Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 19 février 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle, rapporteure :

Après les lois du 12 novembre 2013 et du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement, respectivement, à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens et à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, le présent projet de loi est le troisième texte examiné par notre Commission sous cette législature autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances aux fins de simplification. Il s'inscrit ainsi dans le chantier très ambitieux engagé par le Gouvernement en la matière.

Le recours aux ordonnances, s'il est légitime, n'en appelle pas moins de notre part un contrôle rigoureux. J'ai ainsi veillé, dans la continuité du travail déjà mené en ce sens par le Sénat, à ce que le champ des habilitations soit le plus précis possible et à substituer à ces dernières, lorsque cela était envisageable, des modifications directes du droit en vigueur.

Ce projet de loi comporte seize articles, qui visent à simplifier, à clarifier et à moderniser le droit sur des sujets divers, relevant du droit civil – tels que la protection juridique des majeurs et des mineurs, le droit des successions, le droit des obligations et des contrats, le droit des biens et celui des procédures d'exécution –, de l'organisation de la justice, avec la réforme du Tribunal des conflits, ou encore de la procédure pénale, avec la possibilité de communiquer par voie électronique, et enfin de l'administration de l'État et des collectivités territoriales.

L'article 1er a d'abord pour objet de simplifier les règles relatives à l'administration légale. Il vise à alléger le contrôle exercé par le juge dans le cadre de l'administration légale dite sous contrôle judiciaire, qui est mise en place lorsqu'un seul parent exerce l'autorité parentale, en réservant ce contrôle aux actes de disposition les plus importants. L'intervention du juge est en effet souvent mal vécue par les familles concernées car elle fait fréquemment suite à des moments douloureux comme le décès de l'un des parents.

Le second objet de cet article est de réformer la protection juridique des majeurs. Il autorise, à cette fin, le Gouvernement à créer un nouveau dispositif, alternatif aux mesures de protection et inspiré de celui prévu au profit de l'époux par les articles 217 et 219 du code civil : des personnes membres de la famille pourront être habilitées à représenter le majeur. D'autre part, l'avis médical requis lorsqu'il est disposé du logement ou des meubles de la personne protégée en vue de son admission dans un établissement adapté pourra être émis par le « médecin de famille », et non plus uniquement par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Enfin, un amendement du Gouvernement tend à rétablir la disposition, supprimée par le Sénat, portant de cinq à dix ans la durée initiale des mesures de protection.

L'article 2 comporte, en premier lieu, deux mesures relatives au droit des successions. La première vise à permettre aux personnes sourdes et muettes de faire établir un testament authentique en les autorisant à se faire assister d'un interprète en langue des signes pour satisfaire aux formalités substantielles que sont la dictée et la lecture du testament. Je me réjouis de cette simplification, qui met fin à une discrimination, et je vous proposerai d'aller plus loin encore, afin de permettre aux personnes ne s'exprimant pas en français d'avoir elles aussi recours à un interprète pour établir leur testament authentique. La seconde mesure tend à simplifier le mode de preuve de la qualité d'héritier pour les successions les plus modestes. Actuellement, cette preuve peut être apportée soit par un acte de notoriété établi par le notaire, acte qui est coûteux, soit par un certificat d'hérédité, gratuit et délivré par les maires. Malheureusement, dans près de 60 % des cas, les maires refusent de délivrer ces certificats car ils ne disposent pas des informations nécessaires et ne souhaitent pas engager leur responsabilité. En conséquence, le nombre de renonciations à des successions est en forte augmentation : il a crû de 25 % entre 2004 et 2012, année au cours de laquelle quelque 75 000 renonciations ont été enregistrées.

L'article 2 autorise, en second lieu, le Gouvernement à clarifier, par voie d'ordonnance, les pouvoirs liquidatifs du juge du divorce.

L'article 3 a été supprimé par le Sénat. C'est sans doute le plus important et le plus discuté du projet de loi puisqu'il a pour objet d'habiliter le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats. La nécessité et l'urgence de cette réforme ne sont pas contestées. Ce droit, qui n'a, pour l'essentiel, pas été modifié depuis 1804, apparaît aujourd'hui incomplet et inadapté ; de surcroît, il ne se trouve plus dans le code civil, mais dans le Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation, ce qui met en cause la lisibilité, la sécurité juridique et l'accessibilité de notre droit. Enfin, des pans entiers du droit des contrats moderne, comme la période précontractuelle, ne sont tout simplement pas abordés par le code civil.

Cette réforme est préparée depuis plus d'une dizaine d'années, et plusieurs projets ont été présentés par des universitaires, sous l'égide des professeurs Pierre Catala et François Terré, et par la Chancellerie, en 2008 et en 2011, sans jamais aboutir. Ce n'est donc pas la nécessité de la réforme qui a été contestée au Sénat, mais la méthode retenue, à savoir le recours à l'ordonnance.

Le Gouvernement m'a indiqué qu'il avait l'intention de déposer un amendement afin de rétablir l'habilitation. Je lui ai suggéré de le faire en séance publique afin de nous permettre d'en débattre en présence de la garde des Sceaux, qui pourra ainsi faire valoir ses arguments. Je me contenterai, à ce stade, de signaler que chacun d'entre nous peut prendre connaissance d'une version de l'avant-projet d'ordonnance, qui a été diffusée sur le site des Échos, afin de se forger sa propre opinion. Il ressort de ce document que la réforme proposée dépasse la simple codification de la jurisprudence, mais que les innovations qu'elle comporte ne bouleversent pas le droit des obligations et des contrats.

L'article 4 du projet de loi abroge les actions possessoires, conformément aux recommandations de la doctrine et de la Cour de cassation dans tous ses rapports annuels depuis 2009.

L'article 5 ratifie l'ordonnance créant le code des procédures civiles d'exécution et apporte quelques modifications ponctuelles à ses dispositions.

L'article 6 supprime de notre droit les termes désuets de « fol enchérisseur » et de « folle enchère ».

L'article 7, autre article important, réforme le Tribunal des conflits. Dans cet article, des modifications directes de la loi du 24 mai 1872 ont été substituées par le Sénat à l'habilitation initiale. Elles reprennent fidèlement les propositions du groupe de travail présidé par M. Jean-Louis Gallet, conseiller à la Cour de cassation. L'innovation principale réside dans la suppression de la présence et de la présidence du garde des Sceaux. Vestige de la justice retenue et héritage du passé, cette participation d'un ministre à l'activité juridictionnelle est devenue difficilement compatible avec l'indépendance et l'impartialité des juridictions ainsi qu'avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles. Le tribunal sera, à l'avenir, présidé par son vice-président actuel, qui est alternativement issu de l'un et de l'autre ordre de juridiction. En cas de partage égal des voix, le projet de loi prévoit de procéder à une seconde délibération puis, en cas de blocage persistant, de compléter la formation ordinaire par deux autres conseillers d'État et deux autres conseillers de la Cour de cassation. On notera que la parité du nombre de membres de la formation de jugement est maintenue, ce qui signifie que le blocage peut perdurer... La réforme autorise également le président à statuer par voie d'ordonnance dans les affaires simples. Enfin, elle étend la compétence du tribunal à l'indemnisation des justiciables à raison de la durée excessive de certaines procédures.

L'article 8 définit les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire peut adresser des convocations, avis et documents par voie électronique aux auxiliaires de justice et aux personnes impliquées dans une procédure pénale, en assortissant cette possibilité d'un certain nombre de garanties.

L'article 9 regroupe une douzaine de mesures de simplification administrative, qui sont d'application directe ou font l'objet d'une demande d'habilitation. Certaines tendent à alléger les missions des services préfectoraux au profit des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. D'autres visent à abroger des régimes juridiques obsolètes, tel que celui des voitures dites « de petite remise ». D'autres encore, comme la suppression de l'autorisation du préfet pour rendre exécutoires les emprunts des centres communaux d'action sociale (CCAS), ont pour but d'assouplir certaines procédures administratives.

Les articles 10 à 13 suppriment ou fusionnent différentes commissions. L'article 14 a été supprimé par le Sénat. L'article 15 règle l'application de certaines dispositions du présent texte outre-mer tandis que l'article 16 fixe les délais de rédaction des ordonnances et de dépôt des projets de loi de ratification.

En conclusion, je vous invite à adopter ce projet de loi qui comporte de nombreuses mesures de simplification utiles et bienvenues, sous réserve des amendements que je vous proposerai.

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