Intervention de Philippe Folliot

Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises en centrafrique débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

L’engagement de l’armée française en République Centrafricaine aux côtés des forces africaines de la MISCA, conformément à la résolution 2121 du Conseil de sécurité des Nations unies, était une décision extrêmement lourde et grave. Il était impératif et urgent d’intervenir. C’était une obligation morale. C’était une nécessité humanitaire. C’était un choix qui a fait honneur à la France, parce qu’il était conforme aux valeurs universelles de notre pays. De cela, nous avions pleinement conscience et nous avons dit notre volonté de soutenir cette décision qui conduisait notre pays sur une route que nous savions longue et difficile.

Mes chers collègues, la République Centrafricaine est aujourd’hui plongée dans le plus sombre des chaos. En vérité, il n’y a plus d’État : les fonctionnaires ne sont plus payés depuis cinq mois, la justice ne fonctionne pas, les prisons sont fermées. La Centrafrique est un État failli qui ne parvient plus à assurer ses missions essentielles, n’exerce plus de contrôle sur des parties significatives de son territoire et connaît une crise humanitaire intense. Il y a près d’un million de personnes déplacées, dont plusieurs dizaines de milliers à Bangui, pour l’essentiel massées près de l’aéroport ; plus de 200 000 personnes ont quitté la Centrafrique pour trouver asile sur le sol des États voisins. Le long des routes cahoteuses du pays, villages désertés et maisons brûlées témoignent des atrocités récentes et de la crainte qu’elles suscitent. Sur les sites surpeuplés où se trouvent les personnes déplacées, les besoins en vivres et en médicaments sont criants.

C’est aujourd’hui la moitié de la population, soit deux millions et demi de personnes, qui a besoin d’une assistance humanitaire d’urgence. Et plus rien ne semble entraver une tornade effrayante de violences : pillages, agressions, viols et meurtres, dont les premières victimes sont les plus fragiles. C’est le règne des milices. Ce sont des massacres perpétrés avec l’aveuglement de la plus épouvantable sauvagerie, de la plus impitoyable envie de vengeance. C’est la loi du talion : les règlements de compte prennent aujourd’hui pour cible les citoyens de confession musulmane devenus des boucs émissaires, victimes expiatoires des actions de terreur menées par les ex-Seleka, de mars à décembre 2013.

À ce titre, l’action de l’archevêque de Bangui, de l’imam et du responsable des églises protestantes, que nous avons rencontrés la semaine dernière, et qui diffusent de concert un message de paix et mènent sur le terrain des missions de conciliation, mérite d’être soulignée. La vraie Centrafrique, qui a toujours vécu dans un multi-confessionnalisme tolérant, ce sont eux qui l’incarnent.

Nous voici donc plus que jamais face à notre devoir, face à cette vérité supérieure que révèle la difficulté, face à cette universalité au service de la vie, qui nous conduit à risquer d’autres vies. C’est là profondément la grandeur de la France que de faire du droit et de la force le rempart contre la barbarie, et c’est la grandeur de nos 2 000 soldats de l’opération Sangaris que d’incarner cette vocation universelle propre à la France. Encore une fois, je veux saluer fraternellement chacune et chacun d’entre eux, et saluer également la constitution du nouveau gouvernement de transition et la détermination de la présidente, Mme Catherine Samba-Panza.

Pour autant, est-il bien raisonnable d’évoquer la tenue d’élections en février 2015, alors qu’il n’existe aucune force politique nationalement structurée, aucun fichier électoral, ni même aucun recensement ? Les réalités sont là et l’excès de mots se heurte à l’insuffisance des moyens. Avant de songer à voter ou à reconstruire l’État, il faut rétablir l’ordre et la sécurité. Il faut bien admettre que l’ampleur de la situation sur place a été sous-estimée et que les forces militaires dépêchées sur place sont insuffisantes – 2 000 Français et 6 000 Africains de la MISCA, alors que les experts évaluent le besoin à plus de 30 000 soldats – pour stabiliser le pays. La tâche de nos soldats se révèle donc bien plus complexe que nous ne l’avions imaginée, la situation étant de plus en plus intenable. Nos soldats essayent, avec leurs moyens, d’apaiser un conflit aux multiples facettes, dans une situation très instable où le soutien d’aujourd’hui peut devenir l’adversaire de demain et vice-versa.

Il faut bien l’admettre, monsieur le Premier ministre, cette intervention s’inscrira dans la durée, contrairement à ce qu’avait solennellement promis le Président de la République aux Français en engageant les forces françaises en décembre dernier. Par méconnaissance, calcul ou inconstance, force est de constater qu’il s’est trompé – voire qu’il nous a trompés.

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