À Civaux comme à Fessenheim, la nappe phréatique est assez proche de la surface. Il est toujours difficile de porter un jugement global, compte tenu des spécificités de chaque site, mais le niveau de sûreté de Fessenheim est comparable à celui de l'ensemble du parc.
Pardon si cette remarque ne s'inscrit pas dans l'air du temps, mais le principal problème que rencontre l'ASN est celui des moyens humains. Pour l'instant, nous n'avons pas la capacité de nous saisir de dossiers très lourds. Il faudra encore dix ans de travail pour tirer les conclusions post-Fukushima. En janvier, nous avons rendu public ce que nous appelons le « noyau dur », c'est-à-dire les dispositions de sûreté supplémentaires qui permettraient de protéger les centrales de toutes les agressions. Ce schéma n'est qu'une étape. La prochaine consistera à recevoir, puis à étudier des plans, ce qui augmentera notre charge de travail.
Pour prolonger la durée de vie des centrales, nous devrons nous saisir de sujets très complexes. J'ai le sentiment que la question des compétences et des moyens humains se pose aussi chez les exploitants.
Pour la mise en service de l'EPR, nous sommes face à un mur de charges. Je ne vois pas comment y faire face, compte tenu des moyens dont nous disposons, même si l'on y ajoute ceux de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). La loi de transition énergétique ne réglera pas le problème.
Nous avons la possibilité d'arrêter à tout moment une installation. C'est en quelque sorte l'arme atomique, réservée aux cas très graves. Nous pouvons aussi effectuer une mise en demeure, c'est-à-dire adresser un document public et formel constatant qu'une installation s'écarte des consignes. Si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, nous dressons un procès-verbal qui est transmis à la justice, dont on connaît les lenteurs. Entre ces deux extrêmes, il manque une procédure intermédiaire, qui prévoirait, par exemple, une astreinte journalière tant qu'une installation n'est pas mise en conformité.
Dans la situation économique actuelle, les opérateurs ont tendance à repousser les investissements de mise en conformité. Ils pensent qu'un léger écart de sûreté peut attendre quelques mois, quand ce n'est pas quinze ou vingt ans, ce qui, à force, finit par poser un problème de sûreté. Il faudrait que la loi permette de moduler les sanctions en fonction des problèmes. Quand on sait qu'un jour d'arrêt de tranche coûte un million d'euros, on comprend que la sanction journalière ne peut pas être de 1 500 euros.