Intervention de Boinali Said

Réunion du 18 février 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoinali Said, rapporteur :

La France possède un réseau d'accords bilatéraux en matière de sécurité sociale parmi les plus étoffés au monde.

Cependant, il n'existe à ce jour aucun instrument juridique bilatéral avec le Brésil en matière de sécurité sociale. La situation des travailleurs au regard de la sécurité sociale en France, comme au Brésil, relève uniquement du droit interne de chaque Etat : les travailleurs doivent être nécessairement affiliés au régime de sécurité sociale du pays où ils exercent leur activité. De plus, l'absence de coordination entre les régimes des deux Etats ne permet pas la prise en compte des périodes d'assurance accomplies dans l'autre Etat ni le calcul de pensions coordonnées.

Cette situation, préjudiciable aussi bien aux salariés qu'aux entrepreneurs, fait figure d'anomalie au regard de l'intensité croissante des relations économiques entre nos deux pays.

L'excédent de nos échanges commerciaux avec le Brésil, de près de 1 milliard d'euros en 2013, en fait le neuvième partenaire de notre commerce extérieur dans le monde et le premier en Amérique latine. En 2013, les exportations françaises vers le Brésil ont connu une progression favorable, de près de 7 %, nettement supérieure à la performance enregistrée vers le reste du monde. La part de marché de la France progresse, pour s'établir à 2,7 %, ce qui en fait le 10ème fournisseur du Brésil, et le troisième au plan européen, après l'Allemagne et l'Italie. Lors de sa visite officielle à Brasilia, le 12 décembre 2013, le président de la République, François Hollande, et son homologue brésilienne Dilma Rousseff ont pris l'engagement commun de doubler les échanges commerciaux à l'horizon 2020.

La France se trouve aussi dans le peloton de tête des pays qui investissent le plus au Brésil (3,2 milliards d'euros en flux en 2010, soit plus que la Chine et la Russie cumulées), pour des investissements de conquête de marché (dans les services, avec Accor, ou la grande distribution, avec Casino). L'accord accompagnera la poursuite du développement des 500 entreprises françaises implantées au Brésil, que ce soit de grandes entreprises, comme Renault ou Saint Gobain, ou des PME. La mobilité du personnel qualifié pourrait être facilitée grâce à son maintien au régime de sécurité sociale français.

L'absence d'accord de sécurité sociale entre nos deux pays est d'autant plus surprenante que les principaux Etats d'Amérique latine disposent désormais d'une convention de sécurité sociale avec la France, je pense notamment à l'Argentine, ou au Chili. Cet accord viendra également compléter le réseau conventionnel avec les grands émergents, pays qui ont à la fois un important potentiel de développement et une population française expatriée non négligeable.

Initiée par la Partie brésilienne, qui souhaitait initialement conclure un accord avec la Guyane française, la négociation de l'accord en matière de sécurité sociale avec la France a débuté en en novembre 2010 pour aboutir à la signature de l'accord, le 15 décembre 2011 à Brasilia lors du déplacement du Premier ministre français au Brésil. Une troisième session de négociation, en août 2011, a permis d'entamer la négociation de l'Accord d'application qui a été signé le 22 avril 2013, à Paris.

Le Parlement brésilien a autorisé la ratification de l'accord le 17 janvier 2014. Il revient donc à la Partie française de le ratifier au plus vite.

Quel est, en quelques mots, le contenu de la convention ? L'accord ne déroge pas au canevas classique des accords de sécurité sociale existants.

Il obéit tout d'abord au principe fondamental d'égalité de traitement : toute personne qui a été soumise à la législation sociale française et qui vit au Brésil et toute personne qui a été soumise à la législation sociale brésilienne et qui vit en France bénéficie du même traitement que les ressortissants nationaux.

L'article 2 fixe la liste des risques couverts, à savoir maladie-maternité, vieillesse et accidents du travail, invalidité et décès, et l'article 3 précise que les ayants droits de l'assuré bénéficient également des stipulations de l'accord. En application de l'article 5, et comme toujours dans les accords de ce type, les personnes qui travaillent dans un Etat sont, en principe, soumises uniquement à la législation de cet Etat en ce qui concerne leur affiliation aux régimes sociaux qui sont obligatoires dans les deux Etats. Il existe néanmoins des dérogations :

– tout d'abord, les traditionnelles exceptions concernant le personnel roulant ou navigant d'une entreprise de transports nationaux, les gens de mer, et le personnel diplomatique et consulaire

– surtout, et c'est ce qui intéresse le plus les entreprises, les travailleurs salariés détachés demeurent placés sous les législations de leur pays d'origine, si la durée prévisible du détachement ne dépasse pas deux ans. Le salarié ne pourra en bénéficier à nouveau qu'après un délai minimum d'un an ou au titre d'une autre activité.

Enfin l'article 36 instaure une rétroactivité limitée. Si l'accord ne crée aucune ouverture de droit aux prestations pour toute période antérieure à son entrée en vigueur, les périodes cotisées antérieurement pourront être prises en compte pour déterminer les droits à prestation. Les salariés envoyés dans un des Etats contractants pourront être réputés détachés au sens de l'accord à la date d'entrée en vigueur de celui-ci.

Quels sont pour finir les effets attendus de cet accord ?

Cet accord devrait tout d'abord faciliter la mobilité géographique de nos compatriotes, en offrant une meilleure garantie de leurs droits sociaux à ceux qui font le choix d'une carrière professionnelle à l'étranger. Je rappelle que le Brésil compte près de 20 500 inscrits au registre des Français établis hors de France. La communauté brésilienne en France est estimée à 25 000 personnes.

Les avantages que les travailleurs français et brésiliens expatriés pourront tirer de cet accord sont nombreux. J'en citerai deux exemples. Tout d'abord, l'accord sécurise le détachement des salariés dans des entreprises françaises installées au Brésil. Sans l'accord franco brésilien, l'employeur devrait cotiser deux fois. Avec l'accord, les cotisations continueront à être payées en France, mais aucune cotisation ne sera versée au Brésil. De plus, si la famille accompagne le travailleur, les prestations familiales pourront être versées. Grâce à l'accord, les périodes d'assurance accomplies au Brésil seront comptabilisées dans l'ouverture des droits aux prestations d'assurance maladie. Enfin, sujet qui avait été discuté au moment de l'examen du projet de loi relatif aux retraites, les périodes d'assurance accomplies au Brésil seront prises en compte dans le calcul du montant des pensions.

Cet accord est aussi le gage d'une densification des relations économiques entre la France et le Brésil. Il devrait favoriser l'implantation des entreprises françaises sur place mais aussi renforcer l'attractivité du territoire français, en mettant fin à la double cotisation. Une vingtaine de groupes brésiliens sont déjà présents en France, où ils emploient plus de 1 300 salariés. Si les investissements directs génèrent des emplois dans les zones d'implantation des entreprises, ils s'accompagnent très souvent, au moins dans un premier temps, de l'arrivée de personnels issus de la maison-mère. C'est en particulier pour eux que l'accord bilatéral de sécurité sociale qui est l'objet du présent projet de loi sera précieux. Il constituera un atout de plus pour la France, alors que la concurrence internationale, et en particulier européenne, est forte pour attirer ces investissements.

En conclusion, tout en ne présentant pas de différence notable par rapport aux nombreux accords bilatéraux de sécurité sociale déjà en vigueur, l'accord entre la France et le Brésil est particulièrement utile, étant donné l'importance des liens commerciaux et d'investissements directs qui existent déjà entre les deux pays, et les perspectives de leur renforcement.

Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1503).

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