Intervention de Chantal Guittet

Réunion du 12 février 2014 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet, co-rapporteure :

Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont aidés dans cette mission. Nous arrivons à son terme après avoir auditionné une trentaine de personnes à Paris, universitaires, diplomates, défenseurs des droits de l'homme. Nous sommes aussi allés à Bruxelles, où nous avons notamment rencontré Hannes Swoboda, rapporteur au Parlement européen sur une recommandation sur le nouvel accord Union européenne-Russie ; nous avons été étonnés du manque d'enthousiasme de nos interlocuteurs bruxellois sur les perspectives de renouvellement du partenariat entre l'Union européenne et la Russie. Nous nous sommes enfin rendus à Moscou, où nous avons eu des entretiens avec des interlocuteurs parlementaires et gouvernementaux habituels, mais où nous avons aussi rencontré des représentants de Gazprom ou encore de la Commission économique eurasiatique.

Avant de passer aux relations euro-russes et franco-russes, je vais vous faire un point sur ce grand pays qu'est la fédération de Russie d'aujourd'hui, car c'est bien sûr de l'analyse que l'on peut faire de la situation d'un pays que l'on peut tirer des conclusions sur les relations que l'on a ou devrait avoir avec lui.

La Russie a joué un rôle important dans l'actualité internationale depuis six mois. En accueillant Edward Snowden, elle a pris une posture de défenseur des libertés publiques. Sa diplomatie a également joué un rôle majeur dans la crise syrienne en permettant de trouver une solution sur les armes chimiques. Elle a su tirer parti de ses atouts propres, mais aussi des faiblesses de ses partenaires. Il y a enfin les Jeux olympique, que Vladimir Poutine se doit de réussir. Un peu plus de vingt ans après l'effondrement de l'URSS, c'est une sorte de revanche pour la Russie, car cet effondrement a été vécu par de nombreux Russes, voire la majorité des Russes, comme « la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle », pour reprendre une formule de Vladimir Poutine.

La Russie actuelle doit encore beaucoup de sa puissance à son passé impérial puis soviétique. Même si ses frontières ont parfois été ramenées sur les lignes du XVIIème ou du XVIIIème siècles, elle reste le pays le plus vaste du monde, dont elle possède 11 % des terres émergées. Elle est également restée membre permanent du Conseil de sécurité et détentrice d'un armement nucléaire à parité avec celui des États-Unis. Elle est enfin assise sur des ressources naturelles exceptionnelles, qui en font certainement la première puissance énergétique au monde. Elle est en effet à la fois le second producteur mondial de pétrole, derrière l'Arabie Saoudite, et de gaz, derrière les États-Unis ; en 2012, 13 % du pétrole mondial et 18 % du gaz ont été extraits en Russie. La Russie vient en tête pour les réserves estimées de gaz.

L'économie russe s'est remise dans les années 2000 de l'effondrement des années 1990. Entre 2000 et 2008, le taux de croissance annuel moyen a été de 7 % et la Russie est aujourd'hui la 8ème économie du monde.

Cette croissance a profité au peuple russe, dont le niveau de vie s'est fortement élevé, même si l'indice de développement humain (IDH) a stagné, et conduit à un certain nombre d'indicateurs macro-économiques plutôt enviables : un chômage faible, à peine supérieur à 5 % ; un excédent commercial qui a encore représenté presque 10 % du PIB en 2012 ; un budget proche de l'équilibre et une dette publique faible, puisqu'elle est aussi de l'ordre de 10 % du PIB ; plus de 500 milliards de dollars en réserve de change, ce qui place la Russie au quatrième rang mondial.

Cependant, la situation semble aujourd'hui se dégrader un peu. La croissance, qui avait repris à un rythme de 4 % par an après la crise de 2009, est tombée en 2013 à 1,5 %. On note dans la période récente plusieurs signes inquiétants : cette croissance ralentie semble de plus en plus reposer sur l'expansion du crédit aux particuliers, qui a augmenté de 40 % durant la seule années 2012, et on sait que ce type de croissance ne peut pas durer très longtemps. On note d'ailleurs, outre le ralentissement de la croissance, une accélération de l'inflation et enfin, depuis mai dernier, une dépréciation du rouble, qui a perdu environ 15 % face à l'euro.

La croissance des années 2000 a été portée essentiellement par la production et l'exportation des hydrocarbures, qui apportent les deux tiers des recettes à l'export et près de la moitié des ressources du budget fédéral. Mais on constate que la croissance de cette production, qui était rapide au début des années 2000, s'est beaucoup ralentie. La Russie doit exploiter des gisements situés de plus en plus loin dans le grand nord sibérien, les coûts sont élevés, les infrastructures sont souvent défaillantes, les dégâts écologiques sont considérables.

Par ailleurs, on sait qu'il y a aujourd'hui de très grandes incertitudes sur l'évolution des marchés, du fait de l'exploitation du gaz de schiste et demain du pétrole de schiste. Vous avez vu il y a quelques jours l'étude du cabinet AlphaValue selon laquelle, d'ici trois ans, les cours du pétrole pourraient en conséquence être divisés par deux. Bien sûr ce n'est qu'une hypothèse, mais qui fait peser une sérieuse incertitude sur l'avenir de l'économie russe.

En effet, même si l'économie russe n'est pas une pure économie de rente pétrolière, sa capacité à réduire sa dépendance au cours des hydrocarbures fait question. La Russie n'est certes pas comparable à un pays comme l'Algérie. Elle a conservé un système éducatif très performant et a hérité de l'URSS quelques points forts dans des créneaux tels que l'espace, l'armement ou le nucléaire civil, où ses entreprises sont réellement compétitives, mais aussi tout un tissu industriel parfois complétement dépassé. Globalement la compétitivité de l'économie russe reste donc limitée. Elle obtient dans les classements internationaux des places assez médiocres, souvent derrière les autre BRICS et émergents. Elle arrive ainsi derrière les quatre autres BRICS dans le classement du Forum de Davos sur la compétitivité ou encore dans celui de l'ONG « Transparence internationale » sur la corruption, où elle occupe actuellement la 127ème place sur 177. La corruption, la relative faiblesse du taux d'investissement, alors que les besoins de modernisation sont énormes, ou encore la fragilité démographique constituent de réels problèmes structurels.

Dans ce contexte, il serait important de réformer. De fait, les pouvoirs publics annoncent régulièrement de grands plans de modernisation économique. Mais beaucoup d'économistes doutent de la réelle volonté du pouvoir de les mettre en oeuvre, car les objectifs plus politiques semblent primer, tels que le contrôle de l'État sur les secteurs stratégiques, à commencer par les hydrocarbures, le financement de l'effort militaire et celui de mesures de redistribution qui confortent l'assise électorale du pouvoir.

Le régime a en effet besoin de conforter son électorat car il est confronté à une contestation qui a pris un tour plus politique depuis les manifestations contre les fraudes lors des élections législatives et présidentielles de 2011 et 2012. Il faut cependant ajouter que de l'avis même d'opposants qui dénoncent ces fraudes, Vladimir Poutine et son parti Russie unie ont réellement gagné les élections, même si c'est peut-être avec une majorité plus restreinte. Par ailleurs, l'opposition est profondément divisée et ne représente pas, du moins pour le moment, une alternative crédible.

Plus généralement, nous présentons dans le rapport un certain nombre de sondages qui montrent bien que les Russes restent en majorité attachés à leur président et à un système assez autoritaire. Dans un choix entre le système soviétique, le régime actuel et la démocratie à l'occidentale, c'est même le premier qui reste préféré par les sondés, tandis que la démocratie vient en dernier… Mais bien sûr il s'agit de données globales et les opinions sont différentes dans les nouvelles classes moyennes des grandes villes, qui, en Russie comme ailleurs, se font de plus en plus entendre.

L'addition d'une société en évolution rapide et de risques économiques crée beaucoup d'incertitudes sur ce qui se passera dans les années qui viennent. Certains de nos interlocuteurs estiment que Vladimir Poutine restera au pouvoir jusqu'en 2024 au moins, après un quatrième mandat, mais d'autres pensent que l'intéressé lui-même n'est pas en mesure de dire, à ce jour, s'il sera politiquement en position de se présenter à nouveau aux élections présidentielles en 2018.

Ces interrogations sur l'avenir n'enlèvent rien à la solidité de la position du régime et de la Russie aujourd'hui. Le retour de la Russie sur la scène internationale est bien visible. Les experts que nous avons rencontrés ont généralement considéré que l'objectif principal de la politique étrangère russe était de retrouver le statut de puissance qui avait été momentanément perdu, ce statut étant peut-être plus important que la réalité de la puissance elle-même.

Ils ont aussi cité une préoccupation particulière vis-à-vis de l'extrémisme islamiste, auquel la Russie est confrontée aussi en interne, comme les attentats de Volgograd nous l'ont rappelé récemment. Ceci explique sans doute en grande partie la position russe sur la Syrie.

La Russie veut être un acteur incontournable du système international, un acteur sans lequel rien ne peut se faire. Selon certains, cela la conduit à être surtout une force de blocage, dans la mesure où la Russie n'a plus la capacité d'initiative et d'entraînement de l'URSS.

On peut pourtant observer que la diplomatie russe sait également être très habile et pragmatique. Un exemple flagrant en est fourni par l'initiative prise suite aux bombardements chimiques du 21 août 2013 en Syrie : les Russes ont su s'engouffrer instantanément dans la brèche ouverte par les hésitations des pays occidentaux quant aux frappes sur la Syrie. Leur initiative a débouché sur le seul résultat concret obtenu jusqu'à présent par la communauté internationale en Syrie, à savoir le lancement de son désarmement chimique.

Cette politique de puissance s'appuie sur un effort important de réarmement et a pour corollaire le souci de disposer d'une zone d'influence. En dix ans, de 2002 à 2012, le budget militaire russe a plus que doublé. Depuis cinq ans, il dépasse ceux de la Grande-Bretagne et de la France et est donc devenu le troisième du monde, derrière ceux des États-Unis et de la Chine.

Quant à la zone d'influence, les Russes s'efforcent de la consolider à l'intérieur de l'ex-URSS, avec plus ou moins de succès, comme le montre ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine. Dès la fin de l'URSS, certaines des anciennes républiques soviétiques ont cherché à reconstituer sous diverses formes des structures communes, avec des résultats limités. La dernière tentative d'intégration régionale en cours, l'Union eurasiatique, apparaît cependant plus poussée et donc plus sérieuse que les précédentes.

Ce qui est intéressant, c'est que cette Union eurasiatique est manifestement copiée de l'Union européenne : on y trouve, de la même façon, une commission, une cour de justice, et non seulement une union douanière, mais un « espace économique commun » inspiré de notre « marché unique », avec l'harmonisation d'un certain nombre de réglementations et l'affirmation de la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des travailleurs. En revanche l'Union eurasiatique se distingue de l'Union européenne par sa dimension purement économique et technocratique : il n'est pas question de parlement commun, ni de conditionnalité politique pour y adhérer. Par ailleurs, si le projet d'Union eurasiatique apparaît sérieux par le degré d'intégration économique qu'il comporte, il est handicapé par la petite taille relative de l'ensemble qu'il couvre : trois pays pour le moment, Russie, Belarus et Kazakhstan, et deux candidats déclarés, l'Arménie et le Kirghizstan. Le commerce avec les autres membres de l'Union représente moins de 13 % du commerce extérieur de ses membres, alors que c'est 60 % dans l'Union européenne et plus de 40 % dans le champ de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'intérêt économique de l'Union eurasiatique pour ses membres.

Au-delà de l'ex-URSS, la diplomatie russe a diversifié ses angles d'attaque, en prenant en compte le déplacement du centre de gravité du monde vers l'Asie-Pacifique. Elle utilise pleinement les armes que lui donnent sa puissance financière et énergétique, comme on le voit encore dans la crise ukrainienne où elle a pu offrir tout à la fois un crédit de 15 milliards de dollars, soit quand même l'équivalent de près du dixième du PIB ukrainien, et une baisse d'un tiers du prix du gaz. La Russie sait aussi valoriser son statut d'économie émergente. C'est ainsi à son initiative que l'acronyme BRICS, à l'origine sorti du cerveau d'un économiste de Goldman-Sachs pour désigner les grandes économies émergentes, a maintenant un contenu politique, avec des sommets annuels et des projets de banque commune d'investissement et de fonds de réserve monétaire commun.

Quelle place reste-t-il pour l'Europe dans tout cela ? Dans les années 1990, l'Occident, et en particulier les pays ouest-européens, étaient tout à la fois pour la Russie des bailleurs de fonds dont elle avait un besoin vital et des modèles politiques et économiques. Vingt après, les choses ont bien changé : Russie et Union européenne paraissent s'affronter, au moins verbalement, dans les pays dits de leur « voisinage commun », comme l'Ukraine. La Russie a su diversifier ses partenariats, notamment vers l'Asie, et c'est elle qui a les moyens de faire de gros chèques pour des raisons politiques, comme on le voit en Ukraine. L'Europe reste importante pour elle, mais est moins essentielle.

Que s'est-il passé ? Sans refaire tout l'historique des relations entre l'Union européenne et la Russie, on peut dire qu'un grand rendez-vous a été manqué. L'expression qui revient souvent est celle de « grand malentendu ». Ce malentendu porte d'abord sur la perception de la fin de l'empire soviétique. Ce qui a été vécu comme un événement miraculeux en Occident et dans les anciens pays du « bloc de l'est » a été vu comme une catastrophe par beaucoup de Russes. Ensuite, l'action de l'Occident et de l'Union européenne en particulier n'a pas été très adroite. Les réflexes de la Guerre froide ont longtemps perduré, avec le processus d'élargissement à marche forcée non seulement de l'Union européenne, mais aussi de l'OTAN. Quant à l'aide financière et technique à la Russie, sans être négligeable, elle n'a ni été à la hauteur d'un Plan Marshall, ni été toujours très habile ni bien gérée.

La Russie et l'Union européenne sont aujourd'hui liées par un accord de partenariat et de coopération qui remonte à 1994 et est en principe expiré depuis 2007, mais est tacitement reconduit depuis cinq ans faute de progrès dans la négociation pour son renouvellement. Depuis lors, quelques autres textes aux noms pompeux mais au contenu assez limité s'y sont ajoutés : « espaces communs de coopération », feuille de route, « partenariat pour la modernisation »… Cela permet tout au plus de maintenir les apparences de relations partenariales, avec par exemple la tenue régulière de sommets Union-Russie, le dernier remontant à fin janvier.

Les sujets litigieux qui expliquent le blocage actuel sont multiples.

D'abord, la Russie et l'Union européenne sont en désaccord sur le format même de leurs relations. L'Union veut un accord global de partenariat, qui couvre tous les sujets, même ceux qui fâchent. Les Russes préféreraient des accords sectoriels dans les domaines où ils ont des demandes précises, comme l'énergie et les visas. Le désaccord porte aussi sur les participants aux discussions : les Russes expliquent que la Russie en tant que telle ne peut plus négocier sur les questions commerciales du fait des compétences transférées à l'Union eurasiatique et veulent donc intégrer celle-ci à la négociation, ce qui est pour le moment refusé par l'Union européenne. Le désaccord, enfin et surtout, est très souvent entre les États membres de l'Union, dont certains restent très hostiles à la Russie. Pour cette raison, celle-ci continue à privilégier les relations bilatérales avec les différents États membres.

Passons maintenant aux différents thèmes litigieux. Dans le domaine énergétique, la Russie refuse l'application du « troisième paquet énergie » de l'Union européenne aux gazoducs de Gazprom et veut un régime dérogatoire, car cette réglementation oblige les producteurs qui détiennent des réseaux de transport, soit à les vendre, soit à offrir à des tiers la moitié de la capacité de transport. La situation est aujourd'hui tendue, car la Commission européenne a lancé une enquête pour abus de position dominante en Europe centrale à l'encontre de Gazprom. Le 3 octobre dernier, le commissaire à la concurrence Joaquín Almunia a déclaré que la Commission s'apprêtait à déposer des conclusions sévères, susceptibles de déboucher sur une grosse amende.

Dans le domaine commercial, la Russie a adhéré en 2012 à l'Organisation mondiale du commerce, mais ne joue pas toujours le jeu. Dans le domaine de l'automobile, par exemple, la Russie s'est engagée à diminuer ses droits à l'importation à l'occasion de son adhésion, mais a en même temps mis en place une taxe de recyclage pesant sur les seuls véhicules importés d'un montant au moins équivalent aux droits de douane supprimés. Ce litige semble maintenant réglé, mais il illustre assez bien le genre de difficultés que l'on rencontre.

Dans le domaine de la libre circulation des personnes, l'Union et la Russie sont engagées dans une longue négociation sur la suppression de l'obligation de visa pour les courts séjours. À l'initiative de la France, un processus d'étapes conjointes a été établi. Cette négociation n'avance guère, principalement en raison des positions divergentes des États-membres et parce que certains négociateurs européens considèrent qu'il ne faut pas donner satisfaction à la Russie sur cette question, où elle est demandeuse, sans contreparties dans d'autres champs de négociation.

Dans le domaine géopolitique, on voit bien que les pays dit du « voisinage commun » ou du « partenariat oriental » sont l'objet d'une véritable rivalité. La Russie voit le partenariat oriental de l'Union européenne comme un projet géopolitique tourné contre elle et visant à la marginaliser.

Il reste enfin les questions des valeurs, des droits de l'homme, de la démocratie. La Russie a accepté de prendre des engagements dans ce domaine, ce qui n'est pas le cas d'autres grands partenaires comme la Chine. Nous devons nous en souvenir et soutenir les Russes dans le respect de leurs engagements, plutôt que de leur reprocher constamment leurs manquements. Nous devons être conscients que le climat de critiques contre la Russie, même quand elles sont justifiées ce qui est souvent le cas, dégrade constamment l'image de la Russie dans les opinions publiques occidentales et entretient en Russie les réflexes nationalistes.

Cela dit, nous pourrions nous dire : à quoi bon un partenariat avec la Russie ? Pourquoi plaider pour ? Notre rapport plaide pour ce partenariat car nous sommes convaincus que l'Union européenne et la Russie ont à long terme des intérêts communs et des complémentarités indéniables.

Il faut d'abord rappeler toute l'histoire commune et la proximité culturelle que nous avons avec la Russie.

La complémentarité existe aussi d'ores et déjà dans le domaine énergétique : quand un tiers des hydrocarbures importés dans l'Union viennent de Russie et que réciproquement cela représente deux tiers des exportations russes d'hydrocarbures, c'est une véritable interdépendance qui s'est établie, concrétisée par tout le réseau de gazoducs et d'oléoducs construit ou en construction. Bien sûr l'Union cherche à réduire sa dépendance énergétique à travers la transition énergétique et la Russie a engagé une politique délibérée de diversification de ses clients vers l'Asie. Il n'empêche que l'interdépendance énergétique UE-Russie n'est pas prête de disparaître.

La complémentarité est nette dans bien d'autres domaines : la Russie a non seulement les ressources naturelles, mais aussi l'espace et, aujourd'hui, des moyens financiers considérables avec des finances publiques en très bon état ; par contre, elle a un besoin criant de modernisation. Nous, Européens, avons nos problèmes économiques, nos finances publiques qui ne sont pas en très bon état, mais aussi des entreprises mondialement compétitives qui peuvent répondre au besoin de modernisation de la Russie. La Russie fait la moitié de son commerce extérieur avec l'Union européenne, c'est important.

Quant aux intérêts à long terme, la Russie et l'Union européenne ont en commun d'être riveraines de la zone du monde qui reste la plus chargée de crises et de menaces – conflits insolubles, surarmement, risques de prolifération chimique et nucléaire, régimes tyranniques et révolutions, extrémisme religieux, terrorisme –, le Moyen-Orient. Cela leur donne une responsabilité commune. Elles ont toutes les deux à se positionner face à la montée des risques.

La Russie n'a pas à choisir entre l'Europe et l'Asie, mais agira sur l'une et l'autre pour améliorer sa position. La Russie est un partenaire incontournable et nous devons trouver les moyens d'établir entre l'Union européenne et l'Union eurasiatique un partenariat équilibré.

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