Non, le point de départ, chez eux, comme chez nous, c'est la connexion au réseau. Il y a bien quarante ans entre la date de connexion au réseau et la date de fin de licence – pour les États-Unis, car, en France, il n'y a pas de licence de quarante ans puisque le principe est d'améliorer le niveau de sûreté tous les dix ans. Nous disposons de toutes les données sur la situation américaine et nous pouvons, si vous le souhaitez, vous les faire parvenir.
La centrale de Beaver Valley, par exemple, qui a servi de référence pour notre palier de 900 mégawatts (MW), a obtenu l'équivalent d'une prolongation jusqu'à soixante ans. La centrale de South Texas, plus récente, qui nous a servi de référence pour le palier de 1 300 MW, est en passe d'obtenir une même prolongation. Plus généralement, la Nuclear Regulatory Commission (NRC) a déjà accordé une prolongation d'activité au-delà de quarante ans et jusqu'à soixante ans pour 74 des 100 réacteurs américains, et, à la fin de 2012, toujours aux États-Unis, 21 réacteurs ont déjà dépassé une durée de fonctionnement de quarante ans.
Outre la question de la sûreté, la possibilité d'aller au-delà de quarante ans d'exploitation repose sur deux éléments essentiels. Il faut, tout d'abord, que tous les composants de nos centrales puissent fonctionner en toute sûreté au-delà de cette durée. Dans une centrale nucléaire, tous les composants sont remplaçables, à l'exception de la cuve et de l'enceinte de confinement. Les composants remplaçables font l'objet soit de rénovation soit de remplacement. Cela correspond au cycle normal de vie des matériels concernés. Ainsi, les générateurs de vapeur, les alternateurs, les transformateurs ont souvent des durées de vie technique comprises entre vingt-cinq et trente-cinq ans, en France comme ailleurs. Ces composants nécessitent soit de grosses opérations de rénovation – comme les rebobinages d'alternateurs –, soit des opérations de remplacement – pour une large partie, par exemple, des générateurs de vapeur. Ces investissements sont donc souvent nécessaires au bout d'environ trente ans et, une fois réalisés, ils permettent aux composants de fonctionner techniquement pendant trente nouvelles années. La cuve et l'enceinte de confinement font pour leur part l'objet de programmes de surveillance, de recherche, de maintenance particulièrement élaborés. Ces programmes nous conduisent à estimer que la plupart de nos réacteurs peuvent fonctionner jusqu'à soixante ans au moins.
Sur le plan purement technique, la capacité de nos cuves à résister aux accidents graves est nettement meilleure que celle des cuves américaines, tout simplement parce que les nôtres ont été fabriquées grâce au tissu industriel français très développé des années 1980, créé grâce à l'effet palier que nous avons collectivement constitué. On constate bien le paradoxe technique, injuste pour la réputation de notre industrie, selon lequel l'exploitation des cuves américaines est prolongée alors qu'elle ne pourrait excéder quarante ans chez nous. Ce paradoxe ne manquera pas d'être exploité demain par les concurrents d'AREVA pour le nucléaire neuf.