Je vous remercie, à mon tour, de votre invitation, et commencerai par quelques considérations d'ordre général.
La fédération nationale de l'énergie et des mines de Force ouvrière (FNEM-FO) a toujours été favorable à l'énergie nucléaire, dès lors qu'elle est régie par des règles de sûreté exigeantes, qu'elle reste gérée par des entreprises publiques, qu'elle contribue à la protection du pouvoir d'achat des ménages – à travers un prix au kilowattheure parmi les moins chers d'Europe – et de l'emploi dans les entreprises, et que les salariés du secteur bénéficient d'une protection sociale de haut niveau.
À nos yeux, le nucléaire est une énergie d'avenir. FO est favorable à la prolongation de l'activité des centrales, dès lors que l'ASN l'autorise ; elle réitère son opposition à la volonté du Gouvernement de fermer la centrale de Fessenheim et de plafonner, pour des raisons politiques, la part du nucléaire dans le mix électrique. J'ajoute que les discussions actuellement menées dans le secret des cabinets suscitent un vif émoi chez les hydrauliciens d'EDF, et même de GDF-Suez. Nous souhaitons également être entendus sur ce sujet, qui nous concerne directement, car nous ne partageons pas la vision qui semble émerger des discussions en cours.
Sur le thème qui nous occupe, FNEM-FO tient à rappeler deux éléments fondamentaux. En premier lieu, la décision de sous-traiter telle ou telle activité relève du choix de l'employeur après consultation – et non accord, hélas ! – des institutions représentatives du personnel. L'augmentation sensible du recours à la sous-traitance ne concerne d'ailleurs pas que le nucléaire : EDF fait appel à beaucoup de prestataires dans la partie commerciale et dans l'informatique. Cependant, dans le nucléaire, cette pratique a entraîné, dès l'origine, compte tenu de la spécificité du secteur, de vives réactions parmi les organisations syndicales, notamment FO.
Nous considérons que la part de la sous-traitance dans la filière nucléaire doit être réduite ; c'est pourquoi nous n'avons eu de cesse de nous battre pour la réinternalisation d'un maximum d'activités, et pour l'intégration dans le statut des industries électriques et gazières (IEG) du plus grand nombre de prestataires. Nous commençons, d'ailleurs, à être entendus, puisque EDF a embauché un certain nombre de salariés – robinetiers, responsables de zone, coordinateurs ou planificateurs – afin de conserver des compétences dans des domaines importants.
Cette évolution nous semble devoir être poursuivie, l'État, avec 84 % des parts au capital, ayant son mot à dire, même s'il ne s'est guère manifesté jusqu'à présent ; pire, il continue, par la voix de Bercy, d'exiger de l'entreprise, donc des travailleurs, une part conséquente de dividendes, dont 56,5 % sont distribués, soit l'un des taux les plus élevés du CAC40. On entend même dire qu'il pourrait s'engager dans une nouvelle dilution de son capital, selon la logique financière qu'il impose à l'entreprise. Pour notre part, nous rejetons une telle éventualité, et continuons à revendiquer la renationalisation d'EDF, dans l'intérêt du service public comme des salariés du secteur, y compris ceux de la sous-traitance.
Par ailleurs, même si notre fédération ne couvre que les salariés relevant du statut des IEG, nous restons engagés auprès des autres fédérations pour l'amélioration de la condition sociale des prestataires. Dans cet esprit, nous participons activement aux travaux du comité stratégique de la filière nucléaire – dont la confédération avait demandé, et obtenu du précédent Gouvernement, la création –, ainsi qu'à divers groupes de travail, en particulier au comité d'orientation sur les facteurs sociaux, organisationnels et humains créé par l'ASN. En juin 2012, Jean-Claude Mailly avait adressé un courrier au Premier ministre pour revendiquer la négociation, sous l'égide du Gouvernement, d'un accord collectif améliorant les droits, les garanties et les conditions de travail des salariés du nucléaire.
De notre point de vue, le cahier des charges social intégré aux appels d'offre des donneurs d'ordre marque une évolution mais, comme il ne constitue pas un accord négocié entre employeurs et syndicats, il ne produit pas les mêmes effets juridiques.
Un premier pas a été franchi au niveau de la division de la production nucléaire d'EDF, avec l'accord du 2 août 2013 intitulé « Une ambition sociale pour le projet industriel du parc nucléaire », que notre fédération a signé. Cet accord contractualise le cahier des charges social du comité de pilotage stratégique de la filière nucléaire (CSFN), en y ajoutant des éléments supplémentaires de reprise du personnel en cas de perte de marché ; mais il ne concerne pas tous les donneurs d'ordre, et ne constitue, je le répète, qu'une première étape, qui en appelle d'autres.