En effet.
L'ASN n'a pas identifié d'éléments mettant en cause la capacité d'EDF à maîtriser la sûreté des réacteurs de 900 MW jusqu'à quarante ans. Cet avis générique est important, même si les autorisations doivent être obtenues réacteur par réacteur.
L'extension de la durée de fonctionnement au-delà de quarante ans a déjà fait l'objet d'échanges nourris avec l'ASN. Pour franchir ce seuil, l'ASN a demandé à EDF que la réévaluation de sûreté à l'étape de quarante ans soit faite au regard des objectifs de sûreté définis pour les nouveaux réacteurs. Cet objectif ambitieux n'a pas d'équivalent dans le monde et nous le comprenons dans la mesure où le franchissement du seuil technique des quarante ans sera concomitant avec la présence de réacteurs de troisième génération dont la conception répond à des exigences de sûreté renforcées en France et dans le monde. Ces exigences visent à limiter pour les populations, dans l'espace et dans le temps, les conséquences d'un accident grave, avec fusion du coeur.
Nous y avons travaillé dès les années 2010 et, à la suite des travaux du groupe permanent d'experts réuni en janvier 2012, l'ASN a confirmé, dans sa lettre du 28 juin 2013, que la méthodologie que nous proposions était globalement satisfaisante. Ce courrier définit les attentes de l'ASN quant au référentiel de sûreté pour préparer les quatrièmes visites décennales des centrales de 900 MW, attentes qui correspondent au programme de travail sur la durée de fonctionnement réalisé par EDF. Dans un courrier que j'ai signé la semaine dernière, pour répondre aux demandes de compléments de l'ASN, nous formulons des propositions concrètes pour l'amélioration de la sûreté de l'entreposage des combustibles usés.
Ces discussions avec l'ASN vont se poursuivre en 2014. Elles sont habituelles pour chaque examen de sûreté et portent sur l'ensemble du palier de 900 MW. Elles n'enlèvent rien au fait que, in fine, l'ASN se prononcera réacteur par réacteur pour une période de dix ans après chaque visite décennale. Il faut prendre garde, dans une telle discussion, de mélanger les objectifs de sûreté – dont la définition incombe à l'ASN, sous votre contrôle – et les moyens de les atteindre, dont la responsabilité incombe à l'exploitant, avec l'aide du tissu industriel. EDF a ainsi engagé un programme de travaux à la fois pour maintenir son parc en bon état de fonctionnement et améliorer la sûreté, et dans la perspective de rendre possible une prolongation de l'exploitation au-delà de quarante ans.
Ces investissements destinés à conserver la compétitivité du parc nucléaire existant pour la durée de la prolongation représentent un coût significatif pour EDF : de l'ordre de 55 milliards d'euros d'ici à 2025. Les travaux menés par la Cour des comptes en la matière en 2012 ont évalué à 54 euros 2010 par MWh le coût complet économique de production du parc nucléaire existant pour la période 2011-2025 – investissement initial, combustible, exploitation, déconstruction, mais en intégrant déjà cette charge de rénovation et d'amélioration continue de la sûreté. Nous travaillons avec la Cour pour lui permettre d'actualiser ses chiffres dans le cadre de l'enquête que votre commission lui a confiée. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que nos estimations sur les coûts d'investissements ont peu changé depuis le rapport de janvier 2012, car nous avons mis en place un dispositif de maîtrise de ces projets permettant d'en sécuriser la réalisation et d'en limiter la charge industrielle et financière.
Nous parvenons ainsi à un chiffre d'environ 55 euros par MWh, à comparer au coût des solutions alternatives : le coût de développement des moyens thermiques classiques est de l'ordre de 70 à 100 euros par MWh ; le tarif actuel de rachat des moyens ENR (énergies renouvelables) est de 85 à 300 euros par MWh, sans intégrer les surcoûts de renforcement du réseau, en particulier de distribution et de back up que ces énergies nécessitent du fait de la variabilité de leur production.
Du point de vue économique, le parc nucléaire existant constitue donc la source de production d'électricité la plus compétitive et la plus décarbonée, au moins pour la décennie à venir. Bien entendu, cela ne préempte en rien les choix de politique énergétique qui pourront être faits. Le parc existant nous donne en effet du temps pour préparer le mix électrique de demain avec des filières éprouvées sur le plan économique et industriel.
Enfin, ces investissements constituent également, surtout en cette période de crise économique, une véritable opportunité pour notre industrie, en particulier pour la filière nucléaire française. Le comité stratégique de la filière nucléaire française, présidé par M. Montebourg, a évalué à 110 000 le nombre d'embauches à réaliser d'ici à 2020 dans la filière du nucléaire, pour le parc existant et le nouveau nucléaire. Il s'agit d'emplois hautement qualifiés dans la métallurgie, la mécanique, l'électronique. Ces embauches sont pour partie le renouvellement d'emplois existants et pour partie des créations nettes d'emplois. Ils sont largement répartis sur le territoire. Une partie d'entre eux sont locaux, au plus près des centrales, donc dans des territoires souvent déshérités sur le plan économique et industriel.
Notre projet industriel est de maintenir et d'exploiter le parc nucléaire existant qui procure une électricité sûre, compétitive et décarbonée. Il suppose la réalisation d'investissements à la fois de maintenance lourde et d'amélioration de la sûreté qui n'ont de sens que dans une perspective de prolongation du parc, compte tenu de l'ampleur et du calendrier de ces investissements. Une certaine visibilité est donc nécessaire dans la perspective de prolonger l'exploitation des réacteurs, même si les autorisations ne sont octroyées in fine que tranche par tranche tous les dix ans. Ce projet ne préempte aucun choix politique de long terme, notamment en matière d'énergies renouvelables et de maîtrise de la demande d'électricité, qui sont désormais une priorité stratégique du groupe EDF : le résultat pour 2013 montre une croissance de 23 % de la production d'ENR et, pour la quatrième année consécutive, un volume d'investissements de développement plus élevé pour les ENR que pour l'énergie nucléaire.
Aussi, pour nous, la prolongation du parc nucléaire existant n'est-elle pas contradictoire mais complémentaire avec la diversification des moyens de production d'énergie. Je vous rappelle que, en matière de puissance électrique installée en France, le parc nucléaire représente 63 % de la puissance EDF et 49 % de l'ensemble des moyens électriques installés.