Intervention de éric Chaumillon

Réunion du 12 février 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

éric Chaumillon, enseignant chercheur à l'Université de la Rochelle, directeur adjoint de l'unité mixte de recherche « Littoral Environnement et Sociétés, LIENSs » CNRSUniversité de La Rochelle :

Faut-il déménager la population côtière ? Loin de moi l'idée d'abandonner des territoires habités, parfois densément, mais 45 % des terres situées à moins de 500 mètres de la côte sont des espaces naturels. Nous disposons donc de marges de manoeuvre, et c'est bien sûr à ces espaces que je pensais lorsque j'évoquais la possibilité de laisser inonder certaines terres.

La densité de la population littorale est d'environ 2,5 fois supérieure à la moyenne nationale et cette tendance à la concentration de l'habitat près de nos côtes ne faiblit pas. Or nous attendons une transgression généralisée, c'est-à-dire un recul des côtes, plus ou moins important. En tant qu'élus, il vous faut donc vous montrer très vigilants dans l'attribution des permis de construire et limiter les constructions trop proches des côtes. Celles-ci sont très mobiles, et édifier aujourd'hui une villa à quelques dizaines de mètres d'une dune ou laisser se développer l'urbanisation en bordure de mer ne peut qu'exposer à des problèmes graves dans quelques années.

Nécessité de la pédagogie ? Enseignant à l'université, j'ai en effet constaté chez mes étudiants une grande méconnaissance du fonctionnement des littoraux. J'ai pour ma part une politique volontariste de communication et je suis toujours disposé à débattre avec les collectivités et avec les médias. La Rochelle est le chef-lieu du seul département côtier de la région Poitou-Charentes, mais je suis convaincu qu'il pourrait être intéressant de faire des conférences à Poitiers, par exemple.

Il n'est pas possible aujourd'hui d'établir une carte du recul prévisionnel des côtes. Il existe certes des programmes de recherche qui tendent, ponctuellement, vers ce but, mais nous ne disposons que de modèles morphodynamiques de faible extension pour appréhender des systèmes très compliqués d'interactions entre vagues, vents, courants et littoraux.

S'agissant de la Gironde, il faut savoir que les estuaires et les lagunes, qui sont des zones à fort taux de sédimentation, arrivent à suivre l'élévation du niveau de la mer si celle-ci n'est pas trop importante – on parle de quelques décimètres pour les prochaines décennies. Mais les polders, parce que protégés par les digues, sont soustraits à l'action de la sédimentation et ils ne peuvent pas s'adapter. De vastes territoires se retrouvent ainsi sous le niveau de la mer.

Je ne m'autoriserai pas à attribuer les tempêtes que nous avons connues cet hiver aux changements climatiques : pour constater une tendance, il faudrait disposer de plusieurs décennies de recul et il me semble de toute façon dangereux de lier un événement ponctuel à une tendance climatique.

La Vendée est effectivement un territoire très vulnérable. Comme en Charente-Maritime, plus de la moitié de la bande côtière de dix kilomètres de large se situe en dessous du niveau des plus hautes mers. Sans les digues, il y aurait une inondation tous les mois… Au cours des quatorze tempêtes qui ont été évoquées, nous avons connu par deux fois des surcotes d'un mètre qui auraient provoquées des inondations importantes, si elles s'étaient produite pendant des marées hautes de vive-eau, comme pendant la tempête Xynthia de 2010. Si ces surcotes étaient intervenues au moment de marées hautes de vive-eau, c'était l'assurance de catastrophes : tous les hivers, la nature joue à la roulette russe !

Comment choisir les zones à abandonner ? Ce sont forcément celles qui sont les plus proches de la mer, car c'est là que se fera la déverse. L'exemple de la Vendée est tout à fait pertinent même si je pensais plutôt aux terres agricoles de part et d'autre des estuaires de la Gironde et de la Charente : en interdisant à tout prix l'inondation de ces territoires, on laisse forcément la mer monter, éventuellement jusqu'à la ville. Il faut se doter d'une stratégie – modéliser, rehausser des digues, choisir les territoires à protéger et ceux qui resteront inondables, etc.

Le rechargement des plages est-il la meilleure solution possible à La Grande-Motte, et ailleurs ? Le choix est entre défense « en dur » – des digues – et défense « douce », c'est-à-dire le rechargement de plage. M. Van Rijn – l'une des sommités de ma discipline – a bien montré que les coûts de l'une et l'autre solution sont comparables. Dans une zone touristique, les défenses en dur appauvriraient les plages ; le rechargement paraît donc la solution la plus pertinente. Certains systèmes en dur comme les épis en T permettent de faire de petites plages « de poche » ; cela a été pratiqué par exemple à Sitges, près de Barcelone, mais l'effet sur le paysage est désastreux.

Les touristes finissent par tuer ce qu'ils viennent chercher : à force de se masser sur les côtes, ils dénaturent les paysages !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion