Intervention de Henri Emmanuelli

Réunion du 9 avril 2014 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Emmanuelli :

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, je ne m'exprime pas ici en tant que président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts. J'ai demandé cette audition parce que, comme beaucoup d'entre vous, je suis interpellé chaque semaine par des électeurs se plaignant de la qualité de la couverture mobile ou de la desserte numérique. Nous avons beau leur expliquer que, désormais, ces problèmes relèvent du privé, ils estiment que c'est à nous de régler la question. In fine, c'est à leurs élus que les administrés s'adressent, et ce n'est pas le président de l'ARCEP, ni celui d'Orange, de Bouygues, de SFR ou de Free qui sera tenu pour responsable si le service est défaillant.

En outre, pour la sécurité, les communications n'ont rien d'anecdotique. Certains centres des opérateurs privés sont d'ailleurs classés secret défense et il faut être habilité défense pour pouvoir y travailler. Dans certains pays, au Moyen-Orient notamment, pour être propriétaire d'un câblo-opérateur, la loi exige de prendre la nationalité. Sans aller jusque-là en France, il faut au moins poser le problème.

Dans les fameux réseaux d'initiative publique (RIP), les collectivités locales doivent investir 13 milliards d'euros, dont 3 fournis par l'État, et les opérateurs 7 milliards. Le rythme annoncé de 50 millions par an est d'autant moins acceptable que les objectifs fixés étaient déjà modestes, et que nous ne sommes vraiment pas en avance. Qui donc fournira les investissements nécessaires au « fibrage » de la France ?

S'agissant de l'emploi, nous ne saurions nous satisfaire d'engagements verbaux pris dans le cadre de conférences de presse. Numericable a déclaré que les siens ne trouveraient pas « à s'appliquer si un revirement économique imprévisible, c'est-à-dire extérieur au projet industriel annoncé, venait à affecter la situation économique du nouveau groupe. » Tout est donc possible. Si je fais l'historique des performances – le track record comme disent les financiers – de Numericable en la matière, je trouve : suite à la cession de Noos UPC France par Liberty-Altice, 832 emplois supprimés sur un effectif total de 1 341 ; en 2005, YPSO, dont les actionnaires sont Altice et Cinven, fait l'objet d'un plan social avec près de 700 postes restructurés sur environ 1 200. Excusez du peu... Il y a de quoi être inquiet.

Enfin, oui, l'opération ressemble beaucoup à un LBO : l'endettement total de l'ensemble Altice-Numericable atteint 19 milliards d'euros. Que restera-t-il pour investir après avoir fait remonter 800 millions de cash-flow pour rembourser les dettes ? Dans de telles conditions, le Gouvernement et les parlementaires ont le droit d'être inquiets et de s'exprimer, voire de légiférer.

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