Intervention de Humphrey Cadoux-Hudson

Réunion du 23 janvier 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Humphrey Cadoux-Hudson, directeur exécutif « Nouvelles constructions nucléaires », EDF Energy :

Je m'occupe des nouveaux projets nucléaires pour EDF Energy – filiale d'EDF –, le plus grand producteur et fournisseur d'électricité, puisqu'il exploite, en toute sécurité, huit centrales nucléaires. Depuis l'acquisition de British Energy par EDF en 2009, nous avons considérablement investi dans la filière nucléaire, ce qui s'est traduit par une amélioration de la production, passée de 40 TWh en 2008 à 60,5 TWh ; or il faut remonter aux années 2002-2003 pour retrouver le même niveau de production.

EDF propose de construire deux réacteurs EPR, à Hinkley Point, dans le Somerset, puis deux autres réacteurs à Sizewell, dans le Suffolk. Ces projets ambitieux s'appuient sur l'expertise et le savoir-faire du groupe EDF. Plusieurs étapes restent à accomplir, notamment le parachèvement des accords avec nos partenaires industriels, le financement par émission d'actions, par participations croisées et, évidemment, l'obtention de la garantie du Gouvernement pour l'émission d'obligations. Il conviendra d'attendre ensuite les décisions de l'Union européenne en matière d'aides publiques.

Quelque 40 % des sites de production d'électricité au Royaume-Uni doivent être démantelés au cours des quinze prochaines années, le coût de construction des infrastructures de remplacement étant estimé par le gouvernement britannique à quelque 110 milliards de livres sterling. Une nouvelle politique énergétique a été définie au cours de ces dernières années, déclinée selon les différentes technologies dans des Déclarations de politique énergétique nationale qui ont été soumises au Parlement. Aux termes de cette politique énergétique, le nucléaire doit pouvoir répondre au maximum de besoins, qui sont d'environ 10 à 14 GW. La réforme du marché de l'électricité a par ailleurs été engagée pour résoudre ses dysfonctionnements et promouvoir les investissements nécessaires dans le domaine des technologies à faible émission de CO2.

C'est ce contexte d'ensemble qui a permis que nous concluions avec le gouvernement un accord-cadre sur les clauses principales du contrat d'investissement dans Hinkley Point C.

La nouvelle centrale de Hinkley Point C fournira de l'électricité décarbonée à 5 millions de foyers, soit 7 % des besoins en énergie du Royaume-Uni. De grandes étapes ont d'ores et déjà été franchies : le gouvernement a délivré l'autorisation de construction ; pour la première fois depuis vingt-cinq ans, l'organisme de tutelle a accordé les licences nécessaires à l'exploitation d'une nouvelle centrale ; nous avons conclu avec les collectivités locales des accords visant à optimiser l'implantation de l'EPR et à réduire les désagréments ; nous avons également conclu des accords avec les principaux syndicats, afin que le site soit productif et que les personnels soient bien formés. Enfin, nous avons signé des accords de principe avec le gouvernement britannique sur les tarifs garantis pour l'électricité produite pendant la première phase d'exploitation.

Des co-investisseurs pourront par ailleurs se joindre à EDF, notamment deux sociétés chinoises qui apporteront non seulement des fonds, mais également leur expérience issue de la construction de deux réacteurs EPR à Taishan. Nous nous félicitons qu'AREVA ait décidé de s'associer au consortium, non seulement en tant que fournisseur, mais en tant qu'investisseur. Alstom, Bouygues et Laing O'Rourke seront également associés au chantier. Un groupe sera créé qui permettra la participation de PME sous-traitantes aussi bien britanniques que françaises – l'idée étant de renforcer le partenariat entre les entreprises impliquées.

Un accord a été conclu avec le gouvernement britannique pour émarger au dispositif de garanties publiques pour les grands projets d'infrastructures, ce qui facilitera la bonne réalisation de la partie du financement qui sera réalisée par endettement.

Un accord souscrit avec le gouvernement britannique garantit un tarif – le strike price – pour l'électricité produite par la centrale de Hinkley Point C pour les trente-cinq premières années de l'exploitation – sur soixante ans prévus – à 92,5 livres par MWh. Si la construction de Sizewell C est confirmée, des économies d'échelle permettront de le ramener à 89,5 livres. Ce tarif garanti inclut le coût de production, celui de l'élimination des déchets et du démantèlement des centrales. Rappelons, comme point de comparaison, que le gouvernement a fixé le prix de rachat garanti à 140 livres par MWh pour l'électricité produite par les éoliennes offshore pour les projets postérieurs à 2018 et à 90 livres par MWh pour l'éolien terrestre, pour les projets postérieurs à 2017 ; ces deux modes de production devront par ailleurs supporter des coûts d'intégration au réseau et au système électrique d'environ 10%. L'électricité d'origine nucléaire sera donc compétitive avec les autres formes d'électricité sobres en carbone et pourra s'aligner sur les prix de l'électricité produite par le gaz. Les coûts de production sont à peu près similaires dès lors que l'on tient compte des émissions en carbone. Le taux de rentabilité devrait être de 10 %, avec quelque 16 milliards de livres investis dans la construction de la centrale.

Cet accord est le résultat de longues négociations. Le gouvernement britannique a minutieusement étudié les coûts et la rentabilité du projet, en y associant des experts tiers, et a jugé qu'ils étaient raisonnables. Le contrat d'investissement offrira un juste prix à nos clients en les prémunissant contre la volatilité des coûts de l'énergie dans les années à venir ; il sera donc équitable aussi bien pour les clients que pour les investisseurs, condition indispensable à une relation stable à long terme. Il s'appuie sur un mécanisme de marché qui évite la surcompensation. Le Gouvernement ne versera la différence que si le prix du marché est inférieur au prix d'exercice, et toutes les économies réalisées dans la construction seront partagées avec les clients par le biais d'une révision du tarif garanti. EDF et ses partenaires assumeront le risque de la construction, notamment pour les coûts et les délais. Et si le refinancement du projet permet de réaliser des économies, le consommateur pourra également en bénéficier sous forme de baisse du tarif garanti.

L'accord a été soigneusement construit de façon à ne procurer que le soutien indispensable à la viabilité du projet : c'est un accord juste et équilibré.

Nous avons tiré et nous tirerons encore les enseignements des expériences antérieures – Flamanville, Olkiluoto et Taishan – et avons une connaissance approfondie des différentes étapes de la construction d'une telle centrale. Il est fondamental pour l'équilibre économique du projet que le calendrier soit réaliste et solide. Nous bénéficions d'une conception d'ensemble stabilisée, qui a été intégralement examinée par l'autorité de sûreté ; nous avons aussi défini les disciplines fondamentales associées au projet, la clef étant que nous ne commencerons rien tant que nous n'aurons pas la certitude qu'il n'y aura pas lieu de faire machine arrière. Nous disposons, avec nos partenaires industriels, de toute l'expertise nécessaire pour nous assurer que nous pouvons construire la centrale dans les temps et en respectant le budget. Reste qu'il est difficile de comparer les coûts des différents projets : ils sont le produit d'une situation propre à chaque site et de réglementations nationales différentes. Ainsi, la fiscalité locale, qui constitue une part importante des coûts d'exploitation, varie considérablement d'un pays à l'autre. Les coûts propres aux sites varient également : la centrale de Flamanville a été construite sur un site préétabli alors que celle de Hinkley Point le sera sur un site vierge ; la géologie du site est différente ce qui conduit à définir un cadre de protection sismique différent et à augmenter la quantité de béton à couler.

De nombreuses années ont été nécessaires pour arriver à ce point, à commencer par la fixation d'objectifs ambitieux et contraignants visant à réduire de 80% les émissions de CO2 d'ici à 2050. Le gouvernement a examiné les coûts et l'impact sur la sécurité d'approvisionnement des différentes techniques de production à faible teneur en carbone. Il a vu le besoin d'une nouvelle réforme du marché de l'électricité en vue de susciter les investissements nécessaires à la mise en place des infrastructures de production d'énergie faiblement carbonée. Ces décisions ont été prises à l'issue d'un processus démocratique rationnel et exhaustif qui a duré plusieurs années, auquel nous avons pris part.

La loi de 2013 prévoit ainsi une réforme du marché de l'électricité devant favoriser les investissements dans les infrastructures de production d'électricité sobre en carbone, principalement à travers les « contracts for difference ». Outre les contrats pour Hinkley Point C, onze projets de production d'énergie renouvelable sont actuellement engagés dans le même processus. Il s'agit de produire de l'électricité décarbonée au moindre coût. La réforme entend donc conjuguer les meilleurs aspects du marché et de la réglementation, non pour réduire la taille du marché, mais pour améliorer son efficacité.

Le Gouvernement a obtenu l'appui des trois grandes formations politiques pour la réforme du marché de l'électricité et pour le redémarrage du nucléaire : la Déclaration de politique nationale pour la production d'énergie nucléaire a été adoptée par 267 voix contre 14 en juillet 2011 – un moment significatif – et l'amendement du parti écologiste, qui proposait de revenir sur la partie nucléaire de la loi sur l'énergie, a été rejeté par 502 voix contre 20 en juin 2013. Et l'on constate un soutien croissant de l'énergie nucléaire au sein de la population – 67 % des citoyens britanniques sont en effet favorables à ce que l'énergie nucléaire fasse partie de notre futur mix énergétique. Le Premier ministre, David Cameron, s'est rendu à Hinkley Point en octobre dernier, à l'occasion de l'annonce de notre accord avec le gouvernement, et a déclaré au personnel de la centrale existante – Hinkley Point B – que c'était sa participation à l'exploitation sûre de la centrale, jour et nuit, qui avait permis d'envisager la construction d'une nouvelle tranche.

Notre projet est donc en bonne voie. Il offre un parfait exemple de collaboration harmonieuse entre des équipes françaises et britanniques. Les prévisions de budget et de calendrier sont établies sur une base solide et ont fait l'objet d'examens soignés aussi bien de la part de nos équipes que du Gouvernement et des investisseurs. La mise en service de Hinkley Point C sera très bénéfique pour le marché et pour la population britannique.

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