Le paritarisme, monsieur Morange, s'est beaucoup sclérosé au fil du temps. Il s'est transformé en ce qu'il n'aurait jamais dû être : un système de cogestion fondé sur le souci de ne déplaire à personne, si bien que chacun laisse faire l'autre. Il faut donc le refonder.
Par ailleurs, en ce qui concerne les allocations familiales, dès lors que l'État en assume le coût, il devient nécessaire de trouver de nouveaux modes de gestion. Certes, il paraît important que les partenaires sociaux y restent associés, mais avec une marge de manoeuvre réduite par rapport aux branches financées par des cotisations patronales et salariales. Il revient à l'État de réorganiser le système.
S'agissant des accords de branche, monsieur Germain, je suis un peu moins pessimiste que vous sur leurs résultats. Tout d'abord, dans les domaines qui relèvent de la branche, comme la formation professionnelle, l'impact d'un accord est direct. Quant à l'apprentissage, il s'agit d'une question plus vaste et qui reste pour l'instant sans réponse. Dans ce domaine, nous ne savons pas où nous allons : 8 % de baisse en 2013, alors que le pacte de compétitivité s'était donné des ambitions relativement modérées en termes de croissance de l'apprentissage. J'avais proposé le recrutement de 800 000 apprentis, mais Mme Parisot, alors patronne du Medef, avait jugé cet objectif irréaliste. À ce niveau, nous serions pourtant encore loin des ratios allemands.
En tout état de cause, il convient de régler ce problème de manière globale, et l'accord de branche pourrait nous y aider. Mais il faudrait aussi éviter de prendre des mesures fiscales dissuasives telles que la suppression de l'indemnité compensatrice, et résoudre les problèmes de logement ou de transport des apprentis. Une mobilisation est également nécessaire pour que les jeunes de seize ans n'aient pas à chercher eux-mêmes une entreprise d'accueil. Il est en tout cas essentiel que ce thème fasse partie des contreparties – ou plutôt des accords de progrès – négociées dans chaque branche.
Par ailleurs, rien n'empêche de fixer dans chaque branche des quotas d'embauche, ou du moins des valeurs indicatives sur lesquelles pourraient s'appuyer les négociations menées au sein des entreprises. Le dialogue social fonctionne à deux niveaux : celui de la branche, qui donne les orientations, et celui des entreprises, qui permet de les concrétiser.
En revanche, je suis sceptique quant aux sanctions, car je ne vois pas comment elles pourraient être appliquées à des millions d'entreprises. Il est facile de sanctionner les entreprises de plus de 5 000 salariés, qui ne sont guère nombreuses. Mais il en va tout autrement pour la multitude de PME et de TPE françaises, sauf à mobiliser une armée de contrôleurs. Je n'ai rien contre l'idée de faire planer l'ombre de sanctions, mais je crains que leur généralisation ne puisse être effectuée qu'au prix d'une énorme bureaucratie.
Cela étant, les entreprises resteront soumises à ce qu'Arnaud Montebourg appelle le « jugement de l'opinion publique », un jugement dont les représentants du secteur de la restauration ont mesuré l'importance depuis que tout le monde a compris à quel point le Gouvernement s'était fait « rouler » en acceptant de réduire le taux de TVA. Si les conditions sont réunies, une pression s'exercera pour que soient respectés les engagements négociés dans les branches.