Concernant les probabilités de fusion du coeur, contrairement aux Japonais ou aux Américains, nous n'accordons pas une grande confiance aux valeurs absolues, tellement entachées d'incertitude qu'elles n'ont pas de sens. En revanche, les valeurs relatives qui permettent d'établir entre deux réacteurs une différence de facteur dix sont clairement des indicateurs de progrès. C'est le cas pour l'EPR dont la probabilité de fusion du coeur est dix fois moins élevée que pour le parc actuel : pour les défaillances d'origine interne, elle est de l'ordre de 10-6.
Les coûts et les délais annoncés au départ étaient fondés sur des prévisions qui n'intégraient pas forcément la perte de savoir-faire consécutive à un long temps de latence de la construction nucléaire. Les aléas de construction et les retards engendrés étaient sans doute prévisibles, mais les constructeurs n'ayant ni la mémoire ni l'expérience de leurs prédécesseurs, ils les ont sans doute mal anticipés.
Nous avons connu des ennuis avec le radier, et le chantier a été suspendu à plusieurs reprises, mais aujourd'hui l'ASN considère que la réalisation de l'EPR répond aux exigences de sûreté.
L'EPR a été dimensionné pour résister à un séisme ou une inondation de référence. Cependant, la catastrophe de Fukushima a montré qu'au-delà de ce dimensionnement il était nécessaire d'avoir des systèmes extrêmement robustes permettant, même en cas de phénomène naturel d'une ampleur imprévue, le refroidissement du coeur et l'intervention d'équipes externes. Les prescriptions issues des ECS s'imposent à Flamanville : il s'agit du « noyau dur » et de la Force d'action rapide nucléaire (FARN). Le « noyau dur » est naturellement plus facile à mettre en place sur l'EPR que sur les réacteurs du parc actuel. Sans doute certaines exigences sont-elles d'ailleurs déjà remplies – le dossier de demande de mise en service nous permettra de faire le point.
Je confirme que l'enceinte de l'EPR a été conçue pour résister à un crash d'avion. L'aéronautique évoluant, je ne sais néanmoins si cela sera encore le cas dans un siècle.
Si l'EPR n'était pas mis en service en avril 2017, le Gouvernement pourrait annuler le décret de création. Au-delà de cet aspect réglementaire, un nouveau retard n'aurait pas de conséquences techniques majeures.
Après réception du dossier de demande de mise en service fin 2014, l'IRSN et l'ASN ont pour tâche d'analyser celui-ci en tenant compte des modifications intervenues depuis 2011, avant l'approbation de l'autorisation de mise en service, laquelle permet la réception et le chargement des combustibles sur le site. Le risque majeur à ce stade est que les délais ne permettent pas à l'instruction et au processus d'approbation du dossier de se dérouler dans des conditions satisfaisantes.
Quant aux évaluations d'EDF tablant sur une utilisation du réacteur à 90 % de sa puissance pendant soixante ans, elles constituent un objectif technique exigeant mais atteignable. Est-ce pour autant réaliste ? Probablement y aura-t-il des aléas…