Intervention de Pierre-Alain Muet

Séance en hémicycle du 16 juillet 2012 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

En Allemagne, c'était beaucoup plus subtil qu'un transfert, même si, pour l'essentiel, il y a eu réduction du déficit.

En résumé, en supprimant 12 milliards de hausse de la TVA dite « sociale », on redonne tout simplement 12 milliards de pouvoir d'achat à tous nos concitoyens, et on contribue ainsi au retour de la croissance.

Le second article du projet supprime cette arme de destruction massive de l'emploi que constituent, dans une période de chômage, les subventions aux heures supplémentaires. Comme mon collègue Eckert, je souhaite que l'on traite l'ensemble de ces mesures en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires en même temps que l'exonération des cotisations dont elles bénéficiaient, car celle-ci ne se justifie pas davantage.

Dans la conjoncture actuelle, cette défiscalisation est absurde. En période de plein-emploi, par exemple dans les années cinquante, on pouvait, en cas de pénurie de travailleurs, subventionner les heures supplémentaires. Il n'y avait d'ailleurs pas besoin de les subventionner ; l'économie faisait des heures supplémentaires parce que cela correspondait à la situation de l'époque.

En revanche, dans une situation comme la nôtre, une situation de chômage massif et d'excédent des capacités de production par rapport à la demande, le seul effet d'une telle mesure, les économistes le savent, est un effet de substitution. Le nombre des heures supplémentaires augmente peut-être un peu, encore que mon collègue Gorges pense qu'il s'agit pour l'essentiel d'un effet d'aubaine, mais, surtout, cette mesure réduit l'embauche. Au total, le gain de pouvoir d'achat enregistré par ceux qui ont un emploi est exactement compensé par une perte de pouvoir d'achat pour ceux qui se retrouvent au chômage.

Je vous invite, mes chers collègues, à consulter les travaux, tout à fait remarquables, de l'OFCE. Ils montrent que cette mesure peut avoir des effets tout à fait différents selon que l'on se trouve en situation de plein-emploi ou dans la situation que nous connaissons actuellement de sous-emploi. En période de sous-emploi, l'exonération des heures supplémentaires est une mesure évidemment absurde d'un point de vue économique.

Au total, ces allègements détruisent l'emploi sans entraîner aucune augmentation du revenu des familles. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pendant cinq ans : pour la première fois dans l'histoire, au moins depuis la Seconde Guerre mondiale, le pouvoir d'achat des ménages n'a pas augmenté du tout. Comme la moyenne cache des disparités énormes, une bonne partie de nos concitoyens a donc perdu en pouvoir d'achat.

Je me demande d'ailleurs où a pu germer cette idée d'allègements sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires. Comme le rappelle le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, aucun pays n'a mis en oeuvre une mesure aussi massive. Certains ont supprimé les cotisations sur le supplément de salaire de l'heure supplémentaire, au motif de l'égalité en termes de droits sociaux entre une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Mais vous, vous avez créé, au contraire, une profonde inégalité entre l'heure de travail normale et l'heure supplémentaire. Or, les rares pays qui l'ont fait, pour une toute petite fraction de la rémunération des heures supplémentaires, ont supprimé ce dispositif du fait de la période de chômage actuelle, c'est le cas de l'Italie.

Ce projet de loi de finances rectificative corrige des pertes conjoncturelles de recettes par des mesures structurelles, qui ont de ce fait un impact durable : 7 milliards de réduction du déficit cette année mais 13 milliards l'an prochain. C'est très exactement le contraire de ce que vous avez fait en 2011 : je ne reviens pas sur la discussion que nous avons eue à l'occasion de la loi de règlement.

Le présent projet maintient et finance toutes les dépenses nouvelles par des redéploiements. S'agissant de l'éducation, je salue la création de 1 000 postes de professeurs des écoles, de 100 postes de conseillers principaux d'éducation et de 1 500 postes d'auxiliaires de vie scolaire individualisés. L'ensemble de ces recrutements est financé à hauteur de 48 millions d'euros par des redéploiements de crédits.

Bref, ce projet de loi de finances rectificative est juste, efficace et nécessaire. À l'inverse, d'une certaine façon, de ce que vous avez fait en 2007 avec la loi TEPA et avec le paquet fiscal, il réduit le déficit, il réintroduit de la justice fiscale, il favorise l'emploi et le revenu. C'est pourquoi le groupe socialiste le votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

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