Intervention de Jacques Audibert

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jacques Audibert, directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères :

Si tel était le cas, ils ne nous le diraient pas. Mais ce n'est pas impossible : ils ne tiennent pas particulièrement à M. al-Assad, mais souhaitent un pouvoir capable de tenir le pays. C'est d'ailleurs aussi notre préoccupation.

Monsieur Reitzer, M. Rohani s'est en effet abstenu de faire les mêmes provocations que son prédécesseur, qui avaient dramatisé le débat et décrédibilisé l'Iran. Le pouvoir iranien est devenu beaucoup plus habile : il sait que, en multipliant les signes de bonne volonté à l'égard d'Israël, il désamorcera les soupçons quant à ses intentions. Mais ces soupçons demeurent très forts en Israël. Dès le début, les Israéliens ont déclaré qu'ils ne voulaient pas d'un accord intérimaire. Nous leur avons dit qu'ils se plaçaient ainsi en dehors des discussions : s'ils avaient des inquiétudes fondées ou des exigences à faire valoir, il valait mieux qu'ils participent au débat et précisent à quelles conditions ils seraient prêts à accepter un accord intérimaire, puis un accord final. Quoi qu'il en soit, les Israéliens font partie des interlocuteurs régulièrement consultés par les membres du groupe des « 5+1 ».

Pour parvenir à un accord avec l'Iran, il nous faut naviguer entre deux extrêmes : si nous faisons preuve de faiblesse, les Israéliens en tireront tôt ou tard les conséquences en intervenant militairement, ce que nous voulons absolument éviter ; a contrario, si nous nous montrons trop exigeants, les Iraniens rompront les discussions. La réponse de la France à ce dilemme – qui fait son identité au sein du groupe des « 5+1 » –, c'est qu'il convient de maintenir la pression sur les Iraniens pour qu'ils restent à la table des négociations. C'est en effet la pression des sanctions qui a amené Téhéran à discuter. Mais nous faisons aussi comprendre aux Israéliens qu'il convient de demeurer raisonnable et que nous ne pouvons pas demander aux Iraniens de renoncer à tout. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, notre objectif est d'obtenir la mise en oeuvre concrète de l'engagement solennel pris par l'Iran de « ne jamais chercher à acquérir ou à développer d'armes nucléaires en aucune circonstance » – cette phrase qui figure dans l'accord intérimaire est la reprise d'une citation de M. Rohani. Il convient de décliner cet engagement dans tous les domaines : enrichissement ; retraitement avec le réacteur plutonigène d'Arak ; recherche et développement ; clarification de la nature des activités passées et présentes liées à la possible dimension militaire.

Il n'est pas aisé de déterminer si les Iraniens ont atteint ou non le « seuil nucléaire », d'autant que cette notion n'a jamais été définie de manière précise. Une chose est sûre : ils sont en train de s'en approcher et nous devons les en éloigner le plus possible. Dans l'accord intérimaire, les Iraniens se sont engagés à arrêter l'enrichissement à 20°%, mais pas à renoncer à cette capacité : ils n'ont pas dégradé leurs centrifugeuses, ils se contentent de ne pas les utiliser. En outre, ils doivent supprimer leur stock d'uranium enrichi à 20 %, en en reconvertissant une partie et en diluant le reste. Cette exigence a été ajoutée à la demande de la France : c'est un moyen concret d'éloigner les Iraniens du seuil. Nous avons également beaucoup insisté sur la filière du retraitement : le réacteur plutonigène d'Arak est aujourd'hui à l'arrêt, mais il faut maintenant qu'il soit transformé en réacteur à eau légère. Je prévois de longues discussions sur ce point : c'est pour l'Iran une question de fierté nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion