Intervention de Jean-René Marsac

Réunion du 26 février 2014 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Marsac, rapporteur pour avis :

Pour la première fois, le Parlement examine un projet de loi spécifiquement dédié à l'économie sociale et solidaire (ESS) qui regroupe coopératives, mutuelles, fondations et autres entreprises à finalité sociale. L'ESS constitue dans notre pays un secteur important, dynamique et de mieux en mieux identifié : important car il représente environ 10 % de l'emploi total et 8 % du PIB ; dynamique car pendant la dernière décennie il a connu une évolution de l'emploi plus favorable que le reste de l'économie ; de mieux en mieux identifié car il s'est doté au fil du temps de définitions de plus en plus précises et d'instances de représentation aux niveaux régional et national. Or le texte trace les lignes d'une politique publique destinée à consolider le développement du secteur.

J'ai proposé à notre commission de se saisir pour avis de ce texte parce que les dimensions internationale et européenne de l'ESS méritent d'y apparaître. En effet, d'une part, les ONG sont une composante importante de l'ESS et tout le monde s'accorde pour reconnaître que les coopératives, mutuelles, associations, fondations et autres entreprises sociales sont des structures très efficaces pour le développement des pays pauvres. Il est donc important que l'économie solidaire intègre de manière explicite les acteurs de la solidarité internationale.

D'autre part, l'ESS est de plus en plus confrontée à l'application du droit européen ; elle doit donc se structurer à cette échelle. La France, riche d'une longue histoire en matière d'économie sociale – née au XIXe siècle – doit faire mieux apparaître ses particularités et ses propositions dans la définition des entreprises sociales et de l'innovation sociale. Je propose donc par quelques amendements de renforcer les liens entre les structures organisées aux niveaux français et européen.

En ce qui concerne le développement et la solidarité internationale, nous avions déjà, dans cette commission, affirmé le rôle de l'ESS dans les politiques de développement à l'occasion de l'examen du projet de loi présenté par Pascal Canfin. Je vous propose de poursuivre cette démarche en prenant en compte les actions de développement réalisées par les acteurs de l'ESS.

Le Sénat a introduit un article 50 bis qui traite du commerce équitable, lequel connaît un développement rapide, non seulement pour ce qui est des produits alimentaires, mais aussi dans des branches telles que le textile. Son chiffre d'affaires en France est évalué à plus de 400 millions d'euros et sa croissance estimée à plus de 10 % en 2012.

Un plan d'action national en faveur du commerce équitable a été présenté en avril 2013. Il est placé sous la double responsabilité du ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, et du ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, Benoît Hamon. Il est donc nécessaire qu'un projet de loi dédié à l'ESS traite du commerce équitable. Afin qu'il corresponde mieux aux définitions internationales et à l'évolution du droit européen, je vous proposerai une nouvelle rédaction de l'article 50 bis.

En outre, afin d'aller plus loin dans l'exploration de voies nouvelles en matière de coopération Nord-Sud et de co-développement, je vous propose d'introduire une dimension internationale dans les objectifs poursuivis par les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) que le texte renforce. Les SCIC regroupent des personnes physiques, des personnes morales privées, des entreprises mais aussi des collectivités territoriales. Il s'agit là de groupes réunissant les parties prenantes des coopérations décentralisées que nous devons encourager.

De son côté, l'Union européenne met en oeuvre des politiques de soutien au développement de l'économie sociale et des entreprises sociales, il est donc nécessaire de travailler à une meilleure articulation des politiques conduites par les uns et les autres.

L'« économie sociale » – termes retenus sur le plan européen plutôt que ceux de « sociale et solidaire » – est inégalement présente parmi les États membres de l'Union européenne, mais elle compte de manière significative dans un bon nombre d'entre eux. Un rapport du comité économique et social européen met en lumière la diversité des formes que prend l'économie sociale dans les différents pays, ainsi que le degré très variable de reconnaissance dont elle bénéficie.

C'est aussi en Europe et entre les États membres, un problème de définition. Plusieurs grandes approches coexistent qui créent des clivages selon que l'on prend en compte principalement, voire exclusivement, les finalités sociales des entreprises pour intervenir en faveur de populations fragiles, ou bien l'absence de but lucratif, ou encore le mode de gouvernance des structures – gestion démocratique, indépendance, liberté d'adhésion...

La Commission européenne a choisi pour sa part de s'intéresser de plus en plus à la notion d'« entreprise sociale » en présentant en 2011 une « Initiative pour l'entreprenariat social ». Dans sa définition de l'entreprise sociale, la Commission se concentre essentiellement sur la finalité sociale de l'entreprise – substitut, souvent, à l'affaiblissement de l'État providence et des protections collectives. De plus en plus, l'entreprise sociale est chargée des objectifs d'accès des populations fragilisées à des droits ou des secours.

Cette présentation de l'économie sociale tend à occulter certains critères qui nous semblent, à nous Français, essentiels, à savoir la dimension collective du projet et de la propriété de l'entreprise, et en conséquence l'usage des résultats non partageables, ainsi que la gouvernance démocratique selon le principe « une personne-une voix », quel que soit l'apport au capital des uns et des autres. Il convient de nous montrer vigilants et actifs au niveau européen pour faire valoir nos conceptions.

Le texte proposé par Benoît Hamon trouve un équilibre entre ces objectifs et la volonté de soutenir des initiatives nouvelles, sous des formes entrepreunariales nouvelles ; nous devons nous donner les moyens de promouvoir cet équilibre sur le plan européen. Je vous propose donc de mieux intégrer la dimension européenne de l'ESS dans les missions et le fonctionnement du conseil supérieur de l'ESS mais aussi des chambres régionales de l'ESS.

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