomène ordinaire à partir de 2050, et plus encore à partir de 2080.
En conclusion, j'appelle votre attention sur la nécessité, en matière de changement climatique, de considérer les extrêmes – et pas uniquement les moyennes – et donc de développer des capacités de suivi et d'anticipation de ces extrêmes, spécialement pour ce qui est des sécheresses.