Intervention de Denys Robiliard

Réunion du 19 février 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

La proposition de loi vise à résoudre un problème bien connu des praticiens du droit du travail, celui posé par la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail. C'est au conseil de prud'hommes qu'il revient de dire à qui elle doit être imputée. Soit elle relève de la seule responsabilité du salarié qui en a pris l'initiative, soit elle est imputable à l'employeur, auquel cas elle produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse : le préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement sont alors dus, de même que d'éventuels dommages et intérêts.

Comme l'a bien montré le rapporteur, le salarié qui use de cette voie risque de rencontrer d'importantes difficultés. Dans la mesure où il est à l'origine de la rupture du contrat de travail, il ne bénéficie pas de l'allocation de retour à l'emploi, à une exception, toutefois : s'il peut produire une ordonnance en référé du conseil de prud'hommes démontrant qu'il n'a pas été payé, Pôle emploi, présumant que la rupture est imputable à l'employeur, liquidera les droits de la même façon qu'en cas de licenciement.

Le problème est que le juge du référé est juge de l'évidence et de l'incontestable. Le salarié peut donc se voir débouté malgré la solidité de ses arguments. En outre, le référé n'est pas adapté à toutes les situations, notamment en cas de rupture intervenue à l'initiative du salarié à la suite d'un harcèlement dont il aurait fait l'objet.

La proposition de loi vise donc à remédier à ce problème en s'inspirant de la procédure utilisée pour requalifier un CDD en CDI : l'affaire serait directement portée devant le bureau de jugement, lequel devrait statuer dans un délai d'un mois.

Bien sûr, il ne faut pas se leurrer. La proposition de loi est certes de nature à améliorer significativement la situation des personnes prenant acte d'une rupture de leur contrat de travail, et peut permettre aux employeurs de connaître plus rapidement les conséquences financières d'une telle situation. Mais les conseils de prud'hommes ont déjà le plus grand mal à tenir le délai d'un mois prévu pour requalifier un contrat à durée déterminée. En outre, ils ne statuent qu'en premier ressort : dans l'immense majorité des cas, l'examen par la chambre sociale d'une cour d'appel aura pour conséquence de prolonger le délai de jugement.

Même si tous les conseils de prud'hommes ne sont pas dans la situation de celui de Nanterre, cité par le rapporteur, l'examen de cette proposition de loi ne doit pas nous dispenser de nous pencher non seulement sur la situation des juridictions prud'homales, mais plus largement sur celle des juridictions sociales – comme le tribunal des affaires de sécurité sociale. Une réforme profonde est probablement nécessaire dans ce domaine, faute de quoi l'adoption de cette proposition de loi ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau. Ainsi, dans certains conseils de prud'hommes – notamment en Île-de-France –, il n'est pas rare qu'un renvoi allonge d'un an le délai de jugement d'une affaire. Dans un tel cas, l'obligation de statuer dans un délai d'un mois n'aurait plus de sens.

Pour le groupe socialiste, cet examen constitue donc une première étape dans une entreprise plus large de réforme de la prud'homie.

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