Une bonne dépense publique doit être au service des Françaises et des Français : c’est cela qui distingue la bonne dépense publique de la mauvaise.
La gauche n’oublie pas ce qu’elle est. Partout, toujours, son ambition est de créer davantage de solidarité et davantage d’égalité. La solidarité et l’égalité doivent constituer la boussole de l’action du Gouvernement. Partout, toujours, la gauche entend préserver, renforcer et moderniser les instruments de redistribution et les services publics, même dans une période de crise telle que celle que nous connaissons. Cela doit être réaffirmé et constituer notre stratégie ; c’est la stratégie du Gouvernement.
Cela étant, je souhaite prendre des exemples concrets, comme celui de notre système de santé : des marges de progression existent, que nous devons mobiliser. Je pourrais ainsi évoquer les médicaments génériques : on en parle depuis dix ans, peut-être même depuis vingt ans. À quand une stratégie nationale permettant d’aller encore plus loin, afin de diminuer beaucoup plus qu’aujourd’hui les dépenses de Sécurité sociale ?
Je pourrais parler également de la médecine ambulatoire, par exemple : elle constitue à la fois une source importante d’économie pour notre système de santé mais aussi de confort pour les patients. Cessons de considérer que l’on est mieux soigné parce que l’on reste plus longtemps à l’hôpital ! Changeons, chez nos compatriotes, cette vision des choses. Ce que nous avons à garantir à chacun de nos concitoyens, c’est l’égal accès aux progrès de la médecine : je sais que cela fonde l’action de la ministre de la santé et du Gouvernement.
Je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, concernant le logement – sujet important que vous avez cité, monsieur le Premier ministre –, nous disposons aujourd’hui d’un outil législatif qui nous permet d’avancer. Mais vous avez pu constater les réactions sur ces bancs quand vous avez parlé de lever les contraintes : oui, aujourd’hui, il y a besoin de logements ; oui, aujourd’hui, cela peut passer par une diminution des contraintes pesant sur ceux qui veulent ou peuvent construire, mais qui ont peur car ils ne savent pas ce qu’ils pourront faire demain de leurs biens. De ce point de vue, peut-être faudra-t-il réaffecter une partie des quarante milliards d’euros consacrés directement ou indirectement au logement, afin d’atteindre l’efficacité et ainsi tenir nos engagements concernant ce chantier important pour les Français.
Pour le reste, quelques mots sur l’Europe : ne soyons pas fétichistes ! La France a pris l’engagement vis-à-vis de ses partenaires européens de favoriser une dynamique vertueuse de ses comptes publics. Tout en respectant cette dynamique, elle plaide en Europe pour une politique plus affirmée de soutien à la croissance. C’est une bonne chose et, sur ce sujet également, vous pourrez compter, monsieur le Premier ministre et messieurs les ministres, sur notre entier soutien. Les trajectoires budgétaires que les pays de l’Union ont définies ensemble n’ont de chance d’être tenues que si elles sont soutenables par les pays membres, que si elles facilitent le retour de la croissance et favorisent la baisse du chômage. L’Europe ne peut être le trou noir de la croissance mondiale ! La France doit s’exprimer d’une voix forte pour affirmer que les objectifs d’une Commission aujourd’hui trop libérale sont porteurs de trop d’austérité ; ne nous résignons pas, et défendons la croissance, la croissance et toujours la croissance au niveau européen, créatrice d’emplois et permettant d’engager de vastes politiques publiques sur le territoire européen. Nous vous faisons donc confiance, monsieur le Premier ministre, pour discuter demain avec Bruxelles de cette trajectoire de la France et de la priorité donnée à la croissance.
Nous devons poursuivre, mais également accélérer. Je l’ai dit : nos concitoyens y sont prêts. Ils consentent à la réforme, car ils ont compris que notre pays surmontera ses blocages en se mettant en mouvement et que les atouts de la France trouveront à s’exercer si une dynamique nouvelle est favorisée. Cette réforme doit constituer un bloc, générer un avant et un après : c’est ainsi, me semble-t-il, qu’elle peut être mieux perçue, comprise, acceptée et au final soutenue. Cessons, par crainte de l’opinion, des corporations, des intérêts particuliers, d’émietter les choses, de les découper. Quand une réforme est trop lente à être mise en oeuvre, quand elle est trop partielle pour produire des résultats, elle devient floue et prend le risque d’être rejetée.
Vous êtes, monsieur le Premier ministre, à la tête d’un gouvernement de combat, qui a mandat pour agir vite et fort. Je vous sais soucieux de préserver les acquis du dialogue social, avec lequel notre pays a renoué grâce à l’action de votre prédécesseur. Je vous sais soucieux également de la soutenabilité des réformes pour le pays tout entier. Mais j’ai la conviction, tout comme vous, que notre pays trouvera d’autant plus le chemin de l’apaisement qu’il sera en mouvement et tourné vers l’avenir. L’apaisement viendra si l’on se projette vers l’avenir, si le pays se met en mouvement : c’est pour cela que nous vous accompagnerons dans les réformes que vous avez pris l’engagement, aujourd’hui devant le Parlement, de réaliser.
Je pourrais également citer l’exemple de la réforme territoriale – vous avez dit ce qu’il fallait en dire, fixant ici des objectifs pour la mise en oeuvre d’une organisation intelligible pour nos concitoyens et assurant la performance des politiques publiques sur le terrain. Les Français vont se saisir, je le pense, de cette question. Ils se passionneront d’autant plus, quand les débats leur seront proposés, qu’ils sauront que des changements réels interviendront : on ne peut en effet se passionner pour un débat que si l’on a la certitude, après avoir été entendu, qu’une réforme sera adoptée ici, marquant de son sceau l’investissement citoyen qui aura été celui des Français.
Monsieur le Premier ministre, il y a une autre priorité à laquelle nous sommes très attentifs : la jeunesse, que le Président de la République a placé au coeur de son projet, et que vous-même avez mise au coeur de votre intervention. Faire de la jeunesse une priorité, c’est d’abord pour la nation faire oeuvre d’éducation, pour que les jeunes Français disposent des atouts nécessaires et de l’audace conquérante dont bénéficient ceux qui ont appris. La refondation de l’école est en route, elle doit permettre aux jeunes Français encore scolarisés aujourd’hui de mieux comprendre notre société pour mieux s’y mouvoir demain et y prendre toute leur place de citoyen.
Mais, là encore, ces efforts de moyen terme nous obligent à inventer des réponses à l’échec scolaire, à la déscolarisation, à la situation d’un nombre inacceptable de jeunes sans bagage, sans qualification et somme toute sans espoir. Tous les apprentissages ne sont pas livresques ou scolaires. Le succès du service civique doit nous conduire à réfléchir sur la façon dont nous pouvons permettre à notre jeunesse en attente de son premier emploi de se rendre utile au service des autres. Face à l’inactivité et au désoeuvrement, nous devons proposer l’engagement, le service des autres, l’utilité sociale. Monsieur le Premier ministre, notre groupe aidera, proposera, soutiendra toutes les mesures que vous prendrez et qui iront dans cette direction. La jeunesse doit se sentir partie prenante de la marche de notre pays, elle doit s’y sentir à sa place, elle doit s’y sentir reconnue, elle doit s’y sentir respectée.
Mes chers collègues, le troisième mot que j’ai choisi est le verbe infléchir. La réussite de notre action dépend de notre capacité collective à poursuivre l’action engagée depuis vingt-deux mois, à accélérer les réformes que nous estimons souhaitables, mais aussi à infléchir certaines des orientations que nous avons développées. Les Français nous l’ont dit à l’occasion des élections municipales : « Nous ne nous y retrouvons pas. » Ils ont parfois eu le sentiment qu’un équilibre avait été rompu, qui pourtant constitue la raison d’être de la gauche elle-même, cet équilibre toujours nécessaire entre l’effort demandé à tous et la justice sociale, entre la responsabilité de tous les acteurs économiques, chefs d’entreprise et salariés, et la solidarité en direction de celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Beaucoup d’efforts ont été consentis par nos concitoyens. Les Français veulent souffler et améliorer leurs conditions de vie. Quoi de plus légitime ? Nous avons d’ores et déjà pris des mesures en ce sens avec la réindexation des tranches du barème de l’impôt sur le revenu, les mesures qui ont été proposées par Christian Eckert, notre rapporteur général du budget lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, comme le renforcement de la décote et le relèvement du seuil de revenu fiscal de référence déclenchant les dispositifs d’exonération de différentes taxes.
Pour autant, au moment où nous renforçons encore et à juste raison le soutien à l’économie par des allégements de charges permettant de développer l’emploi et la compétitivité, nous devons aussi aller plus loin sur la fiscalité des ménages et nourrir ainsi le pacte de solidarité pour qu’il soit pleinement en phase avec les attentes des Français. À cet égard, monsieur le Premier ministre, je souhaite qu’une concertation étroite puisse s’opérer avec le groupe socialiste, à la lumière des annonces que vous nous avez faites et qui, je vous le répète au nom de tout mon groupe, vont dans la bonne direction, celle de la justice sociale. Le message que nous adressons aux Français est clair : les efforts que nous leur avons demandés, nous allons désormais les faire nous-mêmes et les préserver demain tant par l’impôt que par le rehaussement du niveau de service public que nous leur devons. Après le message qu’ils ont exprimé la semaine dernière dans les urnes, cette adresse que vous avez faite aux Français me semble importante.
Les mesures que vous avez proposées en matière de coût du travail, d’augmentation du pouvoir d’achat des bas salaires sont de nature à répondre à ce premier besoin de booster notre compétitivité et de répondre à l’impératif de justice sociale. C’est un pacte. Mais ce pacte n’est pas conclu seulement avec des chefs d’entreprise, il est conclu avec les entreprises ; or, les entreprises, ce sont aussi des salariés. Ce pacte avec les entreprises et les salariés fortifiera notre économie et créera des emplois.
Monsieur le Premier ministre, il y a encore trop de chômage. Aussi, je veux vous dire toute la disponibilité de la majorité pour accompagner le nouveau ministre du travail, François Rebsamen, dans la tâche qu’il accomplira à la suite de l’excellent travail conduit par Michel sapin. Il nous faut, dans cette période, être toujours le plus inventifs possible. Tant que la croissance ne sera pas totalement revenue, tant qu’il n’y aura pas d’emploi, il faut nous battre partout. Et je souhaite que dans toutes les collectivités territoriales, quelle que soit la couleur politique de leurs exécutifs, la confiance que la population a exprimée dans leur projet passe par le soutien à l’emploi, à tous les dispositifs qui aujourd’hui permettent d’alléger les souffrances de ceux qui se retrouvent sans activité.