Intervention de Pierre Léautey

Réunion du 9 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Léautey, rapporteur pour avis :

La commission des affaires culturelles et de l'éducation a décidé en février dernier de se saisir pour avis de ce projet de loi, adopté par le Sénat en première lecture en novembre 2013. En effet, plusieurs dispositions de ce texte visent les associations, qui relèvent du champ de compétence de la commission. Nous nous sommes également saisis du titre relatif aux fondations, qui, pour certaines, jouent un rôle majeur dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la recherche. Au total, ce sont ainsi onze articles que nous examinons aujourd'hui, en excluant l'article 43 bis qui relève de la compétence de la commission des affaires sociales.

Si le droit des associations n'a que peu évolué depuis la loi du 1er juillet 1901, le paysage associatif s'est quant à lui passablement transformé. Fort d'environ 1,3 million d'associations, le monde associatif français fait preuve d'un grand dynamisme, soutenu par l'action de 12 millions de bénévoles. Ses domaines d'intervention ne cessent de s'étendre, ce qui entraîne un besoin croissant de financements.

Or ce secteur est aujourd'hui confronté à la crise, tout comme l'ensemble du tissu économique. Les financements publics, auparavant majoritaires, sont en baisse, ce qui confronte les associations à d'importantes difficultés de trésorerie et freine l'emploi. Plutôt que d'attribuer des subventions, les collectivités territoriales préfèrent emprunter la voie des marchés publics, juridiquement plus sûre, ce qui a pour effet de limiter fortement l'autonomie et l'initiative des associations. Les financements privés collectés auprès des usagers tendent ainsi à prendre de l'importance, ce qui, à terme, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la capacité des associations à proposer leurs services à tous, en particulier à ceux qui ont de faibles ressources.

Le projet de loi répond à ces préoccupations, en agissant sur différents leviers sans toutefois bouleverser l'équilibre établi par la loi de 1901.

Son article 10 tend à remettre la subvention au coeur du financement associatif en en donnant une définition légale – mesure très attendue par les associations comme par les acteurs publics –, et qui met un terme à l'incertitude qui entourait jusqu'alors l'octroi de tels financements au regard du droit de la commande publique.

Ensuite, plusieurs dispositions visent à permettre aux associations de recourir de façon accrue à d'autres sources de financement. D'une part, les associations les plus importantes – notamment celles qui interviennent dans le secteur médico-social – pourront émettre plus facilement des obligations. Si le dispositif existe depuis plus de vingt ans, il n'a pas connu le succès escompté puisqu'une poignée seulement d'associations a effectivement émis des titres financiers. L'article 40 du projet de loi vise donc à rendre ce type d'investissements à la fois plus attractif et moins risqué. D'autre part, un plus grand nombre d'associations pourront recevoir des dons et legs. À l'heure actuelle, seules les associations reconnues d'utilité publique et certaines associations déclarées intervenant dans le domaine de la bienfaisance et de la recherche scientifique et médicale en ont la faculté juridique. L'article 43 du projet de loi étend cette possibilité aux associations déclarées depuis trois ans au moins et ayant un caractère philanthropique, artistique, culturel, éducatif, sportif, social ou familial. Ces mêmes associations pourront également conserver et administrer les immeubles donnés ou légués, et ainsi faire fructifier leur patrimoine immobilier. Quant aux associations reconnues d'utilité publique, elles pourront exercer tous les droits attachés à la propriété de biens immobiliers, l'article 44 du projet de loi supprimant l'interdiction actuellement posée par la loi de 1901.

Le projet de loi a également pour objet d'accompagner le mouvement de restructuration que connaît aujourd'hui le tissu associatif. La crise économique, mais également la nécessité pour les associations de professionnaliser leur gestion, poussent de plus en plus d'entre elles à se rapprocher, voire à fusionner. Les articles 41 et 42 du projet de loi encadrent ces opérations de fusion, de scission ou de cession d'activités entre associations, qui sont aujourd'hui réalisées sans base légale, dans des conditions complexes et souvent hasardeuses.

Au-delà de ces dispositions utiles, tendant à actualiser la loi dans le respect des équilibres établis en 1901, d'autres points feront l'objet d'amendements.

J'ai tout d'abord souhaité renforcer les obligations pesant sur les associations qui reçoivent des subventions importantes. En effet, si les associations recevant plus de 153 000 euros de subventions par an sont obligées de publier leurs comptes, cette obligation n'est assortie d'aucune sanction et semble, dans les faits, imparfaitement respectée.

Quant à la formation des dirigeants bénévoles, elle mériterait d'être assez largement renforcée. Je propose donc que puisse être créé un fonds dédié, qui serait financé par le secteur lui-même et assurerait le financement, voire l'organisation de telles actions de formation.

Les auditions que j'ai menées ont également fait apparaître la nécessité de mettre en avant une forme peu connue de financement associatif : l'apport en fonds associatifs, avec ou sans droit de reprise. Ne visant ni au prêt ni au don, ce type de contrat permet de céder à une association une certaine somme d'argent, sans contrepartie matérielle, et de la reprendre si le contrat le stipule. L'apport en fonds associatifs peut permettre de financer un nouvel investissement ou assurer à l'association le fonds de roulement nécessaire à son fonctionnement. Pour favoriser la passation de tels contrats, je vous proposerai un amendement tendant à la création d'un fonds de garantie des apports en fonds associatifs, financé et organisé par le secteur associatif lui-même, afin d'assurer la reprise de ces fonds par ceux qui les ont apportés.

Enfin, je vous soumettrai deux amendements modifiant sensiblement le droit de la pré-majorité associative. La participation des mineurs à la vie associative fait l'objet de débats récurrents depuis plusieurs décennies. Avant 2011, la loi du 1er juillet 1901 ne comportait aucune référence aux personnes mineures ; dans le silence de la loi, il fallait donc comprendre que les mineurs pouvaient également passer cette « convention » dans les limites générales posées par le code civil. La jurisprudence avait même considéré qu'il s'agissait là d'actes usuels que les mineurs pouvaient accomplir seuls. De façon pragmatique, le pouvoir réglementaire avait cependant tenté de limiter leur participation à la vie associative et certaines préfectures refusaient le dépôt d'une déclaration réalisée par des personnes mineures.

La loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels a tenté d'y remédier en introduisant dans la loi du 1er juillet 1901 un article 2 bis qui dispose : « Les mineurs de seize ans révolus peuvent librement constituer une association. Sous réserve d'un accord écrit préalable de leur représentant légal, ils peuvent accomplir tous les actes utiles à son administration, à l'exception des actes de disposition. » Or cette rédaction est en réalité plus restrictive que le droit antérieur puisqu'elle introduit une condition d'âge pour la constitution d'une association par un mineur. En outre, elle n'indique pas clairement si les mineurs peuvent ou non adhérer à une association. Enfin, l'obligation d'une autorisation parentale préalable pour les actes des mineurs chargés de l'administration d'une association s'est révélée difficile à appliquer dans les faits.

Afin de redonner à la loi du 1er juillet 1901, telle qu'elle fut conçue, toute sa portée à l'égard des mineurs, je vous proposerai deux amendements. Le premier tend à abroger l'article 2 bis de la loi de 1901 introduit en 2011. Le second vise à inscrire dans le code civil les droits des mineurs en matière associative – qu'il s'agisse de leur adhésion à une association ou de la création et de l'administration d'une association – et à régler les questions que de tels droits soulèvent en ce qui concerne le rôle des parents et la capacité juridique des mineurs.

Le projet de loi comprend aussi des dispositions relatives aux fondations et aux fonds de dotation, qui jouent un rôle non négligeable dans les domaines culturel et éducatif comme dans celui de la recherche. L'article 45, qui prévoit l'extension du chèque-emploi associatif, devrait faciliter l'emploi dans les petites fondations. L'article 46 concerne uniquement les fondations d'entreprise, qui pourront solliciter des dons auprès d'un public plus large que ne le permet actuellement la loi. En étendant aux fondations la possibilité d'émettre des obligations, l'article 47 devrait assurer une nouvelle source de financement aux plus importantes d'entre elles. Enfin, l'article 48 vise à rendre le dispositif des fonds de dotation plus efficace qu'il ne l'est aujourd'hui.

Afin de compléter ces dispositions dont j'approuve entièrement les objectifs, je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements portant articles additionnels au sein du titre VI consacré aux fondations. Le mouvement de restructuration que connaissent actuellement les associations concernant également les fondations, et parfois les associations et les fondations entre elles, il me semble tout d'abord nécessaire d'encadrer ces opérations au même titre que les fusions, les scissions et les apports partiels d'actifs entre associations. Ensuite, afin d'en faire des outils pleinement efficaces au service de l'intérêt général, il nous a paru utile de permettre la transformation des fonds de dotation en fondations reconnues d'utilité publique, les premiers servant parfois de tremplin à la création des secondes. Enfin, je vous soumettrai un amendement tendant à favoriser le mécénat des petites et moyennes entreprises, en modifiant partiellement le calcul de la déduction fiscale dont elles peuvent bénéficier.

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