Intervention de Gérard Charasse

Séance en hémicycle du 20 février 2014 à 15h00
Voie sacrée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, telle la Via Sacra menant au triomphe, la Voie sacrée, chère à Maurice Barrès, aux Lorrains et à l’ensemble des patriotes, est éternelle. Elle restera à jamais la route qui, organisée, réglementée, surveillée, entretenue, divisée en six cantons, soumise à une discipline très stricte, aura permis l’acheminement sur le front des renforts, matériels et munitions français et qui aura contribué à la mise en échec de l’offensive allemande. Durant l’été 1916, 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions, de ravitaillement et de matériel ont emprunté chaque semaine la Voie sacrée. Elle aura été l’instrument principal de l’effort national, le chemin emprunté par tous les régiments français partis pour combattre à Verdun. Et quel combat !

La Voie sacrée est un monument de la Première Guerre mondiale, elle est à ce titre un monument de l’humanité. La route reliant Bar-le-Duc à Verdun prendra officiellement cette dénomination avec la loi du 30 décembre 1923 classant comme route nationale l’ensemble des chemins vicinaux dits « Voie sacrée », du chef-lieu du département jusqu’au carrefour du Moulin-Brûlé.

Alors que nous célébrons le centenaire de la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre meurtrière avec ses horreurs, ses martyrs mais aussi héros, alors que demain aura lieu une cérémonie d’hommage à la Résistance au Mont Valérien, nous aurions pu espérer, ainsi placés devant un tel symbole de notre histoire et de l’union nationale, elle aussi sacrée en 1914, que les querelles nous seraient épargnées. Hélas, ce n’est pas le cas.

Depuis le transfert des routes nationales aux départements opéré par la loi du 13 août 2004, une lutte est engagée entre le maire de Verdun, Arsène Lux, et le président du conseil général de la Meuse, le sénateur Christian Namy qui a succédé à notre collègue Bertrand Pancher en 2004. Cette « bataille » porte sur l’appellation exacte de la route : « Voie sacrée » ou « Voie sacrée nationale » ? Un arrêté interministériel du 15 février 2007 a officialisé l’appellation « Voie sacrée nationale », mais cette appellation n’a pas d’existence, ni physique – les cartes routières, les guides touristiques, les livres d’histoire, les bornes ornées du casque Adrien qui jalonnent la route ainsi que les panneaux historiques font toujours référence à la « Voie sacrée » –, ni juridique puisque c’est le département qui a la compétence pour entretenir la désormais « RD 1916 ».

Il s’agit donc, par cette proposition de loi, de donner une valeur législative à un arrêté interministériel. Je ne rappellerai pas à notre rapporteur que la loi fait l’objet d’une définition matérielle dans la Constitution, en vertu de son article 34. De toute évidence, ce texte n’est pas de nature législative.

Dans ce débat, dont l’opportunité me semble sujette à caution, je me rangerai derrière les arguments du maire de Verdun – pas l’actuel, mais son prédécesseur, notre excellent collègue Jean-Louis Dumont, que je salue. L’Assemblée nationale n’a pas à s’immiscer dans des querelles locales et, qui plus est, vaines. Je reprends un élément contenu dans le communiqué de mes collègues socialistes du mardi 11 février dernier : « Que penseraient les parlementaires qui se sont battus au front, parfois au prix de leur vie, de voir l’hémicycle ainsi instrumentalisé ? » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour le deviner !

Ainsi, je m’arrêterai là pour ne pas allonger des débats qui n’ont pas lieu d’être ici et qui ne contribuent pas à renforcer les députés dans leur fonction d’élaboration de la loi, fonction pourtant mieux installée depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui a octroyé aux groupes parlementaires minoritaires un droit d’initiative dans le cadre de journées réservées comme celles-ci. Les membres du groupe RRDP ne voteront pas ce texte, qui ne nous apparaît pas opportun.

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