Intervention de Marc Giget

Réunion du 26 février 2014 à 16h45
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Marc Giget, président de l'Institut européen de stratégies créatives et d'innovation et du Club de Paris des directeurs de l'innovation :

La tendance des dernières expositions est à la domination des pavillons nationaux sur les pavillons thématiques. Dans ce contexte, certains pays risquent de s'en tenir à un « service minimum » : le pavillon, construit après lancement d'un concours d'architecture, est un peu vide pour permettre le passage de la foule, il abrite de grands écrans et il est animé de manière « événementielle ». Mais on peut se demander si des personnes habituées à la très haute définition et aux réseaux sociaux auront envie de venir !

Certes, si les États-Unis décident de jouer le jeu et d'exposer ce qu'ils ont de mieux, le public viendra. Il faut cependant que le monde entier soit présent, comme ce fut le cas dans les expositions qui ont été des succès. Utiliser les grands monuments parisiens, dont beaucoup furent construits à l'occasion des expositions universelles, est une bonne idée, mais il faut tenir compte de la force du marquage national : on comparera forcément les pavillons, le nombre de visiteurs, la longueur des files d'attente, etc.

Dans un monde fonctionnant de plus en plus en réseau, il faut aussi déterminer ce que l'on pourra voir et faire dans une exposition. Il est un peu risqué de se contenter de beaux écrans et de maquettes prévisibles. Certes, nous avons des lieux conçus à cet effet – esplanade des Invalides, champ de Mars –, mais Paris accueille déjà 75 millions de touristes par an et une exposition réussie et amortie doit attirer au moins 25 ou 30 millions de visiteurs : ce n'est pas un événement réservé aux « intellos », c'est aussi la fête, la beauté, l'exaltation de voir des choses que l'on ne voit pas ailleurs.

Je n'ai donc pas de réponse immédiate. Je ne peux que mettre en garde contre la dérive des petits pavillons à l'architecture travaillée, mais vides. À Hanovre, les pays invités ont fourni un service minimum et cela a déplu aux Allemands. Il n'y avait rien à voir. Organiser des débats, appuyer sur des touches, cela est déjà largement possible sur le réseau. Les gens ont envie de voir, de toucher, de manger, de faire des expériences inédites. On le voit dans les musées : certains ont vieilli et sont déserts, alors que d'autres, conçus selon de nouveaux formats, attirent un public nombreux.

Bref, ce qui sera difficile, ce ne sera pas tant d'obtenir la venue des pays étrangers que de leur faire donner le meilleur d'eux-mêmes. Beaucoup ne voient dans l'exposition universelle qu'une occasion exceptionnelle pour orienter des flux touristiques. À Shanghai, le pavillon de l'Alsace était presque aussi grand que celui de la France !

Quoi qu'il en soit, une exposition universelle présentera moins d'avions et de satellites qu'au salon du Bourget, moins de produits alimentaires qu'au SIAL, moins d'électronique qu'à Las Vegas ou à Berlin. Il y a des expositions partout. Comment faire rêver le public, sachant que nous sommes en période de crise et que les gens prendront des engagements assez tôt ? Ouvrir de nouveau un pavillon voué à devenir un magasin Decathlon au bout de six mois ne serait pas très glorieux !

Paris se doit de trouver une solution intelligente montrant que nous sommes vraiment ouverts au reste du monde en ces temps de poussées nationalistes. Il est hors de question de faire seulement une fête du made in France : c'est l'engagement des autres qui fait le succès chez soi.

L'immense succès des expositions du passé tient aussi au fait que l'on invitait les pays avec lesquels on était en guerre. Une exposition internationale était un sanctuaire : elle représentait le futur, les temps où l'on en aurait fini avec les conflits. C'est dans ce contexte, d'ailleurs, que la majorité des organisations internationales ont été créées. Une exposition universelle est une grande fête de l'humanité, un rassemblement de la famille humaine autour de ses progrès et de ses projets.

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