Intervention de Philippe Folliot

Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises en centrafrique débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Il faut à nouveau demander, monsieur le Premier ministre, la création d’un fonds européen de financement des opérations extérieures pour les pays qui n’engagent pas d’hommes : c’était l’une des suggestions faites par Jean-Louis Borloo en décembre dernier, et l’une des dix-huit propositions du programme de l’UDI pour la défense. Puisque cela est nécessaire, alors faites-le ; mais, au-delà du nécessaire, contribuez dès maintenant au souhaitable. La République Centrafricaine est aujourd’hui une zone grise, qui peut devenir demain un grand espace de promesses ; or cette promesse a besoin de lumière pour se révéler.

Il faut donc le dire clairement : nous sommes là-bas pour très longtemps, car on ne reconstruit pas un pays tant que les haines ne se sont pas apaisées ; on ne reconstruit pas un pays qui n’a pas reconstitué les principes et les moyens de son fonctionnement ; on ne reconstruit pas un pays tant qu’il n’a pas réussi à remettre sur pied un État, une administration et une armée ; on ne reconstruit pas un pays, qui ne dispose pas du préalable le plus élémentaire de son développement : l’énergie. Un des problèmes de la Centrafrique, en effet, tient à son très faible accès à l’énergie : seuls 3 % de la population y ont accès. La lumière manque au coeur de l’Afrique ; or, sans lumière, il n’y a pas de redressement économique possible.

Aussi longtemps que cela sera nécessaire, nous ne cesserons de le répéter : au-delà du Mali, au-delà de la Centrafrique, le Gouvernement doit proposer à l’Europe un grand plan de solidarité pour l’Afrique, au niveau économique, énergétique, agricole, éducatif, car rien ne sera durable sans une réelle politique pour l’Afrique. Ce gigantesque continent, notre voisin, qui comptera deux milliards d’habitants en 2050, mérite une stratégie globale, dépassant les plans d’aide que nous lui avons ponctuellement accordés jusque-là.

Nous le savons : l’Afrique est notre plus grand danger comme notre plus grande chance. Le danger est devant nos yeux lorsque nous combattons pour défendre les populations de la Centrafrique et pour éviter que ce pays ne reste une zone de non-droit. Mais nous devons également être conscients de la chance exceptionnelle que représente notre voisin africain : des forêts intactes, un formidable potentiel en matière d’énergies renouvelables et une population jeune.

Si la sécurisation de l’Europe passe par la sécurisation de l’Afrique tout entière, notre futur dépend également de son développement équilibré. Le développement durable de la Centrafrique est la condition sine qua non de son relèvement. Mais regardons plus loin : cela doit constituer le point de départ d’un plan global en faveur de l’Afrique.

Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, nous pensons que la France doit être le pays des réconciliations, pour elle-même d’abord, mais aussi pour les autres : telle est la vocation de la République, cette République laïque qui est parvenue à surmonter toutes ses tensions intimes par une volonté féroce de préserver à chaque individu sa liberté de conscience. C’est le miracle laïque, dont tant de pays aujourd’hui aux prises avec les fanatismes et les tensions interculturelles pourraient utilement s’inspirer.

Oui, la France doit être prête à servir la paix et la réconciliation au-delà de tout intérêt économique à courte vue : c’est la condition préalable à la réussite de tous les plus beaux projets avec l’Afrique, pas seulement économiques, mais avant tout humains. Nous devons faire de ce lien fraternel qui nous unit à ce merveilleux continent un fil d’Ariane tendu vers l’avenir. Nous n’y parviendrons pas seuls, et c’est en soi la force de ce message de réconciliation d’un peuple avec lui-même et des pays européens entre eux. Mesurez la force de l’exemple que nous pourrions ainsi donner au monde entier !

Le groupe UDI votera donc en faveur de la prolongation de l’opération Sangaris en Centrafrique, mais sous certaines conditions. Nous en appelons à votre sens des responsabilités, monsieur le Premier ministre : le Gouvernement doit dire très clairement que ce n’est pas à la France de porter seule le fardeau de l’impuissance internationale. Ce n’est pas à la France d’être en première ligne sur toutes les crises qui parcourent le continent africain. Certes, la France a une vocation universelle, mais elle est de moins en moins une puissance universelle. Si elle ne peut compenser l’impuissance internationale à elle seule, elle a toutefois vocation à susciter l’élan collectif des nations du monde. La grandeur d’un pays comme la France, c’est de savoir partager la prise de décision.

Le Gouvernement doit également dire très clairement aux Français que la reconstruction de la Centrafrique va durer de nombreuses années ; c’est pourquoi l’Europe doit véritablement s’engager et assumer sa responsabilité de protéger.

Par ailleurs, nous demandons officiellement et solennellement qu’une nouvelle résolution de l’ONU soit votée, permettant de déployer au plus vite des casques bleus dans le cadre d’une force conséquente de rétablissement de la paix en application du chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Le Gouvernement doit s’engager à organiser d’ici quelques mois un nouveau débat solennel au Parlement, éventuellement suivi d’un vote, afin de dresser un bilan de l’action sur le terrain et de la mobilisation africaine, européenne et internationale en Centrafrique.

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