Intervention de général Bertrand Ract Madoux

Réunion du 17 octobre 2012 à 11h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Bertrand Ract Madoux :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous remercie de m'offrir cette opportunité de pouvoir, une nouvelle fois, m'adresser à la représentation nationale.

Ma précédente intervention m'avait amené en juillet à vous présenter les caractéristiques et les enjeux d'une armée, qui n'est peut-être pas la plus simple à appréhender mais dont la force repose justement sur la diversité, la complémentarité et la polyvalence de ses composantes. Je vous avais ainsi exposé nos missions, nos points de satisfaction et nos inquiétudes.

Je partagerai cette fois avec vous mon appréciation sur le projet de loi de finances 2013, un exercice qui requiert une importance toute particulière en cette année de révision du Livre blanc.

J'ai pu constater que ce budget avait été, à juste titre, qualifié de budget d'attente ou de transition par le ministre de la défense et le chef d'état-major des armées. Cette attente ne sera pas sans conséquence pour une armée de terre qui représente, comme j'ai coutume de le dire, 20 % du programme 146, 20 % de la préparation opérationnelle hors titre 2 (personnel) des armées et 20 % de l'entretien programmé des matériels (EPM) des armées. Or dans ce processus de recherche d'économies de court terme, elle supportera, en 2013, une grande part des efforts du ministère.

1. L'armée de terre supportera ces efforts, tout d'abord, dans le domaine des équipements dans la mesure où, sur les années 2012 et 2013, l'armée de terre devra contribuer à hauteur d'environ 40 % du total des reports ou annulations en autorisations d'engagement ainsi que des crédits de paiement. Cet effort apparaît encore plus disproportionné pour la seule année 2013, avec une part dans la réduction des engagements estimée à 76 %. Cela s'explique par ses nombreux petits programmes particulièrement propices aux économies de court terme et par le fait que plusieurs programmes majeurs tels SCORPION et le porteur polyvalent terrestre (PPT), n'ayant pas encore été notifiés, pouvaient donc être décalés.

Le plan des autorisations d'engagement 2013 devrait ainsi maintenir les seuls investissements prévus les années précédentes et geler toutes les commandes initialement prévues en 2013, pour un montant de 546 millions d'euros.

Déjà, après les dernières grosses commandes des programmes majeurs de 2009, véhicule blindé de combat et d'infanterie (VBCI et FELIN), 2010 et 2011 ont été des années d'étiage. La reprise devait être amorcée en 2012 avec le NH90 CAÏMAN et le missile moyenne portée, pour augmenter plus nettement en 2013 avec le lancement des programmes majeurs de l'armée de terre : SCORPION, armement individuel du fantassin, roquette de nouvelle génération, autant de programmes indispensables au renouvellement des équipements parmi les plus anciens de l'armée de terre et aujourd'hui à bout de souffle. En raison des mesures d'attente, 2012 aura donc été moins ambitieuse que prévue et l'année 2013 reprendra seulement certaines commandes prévues en 2012.

Certes, il n'y aura pas eu d'annulation de programme majeur, c'est l'essence même de ces mesures dites « d'attente ». Mais les mesures prises porteront essentiellement sur des décalages de commandes qui post 2014, terme de la loi de programmation militaire en cours, auront des conséquences déstructurantes dans la mesure où un cinquième des mesures en crédits de paiement concernent les programmes d'environnement (ou autres opérations d'armement), si importants, malgré leur diversité pour l'armée de terre.

Les conséquences immédiates en seront notamment le décalage à l'été 2013 de la notification des travaux complémentaires d'architecture pour le programme SCORPION. Si cette mesure qui affecte le programme majeur de l'armée de terre est surtout emblématique, d'autres auront des conséquences capacitaires plus importantes telles que l'impossibilité de projeter plus de 4 hélicoptères CAÏMAN jusqu'à fin 2016 ou la rupture capacitaire sur le segment des porteurs logistiques terrestres à partir de 2015.

Ces restrictions ne remettront pas en cause le modèle capacitaire de façon irréversible et permettront de ne pas préempter les décisions du Livre blanc et de la loi de programmation militaire à venir. Elles représentent, en revanche, une rupture très nette dans la trajectoire des ressources. Celle-ci menace à moyen terme la modernisation et donc la cohérence de certaines fonctions opérationnelles.

Quelle que soit l'issue des travaux du Livre blanc et les formats retenus, l'effort devra donc impérativement être rétabli dès 2014 et prolongé dans la prochaine loi de programmation militaire, pour garantir l'indispensable modernisation des forces terrestres, dans la mesure où une grande partie des commandes et livraisons d'équipements futurs de l'armée de terre y seront prévues :

– commandes du véhicule blindé multirôle (VBMR) et de l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) pour remplacer un parc de blindés à bout de souffle, utilisé dans toutes les crises et conflits (véhicule de l'avant blindé – VAB, AMX10-RC, ERC-90 SAGAIE) ; c'est le coeur du programme, SCORPION avec le système d'information et de combat (SICS), pour permettre la mise en réseau des unités de combat ;

– livraison des 68 hélicoptères NH-90 d'ici à 2020 pour consolider l'aérocombat et éviter une rupture capacitaire imminente ;

– acquisition d'une capacité missile de moyenne portée (MMP) pérenne et moderne française permettant d'engager tout type d'adversaire, en remplacement des vieux MILAN ;

– acquisition effective et rapide d'une capacité de drone tactique. Le programme Watchkeeper correspond ainsi au besoin de l'armée de terre. Il offre, outre les perspectives de coopération franco-britannique, une optimisation des coûts d'acquisition, de soutien, de formation et d'entraînement des utilisateurs ;

– enfin, acquisition d'une capacité de frappe à distance, priorité de la LPM 2009-2014 mais remise en cause par le décalage du programme lance-roquettes unitaire (LRU). Ce dernier était pourtant la condition à la réduction du nombre de pièces dans l'artillerie…

2. L'armée de terre supportera également une part importante des efforts du ministère dans le domaine des effectifs.

Sa contribution ira ainsi au-delà de l'objectif fixé par la loi de programmation militaire (environ 2 700 postes en 2013) en raison d'une accentuation de la pente de déflation, consécutive aux décisions contenues dans la lettre plafond de cet été.

Certes, cet effort supplémentaire et ponctuel a été qualifié d'avance sur les déflations prévues en 2014 et 2015. Mais, j'avais pu vous préciser, comme mon prédécesseur l'avait fait avant moi d'ailleurs, que les dernières années de la réforme seraient les plus difficiles à réaliser.

L'armée de terre doit en effet prendre en compte un certain nombre d'obstacles à la réalisation de sa cible que sont les mesures imposées aux armées postérieurement au Livre blanc de 2008 : maintien de telle unité ou de telle garnison, ouverture de chantiers nouveaux (OTAN, cyberdéfense,…). Ces mesures n'ont malheureusement pas été accompagnées des effectifs supplémentaires correspondants et ont in fine un impact sur la réalisation de la cible 2015. L'effort supplémentaire imposé de 825 postes en 2013 portera ainsi sur plusieurs fonctions opérationnelles et de façon répartie, notamment sur l'infanterie. J'ai en effet refusé, en l'état, et dans l'attente des conclusions des travaux du Livre blanc, de proposer la dissolution d'un nouveau régiment. Mais il s'agit d'une perspective que je ne pourrai pas écarter en cas d'éventuel effort supplémentaire.

Ainsi, dans un contexte de diminution programmée des effectifs, les ressources du titre 2, hors pensions, diminuent logiquement de 30 millions d'euros. Mais je constate également que de façon mécanique, le poids des pensions augmente de manière bien plus importante. Je voudrais attirer votre attention sur cette part du titre 2 consacrée aux pensions qui ne fera qu'augmenter avec la diminution des effectifs.

Enfin, je regrette la clause d'auto-assurance qui a été assortie à la mesure de « resoclage » du titre 2 en 2012. Cette mise sous condition impliquera que toute mesure imposée ou non programmée en gestion se traduise par des mesures correctrices sur la masse salariale, à l'image des mesures bas salaires, mesures par ailleurs manifestement positives.

Cette approche est dangereuse car les effectifs des armées répondent à des contrats opérationnels définis par la représentation nationale et traduisent l'ambition de la France. Ce ne sont pas de simples variables d'ajustement.

Récemment pointée du doigt sur les questions de masse salariale et d'avancement, souvent à tort, l'armée de terre saura, enfin, prendre les mesures qui s'imposeront pour maîtriser sa masse salariale. Mais il va sans dire que les révélations de l'été 2012, par médias interposés, ont été un choc. J'étais d'ailleurs lundi avec les représentants des officiers de l'ensemble des régiments réunis en séminaire. Ce sujet d'inquiétude était sur toutes les lèvres. Il dépasse bien évidemment la seule catégorie des officiers car la restriction de l'avancement, dont je rappelle qu'il se fait presque essentiellement « au choix », c'est-à-dire au mérite, aura un impact sur « l'escalier social » qui est la force des armées et qui permet, à chacun, selon ses capacités, d'accéder à des responsabilités supérieures. Je vous rappellerai ainsi que 70 % des sous-officiers sont issus des militaires du rang et que 70 % des officiers ne sortent pas directement des écoles de Coëtquidan.

Je m'inquiète donc de ces polémiques qui, en pointant telle ou telle catégorie ou grade, distillent injustement ressentiment et tension intercatégorielle qui n'ont pas lieu d'être dans notre institution. Je me dois ainsi de rappeler que toutes les catégories de personnel ont bénéficié, à partir de 2008, du mouvement de rattrapage des soldes souhaité par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire dans son premier rapport de février 2007. Celui-ci a logiquement débuté par les militaires du rang en 2008 pour s'achever en 2011 avec les officiers supérieurs.

3. La préparation opérationnelle et l'entretien programmé des matériels de nouvelle génération sont, en revanche, relativement préservés. Je tiens à saluer l'action résolue du ministre de la défense qui a permis de préserver l'essentiel dans ce domaine qui était par ailleurs l'une des préoccupations majeures que je partageais avec les parlementaires. Mais cet effort en faveur de la préparation opérationnelle a été effectué sous enveloppe, au prix d'efforts significatifs sur le fonctionnement, certaines réalisations d'entretien programmé du personnel (EPP) et des matériels (EPM) plus anciens.

Qui plus est, cette tendance à la baisse n'a pu être infléchie et l'objectif des journées de préparation opérationnelle maintenue sur sa cible initiale de 105 jours fixée par le projet annuel de performances pour 2013. Mais je sais également que, dans la recherche d'économies, les travaux préliminaires auraient considérablement dégradé cette cible, ce que n'a pas voulu le ministre.

Il n'empêche qu'avec cette diminution de 111 jours à 105, la préparation opérationnelle globale de l'armée de terre sera néanmoins affectée. Elle sera ainsi amenée à renforcer son modèle de préparation opérationnelle différenciée qui fait un effort ponctuel et cyclique, le plus souvent lié à un engagement opérationnel, sur certaines unités pour les amener aux standards les plus exigeants. Je dois en revanche saluer la reconnaissance des 200 heures de vol par pilote d'hélicoptères comme cible future, à l'image de ce qui se pratique déjà dans l'armée de l'air.

Au-delà de ces perspectives chiffrées, c'est bien la garantie de l'excellence opérationnelle de l'armée de terre qui est en jeu.

Je souhaite également qu'à l'avenir certaines lignes budgétaires soient mieux discriminées pour éviter des coupes « aveugles » dans des domaines qui, à l'image de la communication, ne relèvent pas uniquement du fonctionnement au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Je regrette aussi une lecture parfois trop technique, parcellaire et analytique qui est faite du budget. Cette approche nuit à la cohérence globale. Quel sens y aurait-il à préserver des journées d'activités opérationnelles si les crédits EPM n'étaient pas abondés en conséquence pour permettre un entraînement suffisant ? Et quand bien même le serait-il, ce qui n'est, aujourd'hui, malheureusement pas le cas, si les indemnités liées aux exercices hors garnison (ISC : indemnité de service en campagne) étaient amputées ?

Puis-je vous rappeler qu'avec 85 millions d'euros, seuls 26 jours d'activités sont aujourd'hui indemnisés contre 29 en 2011, ces jours correspondant aux absences en exercice loin des familles et de la garnison. Cela est d'autant plus important que la part des opérations est, comme vous le savez, en nette diminution. Enfin, rappelons qu'il s'agit, hors opérations extérieures, de la seule prime dont nos militaires du rang peuvent bénéficier.

En Afghanistan le retrait se poursuit, en effet, selon le calendrier programmé. Le 30 septembre dernier, le 16e bataillon de chasseurs a ainsi évacué la base de Tagab qui était une des positions parmi les plus dangereuses que nous ayons tenues. Nos troupes auront définitivement quitté la Kapisa en fin d'année et seront regroupées à Kaboul. Ils seront moins de 1 200 de l'armée de terre à Noël. Ce mouvement de retrait s'effectue en très bon ordre. Nos soldats peuvent ainsi sortir la tête haute de cette opération. Ils ont rempli leurs deux missions : contenir les Talibans dans leur zone d'action et former l'armée afghane pour prendre la relève.

Début 2013, le territoire national deviendra de facto le plus important des théâtres d'opérations de l'armée de terre. Elle y a toujours été présente mais peu de nos concitoyens s'en doutent. Il s'agit d'un « théâtre » essentiel pour lequel elle mène, actuellement, une réflexion approfondie sur les moyens qu'elle serait capable de déployer en cas de nécessité, en étroite coordination avec les forces de sécurité.

L'armée de terre prend acte de ce désengagement, sans état d'âme. J'ai engagé ce mouvement de retour sur les garnisons dès ma prise de fonctions, il y a un an. Les efforts de préparation opérationnelle ont été adaptés en conséquence. Cela est d'autant plus important que l'armée de terre n'a en référence, depuis sa professionnalisation, aucune année sans engagement majeur.

Il s'agit maintenant d'effectuer un travail de fond pour tirer les enseignements de 10 ans d'Afghanistan et préparer les engagements futurs. Car comme j'ai déjà pu le dire, préparer la guerre, ne consiste pas uniquement à s'appuyer sur les conflits passés.

Un certain nombre de parlementaires, avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir, m'ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude sur l'impact que pourrait avoir la baisse des opérations en termes de moral, de recrutement et de fidélisation. Il s'agit là effectivement de véritables enjeux. Au-delà de nouvelles opérations qui, dans notre monde instable ne manqueront vraisemblablement de se déclencher, il importe effectivement de pouvoir apporter à des professionnels ce qu'ils sont en droit d'attendre, à savoir les conditions pour effectuer correctement leur métier. Nous avons ainsi l'obligation de conserver un rythme d'activités suffisant. Au regard du budget du ministère, les sommes nécessaires sont d'ailleurs marginales. Je pense également qu'à l'avenir une petite partie des actuels budgets OPEX pourrait très utilement abonder les budgets consacrés à la préparation opérationnelle. Il n'en faut pas beaucoup pour faire un soldat heureux : de la reconnaissance, de l'équité et les moyens d'exercer normalement son métier. Enfin, ponctuellement, vous savez que la situation budgétaire de 2012 aura un impact majeur pour 2013. C'est pourquoi j'attends absolument une levée de la réserve de précaution réalisée sur nos crédits 2012 ainsi que le remboursement de nos surcoûts OPEX.

4. Vous l'avez bien compris, il y a derrière mes propos l'inquiétude de voir la cohérence d'un outil efficace et aguerri, affaiblie par des mesures budgétaires de court terme et de voir les données budgétaires préempter les débats stratégiques en cours.

Or, je ne saurai vous rappeler combien le combat moderne est complexe et qu'il faut du temps pour acquérir expérience et légitimité, combien avec des équipements de plus en plus sophistiqués l'entraînement doit être exigeant. À titre d'exemple, une seule section d'infanterie d'environ quarante soldats détient aujourd'hui plus de types d'armes différents qu'un régiment d'infanterie de ligne en 1914.

La France possède aujourd'hui avec l'armée de terre un outil remarquable qui, malgré les réformes lourdes, n'a jamais fait défaut pour répondre à ses engagements opérationnels. Mais elle est dans une situation d'équilibre qu'il lui est de plus en plus difficile de préserver. Son format est tout « juste insuffisant » expliquait un récent rapport du Sénat. Il ne faut, en effet, pas oublier qu'en 2009, l'armée de terre, avec le même format, était en situation de « surchauffe » opérationnelle. Je pense donc qu'elle a effectivement atteint un seuil plancher au-dessous duquel elle ne pourra descendre sans renoncements capacitaires, renoncements qui lui feront perdre sa cohérence et son efficacité et pourrait affecter l'image de la France.

Car c'est bien avec le volume de la force terrestre projetable (aujourd'hui 73 000 hommes) que doivent se raisonner les contrats opérationnels et non avec les effectifs de l'armée de terre au sens large (135 000 militaires et civils), effectifs qui comprennent notamment 11 000 hommes servant au sein des ministères de l'intérieur (pompiers, sécurité-civile) et de l'outre-mer (service militaire adapté - SMA) et 23 000 hommes au sein des services et directions interarmées du ministère de la défense.

Le président de la République a pu le rappeler lors de son allocution à la XXeconférence des ambassadeurs, le monde se caractérise par son instabilité et son incertitude, « un ordre ancien a disparu, mais aucun autre n'a encore émergé ».

Ce monde nouveau, instable et incertain doit, je pense, nous inciter à la plus grande prudence sur nos choix d'avenir. Prudence quant aux choix stratégiques qui seront pris, prudence dans le suivisme trop rapide de nouveaux concepts stratégiques qui pourraient, à l'image du mythe de la campagne sans homme au sol, dont les récentes opérations ont montré les limites, amener les armées françaises dans une impasse. Il viendrait amoindrir le large éventail d'actions vantées par le Président de la République. De même que laisser la question de la dette à nos enfants est irresponsable, les laisser sans défense crédible le serait tout autant.

Mes motifs de satisfaction sont donc aujourd'hui d'un tout autre ordre que de nature financière. Je voudrais ainsi mettre en avant le comportement exemplaire de nos soldats en opérations dans une période de désengagement qui n'a pas été facile. Les joueurs de jeux de plateau, échec ou dames, le savent bien, il est toujours moins facile d'être le 2e à jouer, surtout lorsqu'il ne s'agit pas d'un jeu. Ces circonstances auront permis à l'armée de terre d'asseoir sa confiance en elle, confiance qu'elle avait pu gagner en montrant notamment sa capacité à affronter des opérations de combat particulièrement dures. C'est également le résultat de l'excellent niveau opérationnel atteint par les différentes unités au terme du long processus de professionnalisation initié en 1996. L'armée de terre pourra ainsi répondre « présent » lorsque notre pays sera confronté à des scénarii plus durs que ceux des dernières années.

Mais au-delà de ces opérations, je voudrais souligner la qualité et la disponibilité de ces hommes et de ces femmes - auxquels j'ai rendu plus de cent visites en un an - qui servent notre armée de terre avec conviction, et d'un point de vue plus général, mettre en exergue leur très fort degré de mobilisation pour honorer les missions, de toutes natures, qui leur sont confiées. Ils n'ont jamais défaut et nos concitoyens savent qu'ils peuvent compter sur eux.

Ces derniers en sont d'ailleurs parfaitement conscients. En attestent les marques de sympathie qui se sont multipliées au cours des derniers mois lors des manifestations auxquelles ont pu participer les forces armées, à Paris mais également dans les garnisons de province.

Cette affection trouve son pendant dans le crève-coeur que constitue la dissolution d'un régiment ou la fermeture d'une garnison. J'ai pu le mesurer, avant l'été, à Châteauroux puis à Chalons en Champagne et Laon-Couvron, et je comprends combien cette perspective est difficile pour une ville comme Commercy, comme elle le serait pour les garnisons qu'il nous faudrait éventuellement fermer encore dans le cadre de restructurations auxquelles pourrait aboutir le futur Livre blanc.

Je souhaite enfin saluer la remarquable capacité qu'ont les militaires de l'armée de terre à s'adapter aux évolutions de leur environnement. Peu de corps constitués de la fonction publique ont vécu des transformations de leur quotidien aussi importantes et aussi denses. Ces difficultés n'ont, jusqu'à présent, pas eu d'impact sur le taux de fidélisation. Ce qui traduit leur attachement à notre institution, attachement dont la plus belle preuve est la reconnaissance de nos blessés pour le soutien et la prise en charge que l'institution leur prodigue. J'estime donc de mon devoir de tout faire pour faciliter leur quotidien.

C'est en ce sens que j'ai proposé à l'état-major des armées l'expérimentation, sur des bases de défense où l'armée de terre est prédominante, d'une meilleure cohérence locale en plaçant chacune d'elle sous l'autorité d'un chef unique comme ont su le mettre en oeuvre l'armée de l'air et la marine dans leurs zones de responsabilité. Cela concernera les bases d'Angoulême, Grenoble, Draguignan et Strasbourg, les quatre ayant un profil différent.

Inversement, vous pouvez légitimement comprendre mon désarroi lorsque je ne peux apporter de solutions aux difficultés que rencontrent mes subordonnés comme c'est aujourd'hui le cas avec le nouveau système de solde dont les dysfonctionnements sont désormais générateurs d'exaspération.

En conclusion, je vous ai dressé, pour reprendre l'expression du chef d'état-major des armées, un panorama de l'armée de terre parfois sombre mais sans concession. Je ne peux vous cacher, non plus, que l'adhésion aux réformes s'érode sensiblement. En l'absence de perspective d'améliorations rapides, la lassitude commence à gagner les esprits.

L'annonce, par médias interposés, du blocage d'un tiers du volume de l'avancement pour 2013 a cristallisé la crise de confiance des militaires envers leurs hauts responsables. Les comparaisons avec le traitement différent dans d'autres ministères suscitent également de l'amertume.

Mais malgré les difficultés induites par les restrictions budgétaires, tous estiment normal que l'armée de terre prenne sa part à l'effort de redressement des finances publiques. « Pas plus, pas moins ». Mais ils espèrent également tous qu'elle ne sera pas oubliée lorsque sera venu le moment de bénéficier du redressement de l'économie française. Après avoir accepté tous ces efforts, l'armée de terre de 2012 n'est plus celle de 2008. Je pense qu'il en est de même pour son environnement local, fatigué et inquiet par tant de sacrifices. Cet état d'esprit partagé par civils et militaires devra être pris en compte dans le processus de décision à venir.

Comme promis, je vous renouvelle mon invitation à venir approfondir votre connaissance de l'armée de terre. Vous avez pu mieux appréhender, le 18 septembre dernier, à Carpiagne, ses capacités, ses enjeux et contraintes mais aussi la richesse de ses hommes et la diversité de ses métiers. En novembre prochain, je vous propose donc de venir à Sissonne découvrir, dans une démonstration du combat futur en zone urbaine, le programme SCORPION, programme clef pour lequel l'armée de terre se met progressivement en ordre de bataille dans l'attente de son expérimentation.

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