Je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée de présenter à votre commission les grandes lignes du budget 2013 du ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE). Si vous me le permettez, je n'évoquerai pas longuement les questions de transport, sur lesquelles vous entendrez tout à l'heure mon collègue Frédéric Cuvillier.
Le projet de loi de finances pour 2013 est un acte important du redressement du pays dans le contexte que nous connaissons. Chacun sait ici que la situation de nos finances publiques est difficile, la dette étant passée de 64 à 91 % du PIB sous le précédent quinquennat. Le Président de la République a pris l'engagement de revenir à un niveau de déficit de 3 % de la richesse nationale en 2013. Cela nécessite un effort de 30 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros sur les dépenses. Mon ministère prendra sa part de cet effort de redressement, mais le budget que je suis venue vous présenter préserve globalement nos capacités d'intervention.
Commençons par tordre le cou à une idée reçue. Il n'y a pas eu un « âge d'or » des politiques environnementales sous le précédent quinquennat, auquel succéderait à présent une période de restriction budgétaire. Le précédent Gouvernement a achevé la législature en considérant que « l'environnement, ça commençait à bien faire » et a fait subir au budget du ministère des coups de rabot de 400 millions d'euros, à l'occasion des lois de finances de la successives ! (Exclamations)
Au cours des dix dernières années, le ministère a subi des réorganisations majeures, aboutissant à des transferts et des suppressions massives d'emplois – 6 350 entre 2008 et 2012 sur le périmètre du grand ministère, incluant le logement. Le bilan qui m'a été remis par le CGEDD le dit clairement : la RGPP a donné aux agents le sentiment d'un empilement de réformes n'obéissant à aucune logique d'ensemble, si ce n'est la logique comptable. J'ai trouvé à mon arrivée une administration fatiguée, en proie à un réel mal-être, sans repères et inquiète de son avenir.
Au titre du budget général, nous disposerons l'année prochaine de 7,5 milliards d'euros de crédits hors personnel pour financer nos priorités, contre 7,6 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2012. Cette légère diminution trouve notamment son explication dans la baisse de la subvention de l'État à l'AFITF, qui sera néanmoins compensée par l'entrée en vigueur de l'écotaxe poids lourds.
S'agissant des emplois, le Président de la République s'est engagé sur la stabilité globale des effectifs de l'État tout en renforçant certains ministères prioritaires : éducation nationale, justice, intérieur. Dans ce contexte, le ministère de l'écologie et de l'énergie verra ses emplois diminuer de 614 ETP en 2013, soit une baisse de 1,5 %, moindre que la norme de 2,5 % fixée par la lettre de cadrage du Premier ministre, du fait des efforts passés et d'une priorité politique forte.
J'ajoute qu'au cours des dernières années, le ministère a fait supporter les réductions d'emplois prioritairement sur les services de l'État pour alléger la contrainte sur ses opérateurs. Je souhaite revoir cette logique et j'ai demandé aux opérateurs du MEDDE de respecter une trajectoire de diminution de leurs emplois de 2,5 % par an en moyenne sur la durée du triennal 2013-2015.
Ce changement de logique s'accompagnera d'un changement de méthode, auquel le Premier ministre nous a invités dans le cadre du séminaire gouvernemental sur la modernisation de l'action publique. J'aborde cette question avec pragmatisme, mais aussi avec des principes. Il faut repartir des missions de l'État, donner du sens au travail de chacun et rechercher des gains de productivité dans la simplification des procédures. Il faut résister à la tentation du Meccano administratif permanent dans un ministère qui déjà a connu de nombreuses réformes. Il faut avancer dans la transparence et la concertation, principalement avec les agents.
Alors, est-ce un bon budget ? Oui, si l'on considère qu'un bon budget est un budget qui obéit à des priorités et dans le cadre duquel chaque euro est efficacement dépensé au service d'une ambition claire.
Ces priorités, nous les avons : elles sont issues de la feuille de route de la Conférence environnementale. La première, c'est la transition énergétique, qui va donner lieu à un grand débat national et à une loi de programme. La seconde priorité, c'est la biodiversité, avec le projet de création d'une Agence nationale de la biodiversité et l'adoption d'une loi cadre.
Comme l'a annoncé le Président de la République, notre ambition est de faire de la France la nation de l'excellence environnementale. C'est de voir dans l'écologie non pas une contrainte ou un luxe qu'on ne pourrait se permettre en temps de crise, mais un levier et une opportunité pour créer des emplois, relocaliser notre production, changer nos modes de consommation et nos modes de vie, et inventer un nouveau modèle de développement durable et social.
Je vous propose de passer brièvement en revue certaines de nos priorités.
Sur la biodiversité, la conférence d'Hyderabad sur la diversité biologique a été marquée par deux avancées substantielles sur le financement des actions en faveur de la biodiversité et sur la protection de la biodiversité marine. C'était important pour prolonger la logique de Nagoya. Nous avons obtenu un engagement multilatéral en faveur de la préservation de la biodiversité, alors que des données récentes font de nouveau état de la disparition accélérée de certaines espèces – la moitié des espèces vivantes risquent de disparaître d'ici à la fin de ce siècle. Une prise de conscience citoyenne est nécessaire sur ce point. Un inventaire mondial des zones d'intérêt biologique et écologique va être établi pour la première fois, et il comprendra la Méditerranée.
La France, qui a joué un rôle moteur dans ces avancées, se devait d'être exemplaire au plan national. Je vous annonce que nous consacrerons près de 280 millions d'euros au programme « Paysages, eau et biodiversité » en 2013, et que cette dotation sera sanctuarisée sur l'ensemble du triennal. Pour mieux répondre aux enjeux de mise en oeuvre des chartes, tout en poursuivant les efforts de maîtrise des dépenses de fonctionnement, 68 millions d'euros iront aux parcs nationaux. Ainsi, 2013 verra l'installation du Parc national des Calanques.
S'agissant des parcs régionaux, j'ai réaffirmé récemment mon objectif que 20 % du territoire national soit classé d'ici à 2020. Les moyens que l'État consacrera à cette ambition seront en légère augmentation en 2013, avec 9,5 millions d'euros destinés notamment au soutien aux moyens d'ingénierie dans les PNR.
L'effort du ministère en faveur des réserves naturelles ne se démentira pas non plus : 20,5 millions d'euros seront dédiés, non seulement à la couverture des besoins des réserves existantes et de leur tête de réseau, mais aussi à la création de réserves nouvelles. Le budget 2013 permettra de faire aboutir une demi-douzaine de projets de création ou extension de réserve s'inscrivant dans le cadre du premier programme national d'actions de la stratégie de création des aires protégées terrestres métropolitaines.
L'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) est aujourd'hui devenu un acteur incontournable de la biodiversité, mais il est confronté à la baisse tendancielle des redevances cynégétiques. Nous accompagnons donc cet opérateur en augmentant sa subvention, qui sera portée à 39,4 millions d'euros en 2013, puis 40,7 millions d'euros en 2014 et 2015.
Je ne peux aborder les opérateurs de la biodiversité sans évoquer la création de l'Agence nationale de la biodiversité. Mon intention n'est pas ici de préempter le résultat des travaux du préfigurateur que je nommerai prochainement. Je souhaite néanmoins vous expliquer quel objectif nous poursuivons.
La France ne dispose pas, aujourd'hui, d'un outil complet et efficace en matière de connaissance de la biodiversité, qui soit à la hauteur des enjeux. Les données sont éparses, incomplètes. Souvent, nous ne sommes pas en situation de présenter des éléments exhaustifs sur le bon état écologique, éléments qui sont pourtant une obligation au titre de nos engagements communautaires ; ceci nous expose à des situations compliquées, y compris en termes de contentieux. Nous ne sommes pas davantage en mesure d'apporter expertise et conseil appropriés à tous ceux – collectivités locales, opérateurs, associations de protection de l'environnement – qui, sur le terrain, veulent développer des actions pertinentes de protection ou de restauration et se tournent à juste titre vers l'État.
La première raison d'être de la création de cette Agence, sa première mission, ce sera donc de développer, grâce à des moyens renforcés, un outil indispensable en termes de connaissance. La deuxième raison d'être consistera à favoriser, accompagner et développer l'ensemble des actions en faveur de la protection de la biodiversité, qu'il s'agisse de la biodiversité extraordinaire, protégée sur des sites remarquables, ou de la biodiversité ordinaire, sur l'ensemble du territoire, grâce notamment à la création de continuités écologiques.
Sur cette base, l'Agence pourra prendre en charge le pilotage national du réseau Natura 2000 et de la mise en oeuvre des trames verte et bleue, et plus globalement de tout ce qui, à l'avenir, contribuera à la restauration des continuités écologiques. L'Agence de la biodiversité aura naturellement vocation à être l'interlocutrice des collectivités locales, des opérateurs ou acteurs régionaux ou infra-régionaux, et aussi des associations de protection de l'environnement, à qui elle pourra apporter non seulement expertise et conseil, mais aussi appui opérationnel et financements.
Le Premier ministre a annoncé que l'Agence serait créée en 2013 par la future loi-cadre sur la biodiversité. Je souhaite que le Parlement soit pleinement associé aux travaux de préfiguration et de réflexion qui seront conduits avant le dépôt du projet de loi.
S'il est un domaine où le modèle des agences a fait ses preuves, c'est bien celui de l'eau. Les agences de l'eau inaugureront en 2013 leurs dixièmes programmes d'intervention. Leur plafond de dépenses a été porté à 13,3 milliards d'euros, contre 12,4 milliards d'euros pour les neuvièmes programmes. Ces moyens supplémentaires s'accompagnent de règles de fléchage plus exigeantes afin de concentrer les moyens sur l'atteinte des objectifs de la directive cadre sur l'eau. Je me félicite tout particulièrement de cet arbitrage, dans la mesure où les financements accordés par les agences ont un réel effet de levier sur l'investissement local, et par conséquent sur l'activité et l'emploi dans les territoires.
Ma seconde priorité en 2013 sera de remettre à plat, en lien avec mon collègue Stéphane Le Foll, le plan Écophyto 2018, financé par les agences via l'ONEMA. Conformément à la feuille de route issue de la Conférence environnementale, l'efficacité du plan sera évaluée d'ici à la fin de 2012, dans le cadre du comité d'orientation et de suivi, et des mesures de renforcement seront mises en oeuvre immédiatement après. Nous travaillerons également au renforcement du caractère incitatif de la fiscalité sur les polluants de l'eau.
S'agissant de l'énergie et du climat, l'action du Gouvernement sera structurée par le débat sur la transition énergétique et la loi de programme qui suivra. Les enjeux sont considérables en matière d'énergies renouvelables pour des raisons tant écologiques qu'économiques. Cela a conduit le Gouvernement à prendre des mesures d'urgence pour la filière solaire, qui pourront d'ailleurs concerner ultérieurement d'autres énergies renouvelables.
Le second grand axe de la transition est l'amélioration de l'efficacité et de la sobriété énergétiques. J'y reviendrai devant la commission des affaires économiques de votre Assemblée, cet après-midi.
Cette politique mobilise peu de leviers budgétaires, puisque le programme « Énergie, climat et après-mines » est très majoritairement dédié à l'accompagnement des anciens mineurs, via la subvention à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. Les ressources sont donc, pour l'essentiel, extrabudgétaires.
Comme le Président de la République s'y est engagé, la BPI sera la banque de la transition écologique. Les fonds non engagés du programme d'investissements d'avenir font, quant à eux, l'objet d'un réexamen en vue d'être redéployés en direction de l'ADEME afin de soutenir un certain nombre de projets. Le Fonds chaleur de l'ADEME sera préservé sur la période qui s'ouvre, avec une capacité d'intervention de 220 millions d'euros en 2013.
Un des chantiers majeurs de la transition énergétique sera celui de la rénovation thermique. Le produit budgétaire des ventes de quotas carbone viendra ainsi alimenter le budget de l'ANAH. Nous mobiliserons également le crédit d'impôt développement durable, qui sera concentré sur les rénovations lourdes et les certificats d'économie d'énergie. Les CEE pourront d'ailleurs être mobilisés au bénéfice d'autres volets de la transition énergétique.
Un dernier aspect de notre action en matière d'énergie-climat concerne la pollution de l'air. J'ai, dès mon arrivée, fait de l'amélioration de la qualité de l'air un objectif prioritaire. L'enjeu est à la fois sanitaire – la pollution de l'air est à l'origine de milliers de décès prématurés – et financier – la France est passible de sanctions pécuniaires très lourdes pour non-respect de la législation communautaire en la matière. Le budget dédié à la qualité de l'air dans le cadre du programme 174 sera donc augmenté de 18 % dès 2013, et ce pour trois ans. Ces moyens supplémentaires iront à la révision du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques et à l'amélioration des dossiers des plans de protection de l'atmosphère.
L'outil fiscal sera également mobilisé, puisque j'ai obtenu que la TGAP sur les polluants atmosphériques soit étendue et augmentée dès 2013.
S'agissant des risques technologiques et naturels, mon ministère joue un rôle éminent de protection des biens et des personnes. Le budget consacré à la prévention des risques, soit 245 millions d'euros hors dépenses de personnel, a pu être globalement préservé sur ses grandes priorités. Plusieurs faits marquants sont à relever.
Nous nous donnons d'abord les moyens d'accompagner l'accélération du rythme de prescription des plans de prévention des risques technologiques, en portant les crédits de 33,6 millions d'euros en 2012 à 44,6 millions d'euros en 2013, soit une augmentation d'un tiers. Je me félicite que l'Assemblée ait adopté, en première partie, un amendement du Gouvernement, d'inspiration similaire à un amendement du député Yves Blein, augmentant le plafond du crédit d'impôt PPRT. Cette initiative permettra d'accompagner les populations, notamment les moins favorisées, face aux risques industriels.
Nous mettons également en cohérence le financement de la prévention des risques naturels, en concentrant sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs un certain nombre d'actions auparavant partagées entre le Fonds et le budget de l'État. C'est l'objet de l'article 64 du projet de loi de finances, qui devrait faciliter l'élaboration des plans de prévention des risques inondations, suite à la tempête Xynthia et aux inondations dramatiques de 2010 dans le Var. Nous prorogeons également l'intervention du Fonds jusqu'à la fin de 2016 pour financer les actions de réduction du risque sismique aux Antilles et nous majorons de 15 % la participation du Fonds à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles.
J'ajoute enfin que les travaux de l'Autorité de sûreté nucléaire entrepris à la suite de la catastrophe de Fukushima seront pleinement financés grâce à la reconduction de la dotation budgétaire consacrée à l'ASN – soit 58,3 millions d'euros. S'agissant de l'IRSN, qui constitue le « bras armé » de l'ASN, j'ai sollicité de mon collègue ministre du budget l'augmentation de 8 millions d'euros des taxes affectées à l'Institut, toujours dans le but d'accompagner cet opérateur dans le surcroît d'activité qu'il connaît à la suite du drame de Fukushima.
Enfin, le budget dédié au programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » est globalement préservé, même s'il a fallu consentir un effort d'économies sur certains programmes de recherche incitative. En complément des dotations budgétaires, je souhaite que nous puissions mobiliser les financements disponibles dans le cadre des investissements d'avenir, notamment pour renforcer les actions de recherche conduites par le CEA dans le domaine des énergies renouvelables.
Je voudrais dire un mot de ces deux opérateurs majeurs du ministère que sont l'IGN et Météo-France. L'enjeu est aujourd'hui de préserver l'excellence scientifique et de consolider le modèle économique de ces établissements. Priorité a donc été donnée, dans le calibrage de leurs subventions pour 2013, aux investissements.
Le maintien de la subvention à l'IGN – 95,7 millions d'euros – devrait permettre de couvrir des besoins en investissements à hauteur de 17,5 millions d'euros. Concernant Météo-France, le précédent gouvernement a décidé une réorganisation profonde de son système de prévision et un resserrement de son réseau territorial avec une valeur cible, à terme, de 55 implantations. Le nouveau Gouvernement hérite d'un processus difficilement réversible, puisque le recentrage du système de prévision sur les échelons national et régional est très largement engagé. J'entends parfois dire que l'objectif de 55 implantations n'est pas assez ambitieux : nous n'irons pas au-delà. Je sais que les équipes de Météo-France vivent douloureusement les mutations en cours. Un dispositif d'accompagnement personnalisé a donc été mis en place au sein de l'établissement. Nous nous efforçons de donner des perspectives nouvelles en augmentant sensiblement la subvention de l'opérateur, qui passera de 207 millions d'euros en 2012 à 216 millions d'euros en 2013. Cette augmentation ira notamment à l'entretien des infrastructures du réseau d'observation et au changement du supercalculateur.
Sur les transports, mon collègue Frédéric Cuvillier reviendra en détails devant vous sur les grandes orientations de notre politique dans ce domaine. Je me bornerai à rappeler que le Gouvernement a décidé de donner la priorité aux transports du quotidien. L'AFITF contribuera aussi à l'objectif d'amélioration de la qualité et de la sécurité des réseaux. Par ailleurs, le budget 2013 confortera les interventions en faveur des modes de transport alternatifs à la route et du report modal.
Un mot pour conclure sur la fiscalité écologique. Le projet de loi de finances que vous examinez contient déjà deux mesures significatives : le doublement de la TGAP « air » et le durcissement du malus automobile.
Je comprends les attentes, mais le Gouvernement ne peut pas faire en quelques mois ce que les équipes précédentes n'ont pas fait en dix ans. (Protestations.)
Nous sommes le premier Gouvernement à avoir mis aussi directement et ouvertement ce sujet complexe sur la place publique, en consacrant à la fiscalité une table ronde de la Conférence environnementale. La feuille de route qui en est issue est ambitieuse. Elle prévoit, entre autres, le réexamen des dépenses fiscales relatives à l'usage des énergies fossiles, l'évaluation de l'impact sanitaire et climatique de la fiscalité des véhicules, la remise à plat de la fiscalité des déchets ou encore la fiscalisation des activités d'exploitation des ressources naturelles terrestres ou marines.
Sur tous ces sujets, je constituerai et installerai prochainement une instance de concertation dédiée.