Intervention de Jean-Michel Soubeyroux

Réunion du 12 février 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Michel Soubeyroux, ingénieur à la direction de la climatologie à Météo-France :

Vous avez soulevé des questions très vastes qui excèdent souvent les compétences d'un scientifique ; je vais néanmoins essayer de les traiter du mieux possible.

Pour sensibiliser les citoyens et les associer à la réflexion en vue d'élaborer des politiques susceptibles de recueillir leur adhésion, il me semble effectivement que les scientifiques ont un rôle à jouer, mais sans doute pas un rôle d'organisateurs. Des observatoires, régionaux ou nationaux, ont été créés : ce sont des outils tout à fait intéressants à cet effet. Il existe ainsi un Observatoire pyrénéen du changement climatique qui couvre les régions espagnoles et françaises : ce caractère transfrontalier est essentiel, car les mêmes problèmes se posent bien sûr sur les deux versants du massif.

Avec une ressource en eau moindre et plus variable selon les saisons, il faut effectivement s'attendre à une réduction de notre potentiel hydroélectrique. Quant au refroidissement de nos centrales nucléaires, c'est bien sûr un sujet de préoccupation majeure. Météo-France contribue à la réflexion dans ces domaines.

Plus généralement, pour ce qui est de la ressource en eau et de l'adaptation nécessaire aux nouvelles conditions climatiques, il me semble qu'il faut réfléchir à l'échelle du bassin, du territoire. Cette ressource a ceci de particulier qu'elle est partagée entre différents usages et il faut donc une réflexion globale : on ne peut pas se contenter de laisser chaque profession chercher et faire prévaloir ses solutions. Tout le monde doit se mettre autour de la table pour gérer la ressource de façon cohérente, et c'est toute la difficulté de l'exercice. Il est d'autre part impossible de traiter des changements climatiques indépendamment des autres changements globaux, comme les évolutions démographiques qui commandent celles de la demande.

Beaucoup de projets, européens notamment, tendent à agréger les expertises de différents pays et à assurer une action cohérente de l'un à l'autre. L'expérience de l'Observatoire pyrénéen du changement climatique pourrait servir d'exemple à cet égard aussi.

J'ai surtout parlé des sols et des cours d'eau, mais les nappes phréatiques sont également affectées par le changement climatique. Plutôt que de sécheresse météorologique, je préfère parler de sécheresse des sols : l'évolution des précipitations n'est pas forcément bien établie, mais, quelles que soient les incertitudes sur le sujet, la sécheresse des sols, dont pâtissent l'agriculture et l'hydrologie, se développeront de toute façon sous l'effet des températures. Je ne voudrais pas que l'incertitude sur les précipitations soit comprise comme une incertitude sur d'autres composantes du cycle de l'eau.

Faut-il opter pour l'adaptation ou pour l'atténuation des impacts ? Il faut, je crois, faire les deux : les derniers modèles du GIEC montrent que même des politiques d'atténuation draconiennes ne sauraient suffire : l'évolution du climat est déjà en cours et nos sociétés seront donc de toute façon confrontées à des changements climatiques.

Sur le rapport entre événements extrêmes et changements climatiques, il faut, comme l'a dit M. Chaumillon, demeurer très prudent : il est difficile de démontrer vraiment l'existence d'un lien. Certains événements extrêmes sont annoncés par les projections climatiques et on peut penser qu'ils interviendront de plus en plus souvent : c'est notamment le cas pour les vagues de chaleur et pour les sécheresses, mais on n'a pas aujourd'hui prouvé qu'il en était de même pour les tempêtes, du moins en métropole. Le lien entre météorologie et climat est complexe. D'autre part, nous avons déjà connu des événements pluvieux intenses sur notre territoire : il faut peut-être aussi développer notre mémoire des événements passés.

L'amélioration des systèmes d'alerte est bien sûr une préoccupation constante de Météo-France et des pouvoirs publics. De grands progrès ont déjà été réalisés ; le système de vigilance prend ainsi en considération les crues, les submersions marines… C'est un travail long, mais nécessaire. Bien sûr, les intempéries que nous connaissons nous permettent d'améliorer nos prévisions et, surtout, nos dispositifs d'alerte.

La prise en considération dans les modèles climatiques de la fonte des glaciers du Groenland et donc de l'apport massif d'eau douce qui pourrait s'ensuivre est une question qui revient systématiquement dans tous les exercices du GIEC. Aujourd'hui, l'affaiblissement éventuel du Gulf Stream n'est pas de nature à remettre en cause les évolutions climatiques attendues : ce courant est lié à la circulation océanique, mais aussi à la dominance des vents d'ouest.

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