Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 25 février 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises en centrafrique débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, je veux à mon tour saluer le travail remarquable de nos soldats en République Centrafricaine sous le commandement du général Soriano. Trois d’entre eux ont été tués ; à cet instant, j’ai, comme vous tous, une pensée pour eux et pour leur famille.

Chers collègues, il faut voter en faveur de la prolongation de l’opération Sangaris, d’abord parce qu’elle a évité des massacres, parce qu’elle en évitera d’autres et aussi parce qu’elle est le pilier d’une stratégie crédible.

À Bangui, où je me suis rendue la semaine dernière avec une délégation de députés des commissions des affaires étrangères et de la défense – nous étions neuf –, nos troupes ont déjà permis d’améliorer visiblement la sécurité, monsieur Chassaigne. Grâce à la présence de Sangaris, la capitale retrouve progressivement une activité normale : les commerces ont rouvert et la circulation reprend.

Ces premiers résultats doivent désormais être élargis à l’ensemble du pays. Avec la force africaine – la MISCA – forte de 6 000 hommes, les soldats français se déploient vers l’ouest du pays pour sécuriser la route reliant la Centrafrique au Cameroun, dont nous savons qu’elle est un axe majeur pour les approvisionnements, notamment en biens de première nécessité. Lorsque cette opération sera achevée, nos troupes et la MISCA se projetteront vers l’est de la Centrafrique.

Je veux rappeler que c’est à l’initiative du Président de la République que la France, mandatée par les Nations unies, a réagi avec rapidité et responsabilité pour éviter un risque de génocide et de chaos généralisé. Car si le chaos s’était installé en Centrafrique, ce pays aurait pu devenir un sanctuaire pour des groupes terroristes tels que Boko Haram, actifs dans les pays voisins.

Notre intervention était donc indispensable, mais il faut aujourd’hui la prolonger, non seulement pour étendre à l’ensemble du territoire les progrès réalisés à Bangui, mais également parce que la situation humanitaire est critique. La population réfugiée dans les camps, où l’hygiène laisse gravement à désirer, notamment à côté de l’aéroport, vit dans la crainte des milices. L’exode des populations musulmanes se poursuit. Le général Soriano, en lien avec les Nations Unies et les organisations non gouvernementales, dont je salue l’action, a pris l’initiative d’établir un camp qui offre chaque nuit une protection aux habitants du cinquième arrondissement de Bangui, qui est un quartier mixte peuplé de musulmans et de chrétiens. D’autres refuges de ce type seraient très utiles dans la capitale pour favoriser le retour des déplacés avant la saison des pluies.

Après la sécurité et l’humanitaire, le troisième défi est la reconstruction de l’État dans la capitale et en province. Les fonctionnaires, nous le savons, ne sont plus payés depuis cinq mois. La police et la justice doivent pouvoir punir les auteurs d’exactions et mettre fin au sentiment d’impunité. La prison de Bangui vient d’être réhabilitée, le tribunal fonctionne, mais cela doit aussi être le cas partout dans le pays. Il est crucial que les policiers et gendarmes centrafricains, qui oeuvrent déjà aux côtés de nos forces, disposent des moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission. À cet égard, le plus urgent, chers collègues, est d’accorder une aide financière, comme nous l’a demandé avec insistance la Présidente Catherine Samba-Panza. Le Premier ministre, M. André Nzapayéké, nous a également fait part du besoin d’une assistance technique dans tous les domaines, notamment pour restructurer le Trésor public.

Au-delà, quelles sont les perspectives ? Depuis le début, nous avons une stratégie : organiser le relais de Sangaris par une opération de maintien de la paix des Nations unies. Cette dernière permettra d’augmenter la présence militaire et, fait essentiel, déclenchera dans sa composante civile la mise en oeuvre d’importants moyens au service de la situation humanitaire, de la reconstruction de l’État, du désarmement et de l’organisation des élections prévues pour le début 2015.

À partir du 10 mars, je veux le rappeler, l’Europe va débuter le déploiement de près de 1 000 hommes – et non pas 500 – pour épauler nos 2 000 soldats et les 6 000 soldats de la MISCA. Contrairement à ce que certains prétendent, nous ne sommes pas seuls : depuis le début, nous avons avec nous les 6 000 soldats africains, qui sont trois fois plus nombreux que nous, et nous aurons bientôt l’appui de 1 000 soldats européens. Dire que nous sommes seuls, c’est nier l’action et l’utilité de la force africaine dont je rappelle que dix-neuf soldats ont déjà été tués en République Centrafricaine et dont personne ne parle ici en Europe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion