Monsieur Machenaud, je serai un peu moins lyrique que vous s'agissant de notre excellence supposée, surtout en ce qui concerne l'EPR de Flamanville. Les problèmes rencontrés sur le chantier, et que vous avez reconnus vous-même, étaient-ils totalement imprévisibles ? Pourquoi avoir prétendu construire cet EPR en quatre ans si, comme nous l'a dit tout à l'heure M. Repussard, ce n'était guère sérieux ? Le surcoût et le retard par rapport à ce qui était annoncé, à propos desquels nous ne disposons pour l'instant que d'hypothèses, ne risquaient-ils pas de mettre durablement en péril la crédibilité de l'entreprise ?
Quel est le coût du kWh de l'EPR de Flamanville ? Faut-il déduire de vos propos qu'il s'élèvera à 25 % de plus que les 70 à 90 euros par MWh estimés par la Cour des comptes pour l'EPR de série ?
Ces évaluations supposent que le réacteur soit disponible à 90 % pendant soixante ans. Un taux de disponibilité aussi élevé pendant une durée aussi longue vous paraît-il crédible, compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui du mode de fonctionnement des installations nucléaires ? D'autre part, compte tenu de l'évolution des cours de l'électricité, des technologies alternatives au nucléaire et de leur coût, n'est-il pas quelque peu anachronique de construire des installations censées durer soixante-dix à quatre-vingts ans – de la conception à la fin de vie – et équilibrer leur budget sur toute cette période ? Tant de choses peuvent arriver dans l'intervalle, notamment du point de vue de la production ! Plus le réacteur est puissant, plus il faut de temps pour qu'il devienne rentable. N'est-ce pas une faiblesse structurelle ?
L'EPR de série fera, dites-vous, baisser les coûts, mais ce n'est pas ce que l'on constate à propos du projet de centrale de Hinkley Point, dont les réacteurs devraient coûter 9,5 milliards d'euros. En outre, si la Commission européenne l'accepte, le prix de l'électricité qui y sera produite – environ 110 euros par MWh – doit être garanti pendant trente-cinq ans. Est-ce raisonnable ? Est-ce compétitif ?
La courbe de l'investissement financier dans le nucléaire, établie par votre entreprise et consultable sur Internet, met en évidence trois « bosses ». Premièrement, les investissements initiaux consentis pour construire le parc actuel, soit environ 100 milliards d'euros selon la Cour des comptes. Deuxièmement, le coût de la maintenance et du grand carénage, dont nous avons parlé avec M. Minière la semaine passée ; il reste élevé au-delà de 2025, de sorte que le montant annoncé, de 55 milliards d'euros jusqu'à cette date, serait dépassé – d'un tiers environ, semble-t-il, ce qui le porterait à 75 milliards. Troisièmement, l'investissement massif dans le renouvellement, c'est-à-dire la construction de nouveaux réacteurs de troisième génération, qui nous occupe aujourd'hui. À combien d'EPR correspond-il, compte tenu du montant de 6 à 6,5 milliards par réacteur que vous venez d'évoquer ? Comment ces coûts ont-ils été évalués ? Les représentants de la CFDT nous ont parlé d'un « mur d'investissements » ; il est vrai que ces derniers sont appelés à augmenter considérablement par rapport aux dernières décennies, avec le grand carénage et les mesures post-Fukushima, puis la construction de nouveaux réacteurs.