Chacun jugera.
L'idée était émise encore ces derniers jours de faire évoluer l'EPR, par exemple en diminuant la quantité de ferraillage. Cette manière de mettre en relation le coût, la réalisation et la sûreté m'étonnera toujours ; soit l'on considère que le ferraillage réalisé sur l'EPR est nécessaire pour des raisons de sûreté, et dans ce cas une telle décision reviendrait à réduire le niveau de sûreté du réacteur, soit tel n'est pas le cas, et l'on reconnaît implicitement que l'on a commis une erreur.
On a également dit que l'EPR offrait une amélioration notable du niveau de sûreté des piscines d'entreposage ; nous sommes nous aussi de cet avis. Toutefois, il n'a pas été fait la démonstration qu'il n'existait aucun risque de « dénoyage » du combustible dans les piscines ; j'en veux pour preuve une lettre de juin 2013, dans laquelle l'ASN demandait à EDF de réviser sa stratégie de gestion des combustibles irradiés. Cela vaudrait la peine de savoir ce qu'il en est aujourd'hui. Les conséquences sur les coûts pourraient être importantes, notamment s'il s'avérait qu'il faille « bunkériser » les piscines ou changer complètement de système – par exemple en privilégiant un entreposage à sec, sur le modèle américain. Ce qui est certain, c'est qu'en l'état, les piscines de l'EPR ne résolvent pas le problème de l'entreposage intérimaire des combustibles irradiés.
Quant à la valeur du terme source, c'est-à-dire la quantité de matière fissile contenue dans le réacteur, elle nous avait fait dire qu'il s'agissait du réacteur le plus dangereux au monde : du fait de sa puissance de 1 650 mégawatts, l'EPR est en effet celui qui, en cas d'accident majeur, serait susceptible de libérer la plus grande quantité de matière radioactive. À ce titre, je suis satisfait que Jacques Repussard ait insisté sur la question du dimensionnement.
Je ne reviendrai pas sur la situation en Finlande : là-bas, on ne sait même plus quand l'EPR pourra démarrer ! Il faut reconnaître que l'autorité de sûreté finlandaise, la STUK, est particulièrement exigeante – encore plus que l'ASN.
Antoine Ménager, directeur du chantier de Flamanville, affirme que l'EPR français sera mis en service en 2016. Il convient néanmoins de rester prudent, car la CLI subit depuis le début du chantier un enfumage permanent sur la date de mise en service, qui est régulièrement repoussée. Les générateurs de vapeur, qui devaient arriver à Flamanville d'abord le 1er novembre, puis le 15 décembre, ont été laissés sur le quai de Cherbourg, soumis à la corrosion due à l'air salin. J'ai demandé à l'ASN comment elle comptait réagir, et elle a finalement exigé que les générateurs soient entreposés dans des hangars – ce qui a été fait, mais ils sont encore à ce jour à Cherbourg, leur transport ayant été de nouveau reporté pour des raisons techniques. C'est incroyable : on a l'impression que rien ne marche ! Au fur et à mesure que le chantier avance, un nouveau problème technique ou organisationnel se pose.
Pour nous, il s'agit bien d'un échec industriel, qui découle d'un choix stratégique erroné. De ce point de vue, le dimensionnement du réacteur est particulièrement inquiétant.