Intervention de Claude Turmes

Réunion du 30 janvier 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Claude Turmes, député européen :

Ces chiffres figurent dans le rapport de la CRE que j'ai adressé à la Commission européenne.

La stabilité de la consommation d'électricité est un mythe. En réalité, elle est très variable. Il suffit, pour s'en persuader, de regarder la consommation d'électricité en France le jour de la finale de la Coupe du monde de football.

Dans les années 1960, la France était équipée de quelques lignes à haute tension, situées essentiellement entre Paris et le Rhône du fait de la présence de barrages hydroélectriques. Lorsque votre pays a engagé son programme nucléaire, il a construit massivement des lignes à haute tension – dont la construction, d'ailleurs, a coûté aussi cher que celle du parc nucléaire ! Mais un réacteur nucléaire n'est pas assez flexible pour réagir aux fluctuations de la consommation. Certains proposent de construire des parcs de trois éoliennes, ce qui nécessite naturellement la présence d'un back up. Faut-il un back up derrière chaque réacteur nucléaire ? Non ! Ce n'est donc qu'en laissant toutes les productions dans le système que nous pourrons trouver un équilibre. Le marché pentalatéral permet précisément de réaliser des économies d'échelle car les pointes sont différentes d'un pays à l'autre.

RTE considère qu'il peut rencontrer deux problèmes majeurs : si deux centrales nucléaires françaises quittent le réseau en même temps et en cas de pic d'utilisation du chauffage électrique – nous savons qu'une baisse d'un degré entraîne une augmentation de consommation de 2 400 mégawatts. L'année dernière, le Portugal a produit 70 % d'électricité d'origine renouvelable, sans que le réseau ait eu à collaborer. Le Danemark en produit certains jours 80 %, l'Espagne 50 %. Nul doute que RTE et ERDF, qui sont parmi les meilleurs en Europe, sauront gérer ce problème.

S'agissant du stockage, nous travaillons à l'amélioration des piles à combustible, des batteries. Mais n'oublions pas que nous avons en Europe la chance de disposer d'un nombre important de barrages hydroélectriques. Au cours des cinq dernières années, nous avons quasiment doublé la capacité des barrages en Suisse, en Suède, en Norvège, au Luxembourg – qui possède le deuxième plus grand barrage hydroélectrique d'Europe. Notre capacité hydroélectrique est suffisante d'ici à 2025-2030.

Quant à la capture de CO2, je n'y étais personnellement pas opposé car si nous prenons au sérieux le changement climatique et si nous voulons que les industries décarbonisent, il nous faudra utiliser cette technique car c'est la seule que nous connaissons. Je suis d'ailleurs favorable au projet de démonstrateur industriel de Florange.

En ce qui concerne la production d'électricité, les courbes d'apprentissage de l'éolien sont bonnes et celles du solaire sont gigantesques : il est possible aujourd'hui de construire en France une grande centrale photovoltaïque pour un coût inférieur à 100 euros par mégawattheure. Mais, tous les experts le disent, il sera très difficile de parvenir au même prix pour une unité de production de charbon car ce prix doit tenir compte de l'usine chimique nécessaire pour extraire le CO2 et des travaux de forage. Le charbon est une solution pour certains pays comme la Pologne, mais il ne sera pas concurrentiel par rapport à l'éolien ou le solaire.

Pourquoi EDF ne fait-elle pas partie du groupe Magritte ? Parce que ses dirigeants savent pertinemment que le prix de marché actuel rend impossible, sans une garantie, de réinvestir dans le nouveau nucléaire. Je vous rappelle que le Gouvernement britannique projette de construire deux EPR à Hinkley Point.

Tous ceux qui considèrent que les coûts de production de l'éolien sur terre – environ 80 euros – et de l'énergie solaire – entre 90 et 110 euros – sont élevés devraient relativiser car le nouveau nucléaire coûtera quant à lui entre 130 et 150 euros. C'est la raison pour laquelle EDF, dans un souci de cohérence, n'a pas intégré le groupe surréaliste mis en place par GDF Suez.

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