La présente communication vise à répondre, au nom de notre Commission, à la consultation ouverte par la Commission européenne sur la sécurité des patients et la qualité des soins.
Sur ce sujet majeur, qui concerne tous les citoyens européens, il m'a en effet semblé important que nous nous prononcions le plus en amont possible d'une éventuelle évolution au niveau de l'Union européenne.
La recommandation du Conseil de 2009 invite les États membres à ériger la sécurité des patients en enjeu prioritaire de leurs politiques de santé
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies estime que les infections associées aux soins affectent en moyenne un patient hospitalisé sur vingt dans l'Union européenne, c'est-à-dire 4,1 millions de patients par an. Elles provoquent chaque année 37 000 décès.
Face à ce constat, le Conseil a adopté, en 2009, une recommandation relative à la sécurité des soins. Celle-ci comprend deux volets, le premier relatif à la sécurité des soins de manière générale, le second portant sur la lutte contre les infections nosocomiales en particulier.
S'agissant de la sécurité des soins, la recommandation préconise particulièrement : la mise en place de politiques et de programmes nationaux dédiés à la sécurité des patients ; l'information des patients, en les associant à ces programmes et en s'assurant de leur bonne information sur les risques associés aux soins et sur les voies de recours, ainsi qu'en garantissant leur consentement éclairé ; la mise en place de systèmes de déclaration des événements indésirables volontaires et sans caractère punitif permettant d'analyser ceux-ci et d'en tirer des enseignements ; la formation initiale et continue des professionnels de santé en matière de sécurité des soins ; l'élaboration de définitions communes et d'indicateurs comparables dans toute l'Union européenne ; le partage des « bonnes pratiques » entre États membres ; la promotion de la recherche dans le domaine de la sécurité des patients.
Dans la même logique, la recommandation fixe des objectifs spécifiques pour la prévention des infections liées aux soins.
L'avantage de cette recommandation est son universalité. En effet, elle suggère des pistes d'évolution difficilement contestables et applicables dans tous les États membres, indépendamment de la manière dont sont organisés leurs systèmes de santé.
Dans un rapport évaluant la mise en oeuvre de la recommandation par les États membres, la France apparaît comme l'un des pays ayant le mieux appliqué les actions recommandées par le Conseil : sur treize actions possibles, la France, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Irlande et la République Tchèque en ont entrepris entre dix et douze ; la majorité des pays en ont entrepris entre six et neuf. Certains pays sont en revanche très en retard sur la mise en oeuvre des mesures prônées par le Conseil.
La prise en compte de la sécurité des patients n'est pas une nouveauté en France.
Les crises sanitaires des années 1980 et 1990, en premier lieu le scandale du sang contaminé, ont permis l'émergence progressive du thème de la sécurité des patients dans notre pays, qui est devenu un axe fondamental des politiques de santé publique. Cette priorité s'est notamment traduite par la mise en place d'agences dédiées à cette question comme l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou la Haute autorité de santé.
La question de la sécurité des soins en tant que telle a ensuite été consacrée par la loi de 2004 sur la santé publique, qui la distingue clairement de la sécurité sanitaire.
La lutte contre les infections nosocomiales a quant à elle fait l'objet de plans d'actions nationaux spécifiques depuis 1995.
Enfin, d'autres aspects de la politique de santé publique contribuent plus indirectement à la sécurité des soins. Depuis 1996, les hôpitaux publics et privés sont soumis à une procédure d'accréditation nationale qui évalue notamment la gestion des risques et la qualité de la prise en charge des patients.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré le droit des patients à recevoir une information transparente sur les risques associés aux soins qui leur sont proposés. Une accréditation volontaire des médecins exerçant des spécialités « à risque » est effectuée par la Haute autorité de santé. Le « développement professionnel continu », fusion de l'évaluation des pratiques professionnelles et de la formation médicale continue, est désormais obligatoire chaque année pour tous les professionnels de santé.
La France n'était donc pas en retard sur la question de la sécurité des soins, mais les mesures relatives à ce sujet restaient éparpillées.
En conséquence, un programme national pour la sécurité des patients a été annoncé par la ministre des affaires sociales et de la santé, le 14 février 2013. Ce programme est transversal : il couvre tous les aspects de la sécurité des soins et s'adresse à tous les professionnels de santé. Très ambitieux, il prévoit la mise en oeuvre de 90 actions sur cinq ans et s'articule autour de quatre axes : le renforcement de l'information du patient et du « partenariat soignant-soigné » afin de permettre au patient d'être acteur de sa sécurité ; la mise en place d'une déclaration des évènements indésirables associés aux soins dans une logique d'apprentissage et d'amélioration des pratiques ; l'amélioration de la « culture de sécurité » chez les professionnels de santé, avec notamment l'introduction de la formation à la sécurité des soins dans le cursus d'études ; le développement de la recherche sur la sécurité des soins.
L'objectif de la consultation ouverte par la Commission européenne est de recueillir l'opinion des participants sur la manière dont les mesures relatives à la sécurité des patients énoncées dans la recommandation de 2009 ont été mises en oeuvre, les domaines qui ne sont pas couverts par la recommandation de 2009 et devraient l'être, les actions en matière de sécurité des patients qui seraient susceptibles d'être conduites au niveau de l'Union européenne, au-delà de la recommandation, et la prise en compte de la question de la qualité des soins dans les activités futures de l'Union européenne.
Pour y répondre, il convient de souligner que le Programme national sur la sécurité des patients présenté par la ministre de la santé s'inscrit directement dans le sens de la recommandation du Conseil de 2009, et va même au-delà de celle-ci.
Par ailleurs, j'estime que la recommandation de 2009 est actuellement satisfaisante et qu'il convient avant tout d'approfondir sa mise en oeuvre dans tous les pays de l'Union européenne avant d'édicter de nouvelles recommandations. En effet, si certains États membres – Allemagne, Royaume-Uni, France, Danemark – jouent un rôle moteur en matière de sécurité des soins, les pratiques des autres pays de l'Union européenne dans ce domaine restent peu visibles.
Il est également primordial d'harmoniser au niveau européen les définitions utilisées ainsi que les méthodes de construction de certains indicateurs, comme le prévoit la recommandation de 2009.
En ce qui concerne la qualité des soins, il convient de rappeler qu'il est difficile de formuler des recommandations universelles, les voies d'amélioration étant directement liées à l'organisation de l'offre de soins au niveau national ou local. Il est cependant souhaitable de chercher à définir la qualité des soins au niveau de l'Union européenne et de réfléchir à ses pistes d'amélioration, grâce à un partage des bonnes pratiques, sur le modèle de ce qui a été mis en oeuvre pour la sécurité des soins.
Parallèlement, dans le domaine de la sécurité des soins, l'accent pourrait utilement être mis sur la médecine de ville et sur le secteur médico-social, en particulier en ce qui concerne les soins des personnes âgées, qui constituent une population particulièrement fragile. La recommandation de 2009 ne concerne pas spécifiquement l'hôpital, mais les travaux menés au niveau de l'Union européenne se concentrent quasiment exclusivement sur cette problématique.
Enfin, la recherche sur la sécurité des patients et la qualité des soins devrait être mieux financée et surtout mieux coordonnée au niveau de l'Union européenne, en particulier au moyen d'une meilleure communication sur les programmes de recherche existants. C'est dans ce sens que s'inscrivent les conclusions que je vous propose.