Intervention de Gwenaëlle Huet

Réunion du 30 janvier 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Gwenaëlle Huet, directrice des affaires européennes de GDF Suez :

Nous avons traversé une crise très sévère qui a détruit la valeur des actifs sur le marché, nous plaçant dans une situation critique.

Un certain nombre de pays ont pris des décisions – comme l'Allemagne qui a décidé de sortir du nucléaire – mais ces décisions ne sont pas suffisamment coordonnées à l'échelle européenne.

Enfin, le secteur énergétique a dû faire face à des évolutions mondiales brutales et fulgurantes, en particulier le développement du gaz de schiste aux États-Unis – le shale gas –dont nous ressentons les effets aujourd'hui en Europe. Nous n'avons pas assez anticipé ces bouleversements.

Notre groupe d'énergéticiens entend contribuer au débat, non pour critiquer les politiques énergétiques mais pour essayer de faire mieux, dans la perspective de la nouvelle politique énergétique européenne.

Tout a commencé pour notre groupe par l'appel que nous avons lancé, le 21 mai 2013, devant le Conseil européen de l'énergie au cours duquel nous avons proposé aux chefs d'État une autre vision de l'évolution du marché. Nous étions alors huit au sein du groupe Magritte ; nous sommes aujourd'hui douze dirigeants de grands groupes européens, dans des secteurs très différents allant du charbonnier au producteur d'énergies renouvelables, tous réunis autour d'un même message et d'un même constat : certes, la politique énergétique européenne a le mérite d'exister, mais il faut la promouvoir et faire en sorte qu'elle réponde mieux encore aux attentes des citoyens européens. Nous avons présenté nos réflexions devant le Parlement européen et différents chefs d'État et de Gouvernement, et nous avons communiqué avec la presse pour alimenter la réflexion du public.

Quelles sont les pistes que nous proposons ?

La première consiste à rétablir un véritable signal carbone. En effet, l'évolution du système souffre d'une absence totale de visibilité – le prix du carbone est actuellement de 5 euros alors qu'il devrait avoisiner les 30 euros – ce qui entraîne la méfiance des industriels et des énergéticiens.

Aujourd'hui, le marché connaît un excédent de 2 milliards de tonnes de quotas de CO2. Nous proposons de mettre en place le back loading qui consiste à retirer momentanément des quotas du marché. Vous allez me dire, monsieur Turmes, que ce n'est pas suffisant. C'est exact, c'est pourquoi nous allons plus loin en proposant de retirer des quotas et, pour leur ôter toute valeur, de « déchirer les billets de banque ». Ce retrait, en créant une pénurie, ferait remonter les prix. Un certain nombre d'industriels ne souhaitent pas que le marché dépende d'un signal politique. Qu'ils soient rassurés : le retrait, justifié par la seule crise économique, ne serait effectué qu'une seule fois.

Il convient parallèlement de donner de la visibilité à long terme. Pour cela, il faut définir un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, qui pourrait aller de 25 à 50 %. La Commission l'a fixé à 40 %, nous pouvons nous en féliciter. C'est un premier pas. Mais il nous faut attendre l'aval du Conseil européen.

Le marché de quotas d'émissions de CO2 est une enveloppe de quotas définie à un instant t, indépendamment de l'évolution de la demande. Nous proposons de créer une « banque centrale carbone », dont la mission serait d'ajuster les quotas sur le marché pour prendre en compte l'évolution de la demande et éviter les écarts de prix brutaux.

Parmi les énergéticiens qui composent le groupe Magritte se trouvent des charbonniers. Cela n'a rien d'étonnant car tous les énergéticiens ont un rôle à jouer dans la transition énergétique, tous développent de nouvelles activités et proposent de nouvelles offres à leurs clients.

Certes, les industriels très énergivores ont une position beaucoup plus modérée sur le marché carbone et pourraient menacer de délocaliser les industries fortement consommatrices d'énergie. Ce n'est dans l'intérêt de personne. Nous essayons naturellement de les écouter, mais l'orientation générale du secteur de l'énergie relève de choix politiques. C'est donc à vous, mesdames et messieurs les députés, de définir la boîte à outils que vous souhaitez mettre en place.

Une autre piste consiste à mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone qui permettrait de taxer les importations vers l'Europe en fonction du contenu carbone des produits.

Une autre, enfin, pourrait être de réinjecter le revenu généré par les enchères du marché carbone au profit des industriels très consommateurs.

J'en viens aux énergies renouvelables. La presse a parfois présenté de façon très négative notre position sur ces nouvelles énergies, mais je vous rassure, nous sommes les plus gros investisseurs dans ce domaine. Iberdrola est le premier producteur d'énergies renouvelables au monde et GDF Suez le premier producteur d'éolien en France. Il n'est donc pas de notre intérêt de batailler contre les énergies renouvelables, mais nous aimerions qu'un cadre soit mis en place afin de sécuriser les investissements. Si certains pays d'Europe – l'Espagne, la Roumanie, la Pologne – reviennent sur des systèmes existants, c'est qu'ils ont été mal « designés ». Un certain nombre d'investisseurs ont signé des contrats qui n'ont pas été honorés. Pour éviter de telles situations, nous proposons d'améliorer les schémas, de rendre les technologies de plus en plus compétitives et de développer les filières.

Nous proposons, par ailleurs, d'engager une réflexion sur le nouveau modèle de marché « energy only » car s'il reflète la valeur de l'énergie sur un marché de gros, il n'attribue aucune valeur à la sécurité d'approvisionnement.

Pour attribuer une valeur à la sécurité d'approvisionnement, certains États membres, dont la France, ont développé des mécanismes de rémunération de capacité. Nous y sommes favorables s'ils sont bien « designés », ouverts à tous et transparents, mais nous mettons en avant une approche européenne. Nous espérons notamment travailler avec les Allemands sur un mécanisme de capacité propre à maintenir un marché intérieur intégré, fluide et transparent.

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