Quant aux comptes bancaires joints ou séparés, Sophie Ponthieux s'y est intéressée de façon très approfondie. Ce qui compte, c'est la façon dont chacun contribue aux dépenses du ménage : des comptes séparés ne signifient pas qu'il n'y a pas de mise en commun – par exemple, il y a des cas dans lesquels chacun a un compte, mais celui qui a un compte mieux fourni acquitte 90 % des dépenses du ménage. Cela ne peut donc pas constituer une assise solide pour une politique fiscale.
À mon sens, c'est le logement – ou l'habitat au sens large, si vous voulez – qui peut le mieux montrer la mise en commun des ressources : c'est là qu'il y a des économies d'échelle, et c'est là aussi qu'il y a des engagements forts, avec une prise de risque commune sur le long terme etla construction d'un patrimoine. Si le mariage est aujourd'hui un tel noeud de crispation, c'est à cause de l'importance que lui donne notre système fiscal et social quand il paraît obsolète à beaucoup.
Sur la question du divorce, effectivement, on sait très peu de choses. Le règlement d'un divorce n'est pas vraiment un solde de tout compte : on ne prend pas en considération la carrière qui ne s'est pas déroulée ou la promotion qui n'a pas eu lieu. Ce qui se joue dans la division sexuée du travail au sein des couples mariés est complexe. Or nos institutions envoient aujourd'hui des signaux très flous en matière de prise de risque : les gens ne se rendent pas compte des risques que leurs choix leur font courir ; ils se sentent, et notamment les femmes, protégés par le système fiscal et social. Pour les couples mariés, cette protection est réelle : le divorce sera réglé par un juge, même s'il demeure une incertitude sur l'équité de ce règlement qui dépend de nombreux facteurs, en particulier des revenus de chacun. La mise en commun des ressources, c'est aussi le choix de l'un, c'est-à-dire le plus souvent de l'une, de s'occuper plus des enfants, de se consacrer plus au ménage, etc., mais c'est très difficile à mettre en évidence et à calculer.
Il ne s'agit évidemment pas d'être contre les enfants, le couple, la famille, mais de montrer les risques que prend chacun. La décision de s'arrêter de travailler a un coût élevé, et il serait peut-être bon que nos institutions envoient à ce sujet des signaux plus clairs.