Intervention de Sylvain Ageorges

Réunion du 19 février 2014 à 17h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Sylvain Ageorges, photographe, responsable du service iconographique du Bureau international des expositions :

Paris est des villes du monde celle qui a organisé le plus grand nombre d'expositions universelles. La première était située un peu plus haut que la place de la Concorde, entre la Seine et les Champs-Élysées. Le bout du bâtiment était à l'emplacement de l'actuel Petit Palais. Ce « Palais de l'industrie » entendait rivaliser avec le Crystal Palace londonien, mais il n'est finalement resté du modèle que le plafond de verre : le reste du bâtiment a été ceint de pierres de taille, avec un effet d'une particulière laideur.

Long de 300 mètres, il n'a servi que six mois pour les besoins de l'exposition, mais il a eu par la suite bien d'autres usages. Comme il empiétait sur l'emplacement prévu pour l'édification du Petit Palais à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, et considérant qu'il ne servait à rien, il a été décidé de le détruire. Il ressort pourtant de mes recherches que le bâtiment abritait en 1896 un musée des colonies, un musée des arts décoratifs, un dépôt de peintures et de sculptures, le service des tirages des emprunts de la ville de Paris, un magasin de décors du théâtre de l'Odéon, des bureaux de l'administration des Beaux-Arts, un commissariat de police, un poste de pompiers, un débit de tabac et des logements de concierges… En résumé, ce bâtiment supposé « ne servir à rien » avait trouvé bien des emplois.

De surcroît, ses pierres ont servi à la construction du Grand et du Petit Palais actuels. Cette réutilisation est ce qui fait la différence avec l'architecture moderne : les matériaux utilisés à l'époque étaient soit du bois chevillé qui se démonte très facilement, soit des pierres de taille que l'on savait désassembler, soit du métal que l'on savait dériveter. Tout comme l'un des pavillons Baltard a été démonté puis remonté à Nogent-sur-Marne, les structures de la Galerie des machines de l'Exposition universelle de 1878 ont été réutilisées pour plusieurs usages et en différents lieux : le long du bassin de La Villette pour construire des bâtiments métalliques – deux subsistent, dans lesquels sont installés les cinémas MK2 ; pour édifier ce qui est la halle de l'actuel gymnase Jean-Jaurès dans le XIXe arrondissement de Paris ; pour monter, à Meudon, le Hangar Y d'où est parti le premier ballon dirigeable. Les bâtiments construits pour les expositions universelles étaient donc assez souvent réutilisés.

Le Palais des machines, construit en 1889 sur un Champ de Mars dont la configuration n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui, a été la plus grande structure édifiée à l'occasion d'une exposition universelle à Paris. Il occupait, sur trois cents mètres de long, l'espace compris entre l'avenue de Suffren et l'avenue de La Bourdonnais. Le bâtiment a été ensuite utilisé comme vélodrome jusqu'à ce qu'il soit démonté en 1910 parce qu'il était trop grand ; l'immensité d'un bâtiment n'est donc pas le gage de sa pérennité.

S'il y a eu beaucoup d'expositions universelles à Paris, c'est aussi parce que de nombreux sites s'y prêtaient : les Champs-Élysées, le Champ de Mars, les Invalides et les bords de Seine constituaient un espace modulable. Je doute que l'on puisse construire maintenant les bâtiments abritant une exposition universelle au Champ de Mars : l'espace est bien plus réduit qu'il ne l'était à l'époque, il faudrait couper des arbres et l'emprise de la Tour Eiffel compliquerait les choses.

Il est dit que 50 millions de visiteurs sont venus à l'Exposition universelle de 1900. Même si ce nombre est incertain car les tourniquets qui comptabilisaient les entrées ne tenaient pas compte des abonnements ni, donc, des entrées multiples, ce qui était une gageure est devenu un beau succès si l'on considère que la France de l'époque comptait 40 millions d'habitants. L'entrée principale du bâtiment était située place de la Concorde, et l'une des sorties derrière le Village suisse – ainsi appelé car c'était l'emplacement du pavillon de la Suisse, d'ailleurs resté en l'état pendant quelques années après l'Exposition. On pouvait donc parcourir 4,5 kilomètres, au plus direct, à l'intérieur de l'exposition, sur un seul site, en longeant la Seine sur ses deux rives. L'Exposition universelle de 1900 a été la plus grande de toutes les expositions parisiennes : elle s'étendait sur les deux rives de la Seine, les Invalides, la colline du Trocadéro et le bas des Champs-Élysées.

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