Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 26 février 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Bussereau :

Je suis très favorable à ce projet de loi que nous attendons depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs ayant beaucoup trop tardé à l'élaborer en raison des résistances des ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice. Ainsi Jean-Marc Ayrault avait-il promis ce texte aux armateurs français dès son arrivée à l'Hôtel Matignon, mais il aura fallu deux ans et nombre de protestations du monde maritime français pour que nous en soyons enfin saisis. Nous avons failli perdre de nombreuses vies humaines !

Après l'adoption de ce projet, la commission des Lois devra veiller à ce que ses décrets d'application soient publiés rapidement car la capacité de résistance des ministères régaliens que je mentionnais risque fort de s'exercer à nouveau. Et certaines dispositions rappelées par notre rapporteure m'inquiètent beaucoup à cet égard : n'est-il pas absurde en particulier de définir par décret des zones de piraterie ? Cancer du monde maritime de la fin du xxe siècle et du début du xxie siècle, la piraterie, que l'on ne s'attendait pas à voir réapparaître sous cette nouvelle forme dans nos économies modernes, représente un grand danger pour les équipages ainsi que pour le trafic maritime – qui assure 95 % du transport mondial de marchandises.

Les choses ont certes beaucoup évolué, l'engagement des marines des pays d'Asie du Sud-Est, des Américains, des Britanniques, des Russes et des Japonais ayant permis de juguler la piraterie dans la zone du détroit de Malacca – première grande zone de piraterie pour les navires en provenance de Singapour. Les côtes de l'Afrique de l'Est, au débouché du canal de Suez, ayant ensuite été touchées, l'Europe y est intervenue dans le cadre de l'opération Atalante, à laquelle la France a participé. Des marines très lointaines – chinoise et japonaise notamment – se sont d'ailleurs également engagées dans cette zone, signe d'une véritable coopération mondiale en la matière.

Le problème est en revanche beaucoup plus complexe dans le golfe de Guinée : extraordinairement dangereuse, la zone située à proximité de la Guinée, du Togo, du Sénégal et du Nigéria ne fait pour l'instant l'objet d'aucune intervention de l'Union européenne. Si des frégates françaises s'y montrent de temps en temps, ce n'est que pour peu de temps et avec peu d'effets, compte tenu des moyens de notre défense nationale. Heureusement, différents pays africains achètent actuellement des patrouilleurs et des vedettes rapides d'intervention. Mais, au large du port de Lomé, les navires se groupent en demi-cercle pour se protéger, telles les caravanes des films de cow-boys de notre enfance. Or on compte de nombreux pétroliers dans cette zone, c'est-à-dire des navires aux bords très bas et donc vulnérables, et les attaques, extrêmement violentes, sont encore plus dangereuses qu'ailleurs, l'objectif des assaillants n'étant pas tant de réclamer des rançons que de « se servir sur la bête », sans hésiter à tuer.

Notre pays n'ayant pas les moyens de mettre à disposition des fusiliers marins ni des agents du GIGN sur tous les navires, ni d'organiser des convois dans toutes les zones, nous avons donc besoin de recourir à des forces de sécurité autres. Cela étant dit, telles que vous les avez décrites, madame la rapporteure, je trouve bien compliquées les relations prévues entre le capitaine du navire et l'équipe de sécurité… Mais il y a fort à parier que les choses suivent un tout autre cours en cas d'attaque : chacun défendra sa peau – et le navire – et le capitaine, probablement amené à se confiner avec l'équipage, dans la partie sécurisée du navire, ne sera pas forcément au contact de l'équipe de protection.

Quoi qu'il en soit, je souhaite que ce projet de loi, puis ses textes d'application soient adoptés le plus vite possible.

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